Lieu de commémoration, le tombeau convoque un espace-temps en apparence trouble. Territoire de l’abandon (charnel) autant que de la survivance (spirituel), le motif du tombeau s’épanouit à l’intérieur d’un intervalle paradoxal. Il fédère le disparu au groupe, l’individu à la communauté, le micro- et le macro-. Il en va ainsi de la vie de l’homme et de l’histoire du monde. Perçues à travers le rite, celles-ci sont sans cesse tiraillées entre la continuité (la vie au-delà de la mort) et la rupture (les moments de bascule qui se confondent avec les strates d’une existence). Un tombeau pour Khun Srun (Éric Galmard 2015), sélectionné dans la catégorie « Regard du présent » du FIFF 2016 de Namur, part de ce constat. Raconter l’histoire d’un pays à travers la vie d’un homme, éclairer les dérives de la première à partir des soubresauts de la seconde. Khun Srun, écrivain cambodgien rejoint les Khmers rouges en 1973, un choix porté par une croyance qui progressivement se délite. Cinq ans plus tard, les partisans de sa propre cause l’exécuteront. Le destin tragique de Khun Srun évoque celui de son pays.