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La Rochelle Cinéma 2019

Vous retrouverez dans les lignes qui suivent notre couverture du 47ème festival La Rochelle Cinéma 2019.

Présentation du festival

Le festival propose également, chaque jour, 3 séances de films pour les enfants. Il organise chaque soir un événement exceptionnel. Une nuit blanche est proposée le samedi (veille de la clôture), dans la Grande Salle de la Coursive de 20:00 à 3:00 du matin. De nombreux ciné-concerts sont proposés au public.

La Programmation

Alexandra Stewart Marraine du festival La Rochelle Cinéma 2019

3 hommages sont prévus, le premier pour Alexandra Stewart, la marraine du festival, à travers 3 films : LE FEU FOLLET (1963) de LOUIS MALLE, MICKEY ONE (1965) d’ARTHUR PENN et LA DUCHESSE DE VARSOVIE (2014) de JOSEPH MORDER.

Dario Argento sera présent à La Rochelle

Le second hommage sera consacré à Dario Argento: pas moins de films seront diffusés à cet effet: L’OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL (1969) — LE CHAT À NEUF QUEUES (1970) — QUATRE MOUCHES DE VELOURS GRIS (1971) — LES FRISSONS DE L’ANGOISSE (1975) — SUSPIRIA (1977) — INFERNO (1980) — TÉNÈBRES (1982) — PHENOMENA (1984) — OPÉRA (1987) ainsi qu’un documentaire sur le maître: DARIO ARGENTO, SOUPIRS DANS UN CORRIDOR LOINTAIN (2019, DOC) de JEAN-BAPTISTE THORET – EN LEUR PRÉSENCE, EN AVANT-PREMIÈRE

Hommage à Caroline Champetier

Le troisième hommage que rend le Festival La Rochelle Cinéma cette année sera pour la chef opératrice Caroline Champetier. 7 films seront ainsi au programme: TOUTE UNE NUIT (1981) de CHANTAL AKERMAN GRANDEUR ET DÉCADENCE D’UNE PETIT COMMERCE DE CINÉMA
(1985) de JEAN-LUC GODARDSOBIBOR, 14 OCTOBRE 1943, 16 HEURES (2001, DOC) de CLAUDE LANZMANN DES HOMMES ET DES DIEUX (2010) de XAVIER BEAUVOISHOLY MOTORS (2012) de LEOS CARAX HANNAH ARENDT (2012) de MARGARETHE
VON TROTTA
NUYTTEN/FILM (2015, DOC) de CAROLINE CHAMPETIER

Notre journal Critique

Notre couverture vous propose notamment un journal critique de quelques uns des films projetés lors du festival. La note maximale que l’on peut donner est ***** correspondant à nos yeux à un chef d’oeuvre, note que l’on donne très rarement, la note la plus basse est – quand on a trouvé le film très mauvais.


Alexandra Stewart

Le feu follet (1963, Louis Malle)

Avec Maurice Ronet, Jeanne Moreau, Alexandra Stewart, Léna Skerla, Bernard Noël, Yvonne Clech, Hubert Deschamps, Jean-Paul Moulinot

Alain Leroy, bourgeois trentenaire, élégant et alcoolique, a laissé sa femme à New York pour suivre une cure de désintoxication dans une drôle de clinique parisienne. Il retrouve ses anciens amis de débauche, leur snobisme, leur vacuité. Alain n’a plus le goût de vivre. Même Lydia, une amie de sa femme avec qui il passe une nuit, est impuissante face à son désespoir.

Notre avis ****(*) : Dans Le feu follet, Louis Malle respecte les genres. Ainsi, l’intuition sera féminine alors que l’entêtement sera masculin. Le réalisateur français adapte ici le roman éponyme de Pierre Drieu La Rochelle et engage Maurice Ronet pour incarner le personnage principal, Alain Leroy.

Sous la direction du metteur en scène, Ronet donne la pleine mesure de son talent. A travers son personnage, il incarne une détresse « sublime » extrêmement touchante parfaitement servie par les partitions pour piano qui émaillent ce long-métrage. L’absence d’adhérence d’Alain Leroy sur le monde réel véhicule une tristesse insondable qui le laissera désespéramment seul avec sa psyché malade. Par effet de contagion, le film lui-même est une œuvre cinématographique sans adhérence sur le temps. A chacun de ses visionnements, l’intérêt est sans cesse renouvelé.

Le feu follet est aussi un très beau témoignage sur les années 60. La scène sur la terrasse d’un café isolant Alain Leroy est une magnifique captation de l’air du temps. A l’image du tempérament de son principal protagoniste, ce film est très sec dans sa narration. Sa scène finale et son post-scriptum ne pouvaient déroger à cette caractéristique.


Dario Argento

Les frissons de l’angoisse (1974, Dario Argento)

Avec David Hemmings, Daria Nicolodi, Gabriele Lavia, Macha Méril, Eros Pagni, Giuliana Calandra, Piero Mazzinghi, Glauco Mauri

Pianiste de jazz installé à Turin, l’américain Marcus Daly assiste un soir au meurtre de Helga Ullman, une célèbre parapsychologue de passage en Italie. Il tente en vain de lui porter secours. Témoin oculaire et lui-même victime d’une tentative d’assassinat, il décide de mener sa propre enquête, en compagnie d’une jeune journaliste, tandis que de nouveaux meurtres se succèdent.

Notre avis **(*) : Dans Les frissons de l’angoisse, Dario Argento tend à étirer ses scènes pour atteindre une durée de plus de deux heures. Sans surprise, la tension n’est pas tenue de bout en bout, ni même l’angoisse évoquée par le titre. Argento joue à plusieurs reprises moins de l’angoisse distillée petit à petit que de l’effet de surprise. Ce procédé peut satisfaire ou pas de la part du grand maître du giallo. Les spectateurs les plus esthètes pourront regretter aussi quelques séquences au kitch assumé mais désormais daté. Sous son titre original, Profondo rosso annonce le rouge du sang qui sera versé ainsi que le travail sur la colorimétrie des images produites. En cela, ce film réalisé en 1975 annonce son cadet, Suspiria sorti deux ans plus tard.


Elia Suleiman

It must be heaven (2019, Elia Suleiman)

Avec Elia Suleiman, Ali Suleiman, Grégoire Colin, Gael García Bernal, Nancy Grant, Vincent Maraval

Elia Suleiman fuit la Palestine à la recherche d’une nouvelle terre d’accueil, avant de réaliser que son pays d’origine le suit toujours, comme son ombre. La promesse d’une vie nouvelle se transforme vite en comédie de l’absurde. Aussi loin qu’il voyage, de Paris à New York, quelque chose lui rappelle sa patrie.

Notre avis **(*)La Rochelle cinéma – It must be heaven (Elia Suleiman)


Du côté de l’Islande

Volcano (2011, Rúnar Rúnarsson)

Avec Þorsteinn Bachmann, Theodór Júlíusson, Margrét Helga Jóhannesdóttir, Elma Lísa Gunnarsdóttir

Hannes quitte son emploi de concierge et prend sa retraite. Brouillé avec sa famille, il n’a presque pas d’amis et la relation avec sa femme s’est peu à peu délitée. Au travers d’événements significatifs, Hannes prend conscience qu’il doit évoluer afin de pouvoir aider quelqu’un qu’il aime…

Notre avis ** : Hannes, personnage principal interprété par Theodór Júlíusson part en retraite. Une échéance peu préparée et un après que Hannes résume sur le moment en deux objectifs : vieillir puis mourir. Ce non plan ne va pourtant pas se dérouler comme « prévu ».

Rúnar Rúnarsson aborde la fin de vie et son accompagnement. Un sujet peu cinématographique, délicat et au traitement des plus complexes car reposant entièrement sur l’intime. Malheureusement le réalisateur n’échappe pas à la mise en scène de quelques séquences empiétant sur le misérabilisme. Ces quelques scories affaiblissent la portée d’une entreprise déjà fragilisée par une narration non assumée. En effet, Rúnarsson hésite entre plusieurs arcs narratifs sans jamais se décider de privilégier l’un plus que l’autre.

Sparrows (2015, Rúnar Rúnarsson)

Avec Atli Oskar Fjalarsson, Ingvar Eggert Sigurdsson
, Nanna KristÌn Magnusdottir
, Rade Serbedzija, Kristbjörg Kjeld, Pálmi Gestsson, Arnoddur Magnus Danks

Ari, 16 ans, vit avec sa mère à Reykjavik lorsqu’il doit soudain retourner vivre chez son père, dans la région isolée des fjords, au nord-ouest de l’Islande. Sa relation avec son père n’est pas des plus faciles et ses amis d’enfance semblent avoir bien changé. C’est dans cette situation difficile qu’Ari devra s’imposer pour trouver sa voie.

Notre avis **(*) : Durant les deux premiers tiers de Sparrows, Rúnar Rúnarsson scénariste déroule sans surprise le récit d’une relation père-fils perturbée. Le canevas narratif ne déroge pas à un traitement classique et chronologique. Rúnar Rúnarsson réalisateur use épisodiquement de la beauté des paysages naturels du nord de l’Islande. Quelques lieux peu communs seront le cadre de séquences dans lesquelles le metteur en scène recherche et trouve une certaine inspiration formelle. Ce n’est que lors du dernier tiers du film que le cinéaste islandais hausse le curseur de ses ambitions narratives. Il s’aventure alors sur des voies plus troubles et qui questionnent plus. In extremis, Sparrows gagne un peu en intérêt et échappe au parcours de rédemption maintes fois emprunté par le 7ème art.

Heartstone, un été islandais (2017, Guðmundur Arnar Guðmundsson)

Avec Baldur Einarsson, Blær Hinriksson, Diljá Valsdóttir, Katla Njálsdóttir, Rán Ragnarsdóttir

Un village isolé de pêcheurs. Deux adolescents, Thor et Christian, vivent un été mouvementé. Tandis que l’un tente de conquérir le cœur d’une fille, l’autre se découvre éprouver des sentiments amoureux pour son meilleur ami. À la fin de l’été, lorsque la nature sauvage reprend ses droits, il est temps de quitter le terrain de jeu et de devenir adulte…

Notre avis ** : Réalisateur et scénariste du film, Guðmundur Arnar Guðmundsson fait le récit sous-jacent de l’apprentissage de la sexualité et de l’homosexualité au sein d’un groupe d’adolescents. La narration s’éternise d’abord sur les méfaits, jamais sans grande conséquence, de ces jeunes désœuvrés dans leur Islande natale. La veine narrative se creuse un peu sur les émois amoureux naissants.

En plus de deux heures, Heartstone, un été islandais ne parvient à se départir d’un engoncement certain. Derrière la caméra, Guðmundsson ne donne pas le relief et l’ampleur espérés de ce film sur un sujet déjà maintes fois abordés. L’apport du réalisateur comme du scénariste parait bien trop mince au regard de la durée de son long-métrage.

Winter brothers (2017, Hlynur Pálmason)

Avec Elliott Crosset Hove, Simon Sears, Victoria Carmen Sonne, Lars Mikkelsen, Peter Plaugborg, Michael Brostrup

Emil travaille avec son frère dans une carrière de calcaire et vend aux mineurs l’alcool frelaté qu’il fabrique dans sa cuisine. Les relations changent lorsque Emil est accusé d’avoir empoisonné l’un d’entre eux avec sa mixture maléfique.

Notre avis ***(*) : Dès la réalisation de ce premier long-métrage, Hlynur Pálmason a démontré sa maîtrise technique. Entre neige, corps pâles et teintes délavées, Winter brothers brille de belles qualités tant dans les éclairages observés que dans les atmosphères mises en œuvre. Ce film n’est pas sans nous rappeler les réalisations de Roy Andersson.

Sur la forme, Winter brothers est un film tout autant travaillé que maîtrisé. Le travail visuel effectué confine pour certaines scènes à l’œuvre d’un plasticien et à l’exercice de style. Ces mêmes scènes rentrent peu en correspondance avec le récit mené. Il y a dans Winter brothers deux films en un car la forme et le fond ne font pas l’objet de la même attention. Très convaincant sur la forme, le film ne semble jamais trouver une formule adéquate pour mettre en avant son récit. La faute en revient notamment à des personnages insuffisamment écrits. L’âpreté de Winter brothers confère au film une étrangeté fascinante par certains aspects.

A white, white day (2019, Hlynur Pálmason)

Avec Ingvar Eggert Sigurðsson, Ída Mekkín Hlynsdóttir, Hilmir Snær Guðnason, Björn Ingi Hilmarsson, Elma Stefanía Ágústsdóttir, Sara Dögg Ásgeirsdóttir

Dans une petite ville de province, Ingimundur, un policier en congés pour deuil – il vient de perdre sa femme – voit la douleur de la perte évoluer en jalousie féroce et obsessionnelle. Petit à petit, son entourage et même sa bien-aimée petite fille en subiront les conséquences jusqu’à ce que lui-même soit complètement envahi par une soif de vengeance forcenée…

Notre avis *** : La couleur blanche invoquée par le titre est celle de la brume qui drape de nombreux moments de A white, white day. Cette brume présente dans la première séquence du film se fait se confondre l’horizon bouché et le ciel. Cette perception visuelle sera propice aux pertes de repères visuels durant tout le métrage, à commencer par la fin tragique de la séquence liminaire.

Ainsi va le temps s’écoulant dans la deuxième scène au rythme d’une succession de plans fixes et s’arrêtant dans l’épilogue de ce prologue pour la conductrice du véhicule suivi par la caméra. Hlynur Pálmason joue sur la couleur blanchâtre proposée par la brume mais aussi sur la pénombre qui sera de plus en plus présente au fur et à mesure du déroulement d’une histoire de deuil. Dans ce film, comme le blanc s’oppose à la pénombre, l’amour s’oppose à la haine pour le personnage principal interprété par Ingvar Eggert Sigurðsson. Il est à noter que A white, white day est né d’un projet photographique de paysages enneigés composés par le réalisateur également photographe et sculpteur.


Cinéma muet – Victor Sjöström (1879-1960)

L’Argent de Judas (1915, Victor Sjöström)

Avec Egil Eide, John Ekman, Kaja Eide, Stina Berg, Gabriel Alw

Un chômeur lutte pour subvenir aux besoins de son fils et de sa femme gravement malade. Au cours d’un braconnage, un accident se produit qui va le mettre dans une situation plus terrible encore.

Notre avis ***(*) : L’ouverture de L’argent de Judas s’effectue par un travelling à travers la fenêtre du domicile du protagoniste principal incarné toute en animalité par Egil Eide. Victor Sjöström alors cinéaste encore débutant fait déjà preuve d’une dextérité rare et d’une maîtrise technique étendue.

Au-delà de cette scène liminaire, Sjöström pare aux affaires courantes dans sa mise en scène soignée des espaces intérieurs ou extérieurs. L’histoire relatée jouit d’une certaine fluidité. Le drame mis en images est traité sans manichéisme.

Terje Vigen (1916, Victor Sjöström)

Avec Victor Sjöström, August Falck, Edith Erastoff, Bergliot Husberg, William Larsson, Gucken Cedeborg, Olof As

Au début du xixe siècle, le pêcheur norvégien Terje Vigen vit heureux avec sa famille. Mais les guerres napoléoniennes et le blocus anglais provoquent bientôt une terrible famine. Pour nourrir les siens, Terje doit partir au Danemark…

Notre avis **(*) : Terje Vigen constitue une petite déception dans la filmographie de Victor Sjöström. Ce moyen métrage est mineur dans l’œuvre du grand cinéaste suédois. La faute en incombe principalement à un scénario plutôt rocambolesque et sans réelle subtilité. Le film est cependant sauvé par la réalisation impeccable de quelques en mer.

La Fille de la tourbière (1917, Victor Sjöström)

Avec Greta Almroth, Lars Hanson, Karin Molander, Nils Aréhn, Josua Bengtson, Georg Blomstedt, Gösta Cederlund, William Larsson

Une jeune femme met au monde un enfant illégitime. Le père présumé nie toute responsabilité. Elle est alors rejetée par la communauté villageoise. Pris de pitié, un jeune homme, fils d’un propriétaire terrien, convainc ses parents de l’engager comme servante. Sa fiancée n’apprécie pas vraiment cette initiative…

Notre avis **(*) : Victor Sjöström tire le récit de La fille de la tourbière (1917) du roman éponyme de Selma Lagerlöf publié en 1908. La narration du film divisé en cinq actes se révèle alerte et sans temps mort là où le cinéaste suédois se montre assez peu aventureux dans sa mise en scène. Le scénario souffre cependant de quelques facilités d’écriture dans l’enchaînement des actions et des évènements. La force du drame mis en images se voit ainsi amoindri. Par son traitement trop expéditif, l’épilogue de La fille de la tourbière ne fait pas mouche. Le happy end paraît en effet trop convenu.

Les Proscrits (1917, Victor Sjöström)

Avec Victor Sjöström, Edith Erastoff, John Ekman, Jenny Tschernichin-Larsson, Artur Rolén, Nils Aréhn, William Larsson

Au milieu du xixe siècle en Islande, une jeune veuve très riche règne avec autorité sur son domaine. Un étranger arrive du désert. Personne ne sait rien de lui. La veuve le prend en amitié, ce qui est mal perçu par le bailli de la commune et contrarie ses projets. Épris l’un de l’autre, ils doivent fuir dans les montagnes…

Notre avis **(*) : Dans Les proscrits, Victor Sjöström use de plusieurs genres. Le début du film semble engager le spectateur dans une veine pastorale. Cependant, une histoire d’amour tumultueuse intervient rapidement entre les deux protagonistes centraux interprété par le réalisateur et Edith Erastoff. Ici, le film vire à l’identification de la réelle identité du personnage de Sjöström. Dans son dernier tiers, le cinéaste suédois engage un film d’évasion mâtinée d’aventure. Le film enjoint à sortir de la vie commune pour s’orienter vers une vie nouvelle à réinventer. Ainsi, Les proscrits recèle de belles capacités de renouvellement et est animé d’une écriture peu conventionnelle à l’époque.

La Charrette fantôme (1921, Victor Sjöström)

Avec Victor Sjöström, Hilda Borgsström, Tore Svennberg, Astrid Holm, Concordia Selander, Lisa Lundholm, Tor Weijden, Einar Axelsson

Une croyance populaire veut que le dernier mort de l’année, s’il s’agit d’un pêcheur, conduira jusqu’au Nouvel An suivant la charrette fantôme des futurs défunts. David Holm, un ivrogne sans le sou, meurt juste avant minuit et se réveille dans la charrette. Il voit sa vie défiler et se souvient notamment d’édith, une religieuse qui l’avait pris sous son aile.

Notre avis ****(*)La Rochelle cinéma – La charrette fantôme (Victor Sjöström)

La Lettre écarlate (1926, Victor Sjöström)

Avec Lillian Gish, Lars Hanson, Henry B. Walthall, Karl Dane, William H. Tooker, Marcelle Corday, Fred Herzog, Jules Cowles

Salem, en Nouvelle-Angleterre, au début du xviiie siècle. Une jeune femme, séparée de son mari depuis des années, donne naissance à une petite fille. Elle est condamnée par les notables à être exposée en place publique avec l’infâmante lettre A, désignant les femmes adultères brodée sur sa poitrine…

Notre avis ***(*) : Ce film américain et l’antépénultième film muet réalisé par Victor Sjöström. Le cinéaste suédois fait ici l’adaptation cinématographique du roman éponyme de Nathaniel Hawthorned. Quand Sjöström se lance en 1926 dans le tournage de La lettre écarlate, c’est déjà la cinquième fois que les écrits de Hawthorned sont portés sur grand écran.

La lettre-titre est le « A » pour « Adultère » dont se rendent coupables Hester (Lillian Gish) et le révérend Dimmesdale (Lars Hanson). Le jeu de ces deux acteurs formant le couple illégitime est dissociable. L’acteur fournit une interprétation typique de l’ère du cinéma muet alors que l’actrice propose un jeu plus nuancé sous un éclairage parfaitement réalisé.

Dans l’Amérique puritaine et bigote de Boston du début du XVIIIème siècle, une société grégaire refermée sur elle-même, le passé est souvent synonyme de passif. Ce sera particulièrement le cas pour notre héroïne victime d’une chasse aux sorcières. Sjöström prête une attention particulière aux relations conflictuelles entre ses personnages et une société moralisatrice prompt dans son étroitesse à juger sévèrement tous citoyens coupables d’une conduite contraire aux principes notamment religieux. Cette étroitesse rentre aussi en dualité avec une mise en scène souvent ample qui évoque les premiers films pastoraux du réalisateur.

Le Vent (1928, Victor Sjöström)

Avec Lillian Gish, Lars Hanson, Montagu Love, Dorothy Cumming, Edward Earle, William Orlamond, Carmencita Johnson, Laon Ramon

Le vent ne cesse de souffler dans cette région du désert américain où une jeune fille orpheline, Letty, vient trouver refuge chez son cousin. Poussée par la jalousie de la femme de celui-ci, elle épouse un modeste cow-boy, Lige. Le jeune marié part en expédition la laissant seule, le vent souffle de plus belle…

Notre avis ***** : Le vent-titre ne cesse de souffler et de tout balayer dans l’un des derniers films muets réalisés par Victor Sjöström en 1928. Ce chef-d’œuvre du cinéma muet c’est aussi une narration qui file à toute allure comme emportée par une bourrasque de vent et que rien ne semble pouvoir arrêter. Le vent impressionne aussi au niveau de sa réalisation. Les séquences réalisées rivalisent d’ingéniosité et les résultats obtenus sont particulièrement saisissants. L’éclairage des scènes et le jeu des acteurs sont au diapason des qualités techniques de ce long-métrage. L’ensemble de ces ingrédients avec Sjöström à la réalisation ne pouvaient que donner naissance à un film-culte et même mythique.


Rétrospective – Charles Boyer (1899-1978)

Le Bonheur (1934, Marcel L’Herbier)

Avec Charles Boyer, Gaby Morlay, Michel Simon, Jaque-Catelain, Paulette Dubost, Jean Toulout,
Léon Arvel, Georges Mauloy

Philippe Lutcher, caricaturiste de talent, est un anarchiste pur et dur. Il est chargé par son journal de croquer la silhouette de Clara Stuart, star de cinéma très en vogue, à son arrivée à Paris après une tournée triomphale à l’étranger. Clara représente très exactement tout ce que Lutcher a en horreur…

Notre avis **** : Le bonheur est un film réalisé par Marcel L’Herbier. C’est aussi le titre d’une chanson interprétée par Clara Stuart, une star de cinéma à laquelle Gaby Morlay prête ses traits. C’est l’interprétation de cette chanson qui fera basculer la destinée du film dans la tête de Philippe Lutcher, célèbre caricaturiste incarné par Charles Boyer. Le casting compte parmi ses membres les plus reconnus, Paulette Dubost en amoureuse naïve de Lutcher et Michel Simon en manager de la précieuse Clara Stuart. L’acteur compose dans Le bonheur avec une aisance tout à fait remarquable un rôle d’homosexuel plutôt gratiné.

La même aisance est montrée derrière la caméra par L’Herbier. La mise en scène adoptée est des plus dynamiques. Le cinéaste ne cesse de varier ses angles de prise de vues sur l’actrice Gaby Morlay quand elle interprète la chanson-titre et sur la salle d’audience lors du procès de Lutcher. La caméra prend souvent de la hauteur notamment dans la première scène du procès filmée en plan-séquence. L’appareil survole et balaye avec élégance la salle d’audience et ses différents occupants.

Liliom (1934, Fritz Lang)

Avec Charles Boyer, Madeleine Ozeray, Florelle, Roland Toutain, Pierre Alcover, Robert Arnoux, Alexandre Rignault, Viviane Romance

Bonimenteur de fête foraine, Liliom est un bourreau des cœurs qui fait chavirer celui de sa patronne. Mais la rencontre de Julie, une jeune fille fraîche et naïve, lui fait entrevoir un bonheur possible. Ils s’installent ensemble. Les vieilles habitudes de Liliom reprennent vite le dessus. Et puis Julie est enceinte, il va falloir trouver de quoi nourrir cet enfant…

Notre avis *** : Étrange film que ce Liliom dans la filmographie de Fritz Lang. Le titre fait référence au prénom du personnage principal incarné par Charles Boyer. Ce « séducteur de bonnes » aussi machiste que bonimenteur anime tous les plans et porte l’entièreté de l’intrigue.

Cette intrigue démarre sous les hospices classiques d’une comédie. L’ambiance est à la fête (foraine). Mais, de fil en aiguille, Liliom vire d’abord imperceptiblement puis assurément au drame. Enfin, plus étonnant encore, Lang livre un dernier tiers céleste et fantastique. Le cinéaste s’aventure à figurer la vie dans l’au-delà pour mieux appréhender et faire appliquer la justice céleste. Un final céleste donc qui se leste cependant d’une conclusion moraliste plutôt discutable.

Hantise (1943, George Cukor)

Avec Charles Boyer, Ingrid Bergman, Joseph Cotten, Angela Lansbury, May Whitty

Quelques années plus tôt, Paula a fui Londres après l’assassinat — non élucidé — de sa riche tante Alice. Elle s’est installée en Italie et y a rencontré un pianiste, Gregory, dont elle est tombée rapidement très amoureuse. Pour lui faire plaisir, elle accepte de regagner l’Angleterre et le couple s’installe finalement dans la vénérable demeure où sa tante a été étranglée.

Notre avis *** : Dans Hantise réalisé en 1943 par George Cukor, deux comédiens pourtant en couple à l’écran s’affrontent : Charles Boyer et Ingrid Bergman. A chacun ses hantises dans ce film dont le titre français au singulier est réducteur. Les deux comédiens trouvent un terrain de jeu idéal dans un scénario très bien écrit d’après la pièce de théâtre Gaslight de Patrick Hamilton. Dans sa version originale, le film de Cukor reprend ce titre. Les mystères sont savamment entretenus jusqu’à un final à rallonge car multipliant les revirements de situation.

La Folle ingénue (1946, Ernst Lubitsch)

Avec Charles Boyer, Jennifer Jones, Peter Lawford, Helen Walker, Reginald Gardiner, Reginald Owen

À Londres en 1938, Cluny Brown est une adorable jeune femme qui se passionne pour la plomberie. C’est ainsi qu’elle remplace son oncle au pied levé pour déboucher un évier récalcitrant. À cette occasion, elle fait la connaissance d’Adam Belinski, un écrivain qui a fui la Tchécoslovaquie et qui doit se cacher. L’oncle, furieux de la voir aussi mordue du siphon, décide de la faire engager comme servante à la campagne…

Notre avis (-/5) : A venir.


Rétrospective – Arthur Penn (1922-2010)

Miracle en Alabama (1962, Arthur Penn)

Avec Anne Bancroft, Patty Duke, Victor Jory, Inga Swenson, Andrew Prine

En 1887, les parents de Helen Keller, une fillette devenue aveugle et sourde alors qu’elle était encore bébé, font appel à Annie Sullivan, une jeune institutrice initiée à de nouvelles méthodes et elle-même malvoyante. Persuadée que les fonctions intellectuelles de Helen sont intactes, Annie va utiliser les sens dont elle dispose – toucher, goût, odorat – pour l’éveiller au monde. Mais Helen résiste obstinément car elle ne supporte aucune contrainte.

Notre avis *** : Miracle en Alabama (1962) est un film au sujet douloureux tiré d’une histoire vraie : l’apprentissage de la communication par une fillette née sourde, muette et aveugle. Ce sujet difficile ne fait pas rêver d’autant qu’il est potentiellement tire-larmes. Arthur Penn a su faire un traitement habile et brillant, loin des poncifs que nous pouvions craindre. Les deux actrices principales, Anne Bancroft et la jeune Patty Duke, héritent d’un rôle physique. On peut aisément imaginer que certaines scènes ont été très compliquées à tourner et probablement nécessitées plusieurs reprises.

En définitive, Miracle en Alabama surprend beaucoup et agréablement. Le film est étrange et peu classable. Ses scènes de rêve filmées en noir et blanc, comme la totalité du film, mais avec un grain très marqué et des images au flou savamment dosé participe au caractère hybride et fascinant de ce long-métrage.

Alice’s restaurant (1969, Arthur Penn)

Avec Arlo Guthrie, Patricia Quinn, James Broderick, Pete Seeger, Lee Hays, William Obanhein, Michael McClanathan, Tina Chen, Woody Guthrie

Ray et Alice ouvrent un restaurant à côté de l’église désaffectée dans laquelle ils se sont installés, ouvrant grand les portes à leurs amis et à leurs amours. Parmi eux, le jeune Arlo (fils du grand folk singer Woody Guthrie auquel il rendra visite à l’hôpital, en compagnie de Pete Seeger, au cours d’une séquence bouleversante) taille la route entre New York et le Montana, chantant, fumant, ouvert aux rencontres, fuyant le service militaire et la guerre du Vietnam.

Notre avis *** : Ce road-movie réalisé en 1969 par Arthur Penn est très contemporain à son époque. Alice’s restaurant est une belle captation de la jeunesse américaine de la fin des années 1960. Le récit adopte une liberté à l’image de celle de son jeune protagoniste principal, Arlo Guthrie. Les rencontres faites sont belles mais n’engagent pas le film dans une veine narrative profonde. Le traitement reste relativement superficiel et léger au point de rendre presque impromptu le final plus lourd de sens. Alice’s restaurant est un bon film, assurément divertissant mais, faute d’un propos et d’une mise en scène plus engagés, il reste mineur dans la filmographie du cinéaste.

La Fugue (1975, Arthur Penn)

Avec Gene Hackman, Jennifer Warren, Edward Binns, Harris Yulin, Melanie Griffith, Janet Ward

Harry Moseby est détective privé. Découvrant que sa femme le trompe, il tente de se distraire en plongeant à corps perdu dans l’enquête que vient de lui confier une ancienne actrice. Il s’agit de retrouver sa fille, Delly, âgée de 17 ans, qui a fait une fugue. Il la retrouvera en Floride, dans une maison au bord de la mer. Mais ce cadre idyllique dissimule des mystères dont Harry est loin de soupçonner l’existence…

Notre avis ** : Parmi les films réalisés par Arthur Penn, La fugue fait figure d’œuvre mineure. Ce film très marqué années 70 ne constitue pas pour autant, près d’un demi-siècle plus tard, un vibrant hommage aux seventies. Alors que Gene Hackman incarne le personnage principal, un détective privé, Penn détourne habilement le film du genre attendu : film d’enquête sur la fugue d’une adolescente interprétée par Melanie Griffith. Le cinéaste américain offre ici à l’actrice son premier rôle. Elle n’est âgée que de 15 ans quand démarre en 1973 le tournage du film. Apparaissant plusieurs fois dévêtue à l’écran, La fugue ne sera distribué en salles qu’en 1975 lorsque la jeune actrice aura atteint sa majorité.

Georgia (1981, Arthur Penn)

Avec Craig Wasson, Jodi Thelen, Michael Huddleston, Jim Metzler, Scott Hardt, Elizabeth Lawrence

Dans l’Indiana des années 1960, Danilo, David et Tom sont trois amis amoureux de Georgia. Celle-ci a une préférence pour Danilo, mais devant le peu de réaction de celui-ci, elle s’offre à Tom. Ce dernier, sur le point de partir au Vietnam faire la guerre, refuse de l’épouser. Georgia se résigne alors à s’unir à David…

Notre avis (-/5) : A venir.


Rétrospective – Kira Mouratova (1934-2018)

Brèves rencontres(1967, Kira Mouratova)

Avec Kira Mouratova, Nina Rouslanova, Vladimir Vyssotski, Lidia Bazilskaia, Olga Vikland, Alexeï Glazyrine, Valeri Issakov, Svetlana Nemoliaeva

Valentina, responsable de la gestion des eaux et des canalisations d’une ville de province, est souvent confrontée à la corruption des constructeurs. Elle aime Maxim, un jeune géologue perpétuellement absent. Nina, la jeune femme de ménage qu’elle emploie, n’est pas non plus insensible aux charmes du jeune homme…

Notre avis (-/5) : A venir.

En découvrant le vaste monde (1978, Kira Mouratova)

Avec Nina Rouslanova, Sergueï Popov, Alexeï Jarkov, Lioudmila Gourtchenko, Natalia Leblé

Les relations amoureuses entre Nicolaï le chauffeur et Liouba l’ouvrière sont difficiles : la jeune fille rêve du grand amour alors que Nicolaï veut surtout passer du bon temps. Un jour Liouba fait la connaissance de Mikhaïl, un autre chauffeur, plus calme et réservé…

Notre avis *** : En découvrant le vaste monde réalisé en 1978 est le premier film en couleur de Kira Mouratova mais également son préféré. C’est un film d’un genre à part entière dans le cinéma russe, les films de chantier. Mais en accolant une histoire d’amour, Mouratova s’écarte des codes cinématographiques du genre souvent empreints de propagande. Un passage en fin de métrage fera cependant dire à quelques protagonistes leur fierté de participer à la construction d’une grande entreprise. L’histoire d’amour racontée apparaît très vite secondaire et anecdotique face aux aspects formels de En découvrant le vaste monde.

Mouratova prend ainsi le soin de composer ses cadres avec précision et justesse. Elle multiplie les angles de prise de vues et s’attache toujours à apporter de l’originalité dans les cadres composés. Le tout est porté par un montage très libre tant au niveau des scènes que de la bande sonore. Ainsi, quand la bande son est coupée, seules les images défilent à l’écran. En découvrant le vaste monde suscite donc un intérêt certain plus sur sa forme que sur son fond.


D’hier à aujourd’hui

Les contes de la lune vague après la pluie (1953, Kenji Mizoguchi)

Avec Masayuki Mori, Sakae Ozawa, Kinuyo Tanaka, Mitsuko Mito, Machiko Kyo

Dans le Japon du xvie siècle en proie à la guerre civile, deux hommes pauvres quittent leur village pour la ville. Kenjuro le potier ne pense qu’à faire fortune, Tobeï le paysan rêve de devenir samouraï. Au marché, Kenjuro rencontre la princesse Wakasa et en tombe éperdument amoureux. Pendant ce temps, le malheur fond sur leurs épouses délaissées…

Notre avis **** : Les contes de la lune vague après la pluie est un des films les plus chers produits en 1953. Kenji Mizoguchi recrute un casting composé des plus grandes stars du cinéma japonais de l’époque et s’entoure des meilleurs techniciens dont le chef opérateur Kazuo Miyagawa, un des plus grands formalistes des jeux de lumières (et d’ombres). Si ce film est l’un des plus courts de son auteur, il fait partie aussi des films les plus aboutis réalisés par Mizoguchi qui remporta avec ce film un Lion d’argent à la Mostra de Venise.

La gestuelle observée s’inspire du nô alors que le scénario prend pour références trois contes fantastiques : deux récits des Contes de pluie et de lune d’Ueda Akinari et la nouvelle Décoré ! de Guy de Maupassant. Outre un récit cumulant plusieurs fils narratifs menés en parallèle et des qualités exceptionnelles sur le plan formel, Les contes de la lune vague après la pluie présente la particularité, rare à l’époque dans le cinéma japonais, d’être un film tourné en extérieur dans un environnement naturel somptueusement mis en lumière.

Les amants crucifiés (1954, Kenji Mizoguchi)

Avec Kazuo Hasegawa, Kyöko Kagawa, Eitarō Shindō, Sakae Ozawa, Yōko Minamida

Au xviie siècle. Mohei est le brillant employé de l’imprimeur des calendriers du Palais impérial. O-San, la jeune épouse de son patron, sollicite son aide pour éponger les dettes de sa famille car son mari est avare. Mohei accepte et emprunte l’argent d’un client. Dénoncés comme adultères, Mohei et O-San vont devoir s’enfuir…

Notre avis **** : Les amants crucifiés est l’une des œuvres maîtresses de Kenji Mizoguchi. Le cinéaste japonais fait étalage de la maturité de sa science du cinéma. Ce long-métrage fait se succéder à l’écran des plans séquences à la composition extrêmement précise. Certains photographes d’une beauté infinie semblent dessinés à même la toile de l’écran. En l’occurrence, ici Mizoguchi se révèle artiste-peintre pour composer cette adaptation sur grand écran d’une pièce de théâtre de 1715 très célèbre de Monzaemon Chikamatsu.

Cendres et diamant (1958, Andrzej Wajda)

Avec Zbigniew Cybulski, Ewa Krzyżewska, Bogumil Kobiela, Wacław Zastrzeżyński, Adam Pawlikowski, Bogumił Kobiela, Jan Ciecierski, Stanisław Milski

1945. C’est le jour de l’Armistice dans une petite ville polonaise qui fut au cœur des combats entre communistes et nationalistes. L’un de ces derniers, Maciek, jeune mais aguerri par la lutte armée, reçoit l’ordre de supprimer le nouveau secrétaire régional du Parti. Par erreur, il ôte la vie à des innocents…

Notre avis **** : En 1958, Andrzej Wajda clôt sa trilogie sur la 2nde Guerre Mondiale en Pologne et l’implication de la jeune génération dans celle-ci par la réalisation de Cendres et diamant. Les deux premiers volets de cette trilogie sont constitués par Une génération (1955) et Kanal (1957).

Cendres et diamant est reconnu et à juste titre comme l’un des plus grands films de la fin des années 50. Le talent dont Wajda fait preuve lui vaut d’être alors comparé à Luis Buñuel et Ingmar Bergman. Le cinéaste polonais réalise en effet avec Cendres et diamant un film très surprenant tant sur la forme extrêmement travaillée et sur le fond sans complaisance pour son pays natal.

Le bateau d’émile (1962, Denys de La Patellière)

Avec Lino Ventura, Annie Girardot, Michel Simon, Pierre Brasseur, Édith Scob, Jacques Monod, Joëlle Bernard, Roger Dutoit

Après avoir mené une vie agitée qui l’a mis au ban de sa famille, Charles-Edmond, l’aîné des frères Larmentiel, se retire à La Rochelle. Atteint d’une maladie incurable, il décide de se venger des siens en leur jouant un ultime bon tour : les priver de l’héritage qu’ils attendent. Il lègue sa fortune à son fils, Émile, né d’une liaison de jeunesse…

Notre avis ***(*) : Le bateau d’Émile (1962) de Denys de La Patellière précède de seulement deux mois la sortie en salles de Un singe en hiver d’Henri Verneuil. Le rapprochement de ces deux films est motivé par leur dialoguiste commun : Michel Audiard.

Ici, les répliques données à Lino Ventura et Annie Girardot dans les scènes de restaurant ou de bar ne sont pas sans annoncer celles portées à leur acmé dans le film cadet servi par Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo. Dans le jeu d’acteur, le couple Ventura-Girardot ne doit rien au duo Gabin-Belmondo. Il se montre même plus naturel et plus complice comme pourra en témoigner la dernière scène qui réunit les deux acteurs dans un même fou rire.

Le bateau d’Émile et Un singe en hiver ne sont pas pour autant comparables dans leur récit ni même sur leurs lieux de tournage. Le bateau d’Émile est à quai dans le vieux port de La Rochelle. Les protagonistes évoluent dans les intérieurs et les rues environnantes dudit port maritime.

Enfin, dans le beau casting réuni par le cinéaste, on appréciera également les prestations de Pierre Brasseur et Michel Simon. Mais on pourra cependant regretter pour ce dernier un rôle qui, bien que détonateur de l’intrigue, s’éclipse trop rapidement.

Le lit conjugal (1962, Marco Ferreri)

Avec Ugo Tognazzi, Marina Vlady, Walter Giller, Linda Sini, Riccardo Fellini, Igi Polidoro

Alfonso, un célibataire de quarante ans, épouse Regina, une jeune femme de famille bourgeoise catholique. Encore vierge, Regina se montre vite sexuellement insatiable. Elle veut un enfant le plus rapidement possible…

Notre avis ***(*) : En 1962, Le lit conjugal marque la première collaboration entre le metteur en scène Marco Ferreri et le scénariste Rafael Azcona. D’autres suivront les années suivantes dans une veine initiée ici qui marquera l’œuvre du cinéaste italien : lutte et provocation. Très tôt, Ferreri avait compris que l’humour volontiers cynique pouvait être une arme redoutable pour berner la censure.

A l’écran, Ferreri met en scène un couple formé par Marina Vlady (prix d’interprétation féminine au festival de Cannes 1963) et Ugo Tognazzi qui, s’il ne fait pas ses 40 ans, va devoir payer de sa personne pour satisfaire dans le lit conjugal évoqué par le titre du film sa jeune épouse désireuse d’avoir rapidement un premier enfant.

La comédie à l’italienne écrite par Azcona et mise en scène par Ferreri est des plus enlevées. Sans tomber dans la vulgarité mais au contraire en employant un humour teinté de cynisme, Le lit conjugal se révèle particulièrement convaincant. La restauration récente du film permet de le redécouvrir dans d’excellentes conditions et dans sa version intégrale non censurée.

Deux ou trois choses que je sais d’elle (1967, Jean-Luc Godard)

Avec Marina Vlady, Anny Duperey, Roger Montsoret, Jean Narboni, Christophe Bourseiller

En racontant l’histoire de Juliette qui vit dans un grand ensemble de la région parisienne et se prostitue occasionnellement, Godard raconte – ou dénonce – pêle-mêle la cruauté du capitalisme, la platitude de la vie dans les grands ensembles, l’urbanisation à outrance de Paris et la guerre du Viêtnam…

Notre avis *** : Le premier carton de Deux ou trois choses que je sais d’elle (1967) nous renseigne sur l’entité sur laquelle Jean-Luc Godard annonce savoir deux ou trois choses. « Elle » n’est pas Marina Vlady. Ce n’est ni l’actrice, quand elle tourne la tête vers sa droite, ni son personnage Juliette Jeanson, quand elle tourne la tête vers sa gauche. Pourtant tout le film gravite autour d’elle(s). « Elle » est la région parisienne, celles des grands ensembles urbains outranciers, en pleine expansion.

Dans le vacarme assourdissant des bruits d’ambiance de cette banlieue sans âme, Godard fait le récit susurré et en monologue de nos vies quotidiennes et de la société française au mitan des années 1960. Le chef de file de la Nouvelle Vague ne questionne pas les changements, il les constate. La prostitution (annoncée comme occasionnelle), le consumérisme, le capitalisme, la guerre du Vietnam sont les principaux objets de son courroux.

Parfois harassant, Deux ou trois choses que je sais d’elle se décline en couleurs éclatantes. Godard met dans ses cadres essentiellement du bleu, du rouge et du jaune. Pour sa part, la couleur blanche  sert d’exutoire pour mettre encore plus en relief les couleurs primaires mises en avant. Après tout, la télévision couleur nous est présentée comme LSD financièrement plus abordable. Outre la bande sonore saturée par intermittences par les bruits d’ambiance, le cinéaste sature aussi son film de visuels et de messages publicitaires jusqu’à son ultime plan.

Fantozzi (1975, Luciano Salce)

Avec Paolo Villaggio, Anna Mazzamauro, Liù Bosisio, Gigi Reder, Plinio Fernando, Giuseppe Anatrelli, Paolo Paoloni, Pietro Zardini

Fantozzi est un employé de bureau basique et stoïque. Il est en proie à un monde de difficultés qu’il ne surmonte jamais malgré tous ses efforts.

Notre avis *** : Nom : Fantozzi. Prénom : Ugo. Un employé de bureau à la vie terne et à la présence transparente pour ses collègues de travail. A l’écran, Ugo Fantozzi c’est Paolo Villagio, acteur italien donnant dans le registre du comique tendance clown très peu connu de ce côté-ci des Alpes. Ce film réalisé en 1975 par Luciano Salce n’a d’ailleurs jamais été distribué en France alors qu’il est très populaire en Italie. Notons au passage que l’acteur comme le comédien ont participé à l’écriture d’un scénario qui ne laisse que peu de répit aux muscles zygomatiques. Avec Salce derrière la caméra et Villagio devant la comédie italienne devient farce. Fantozzi n’a d’autre ambition que de faire rire. L’objectif est pleinement atteint.


Ici et ailleurs

L’Angle mort (France, 2019, Patrick-Mario Bernard, Pierre Trividic)

Avec Jean- Christophe Folly, Isabelle Carré, Golshifteh Farahani, Sami Ameziane, Claudia Tagbo

Dominick Brassan a le pouvoir de se rendre invisible. Il ne s’en sert pas beaucoup. À quoi bon, d’ailleurs ? Il a fait de son pouvoir un secret vaguement honteux, qu’il dissimule même à sa fiancée, Viveka. Et puis vient un jour où le pouvoir se détraque et échappe à son contrôle en bouleversant sa vie, ses amitiés et ses amours.

Notre avis *** : L’angle mort de Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic a été présenté à Cannes cette année dans la sélection ACID. Le film fait le récit de la rencontre de l’invisible avec le visible. L’invisible c’est le personnage principal incarné par Jean-Christophe Folly et doué du don d’invisibilité, le visible est son entourage interprété notamment par Isabelle Carré, Golshifteh Farahani et Sami Ameziane. L’aventure mêle le réalisme et le fantastique pour former un tout, une entité. Elle prend même une dimension insoupçonnée quand l’homme invisible (sous sa propre volonté) rencontre son contraire… sous les traits d’une femme aveugle de naissance.

L’originalité du scénario fait partie des qualités de L’angle mort. L’idée simple de filmer l’invisible comme s’il était visible et donc sans trucage vidéo est… bien vue. Le titre renvoie d’ailleurs à cette notion : l’invisible généré par l’angle mort reste visible si on change d’angle de vue. Ici, l’angle de vue proposé par les deux cinéastes permet aux spectateurs de voir l’invisible qui reste invisible aux autres protagonistes du film.

Ce film fragile au budget contraint est un vrai film de genre du cinéma français. Il surprend notamment tant que les ressorts du don d’invisibilité et son déclenchement demeurent mystérieux.

Bacurau (Brésil/France, 2019, Juliano Dornelles et Kleber Mendonça Filho)

Avec Udo Kier, Sonia Braga, Barbara Colen

Dans un futur proche… Le village de Bacurau dans le sertão brésilien, fait le deuil de sa matriarche Carmelita qui s’est éteinte à 94 ans. Quelques jours plus tard, les habitants remarquent que le village a disparu de la carte. Arrivent alors deux motards, d’étranges touristes…

Notre avis ***(*)La Rochelle cinéma – Bacurau (Juliano Dornelles, Kleber Mendonça Filho)

Les Misérables (France, 2019, Ladj Ly)

Avec Damien Bonnard, Djebril Zonga, Steve Tientcheu, Jeanne Balibar

Stéphane, tout juste arrivé de Cherbourg, intègre la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil dans le 93. Il va faire la rencontre de ses nouveaux coéquipiers, Chris et Gwada, deux « Bacqueux » d’expérience. Il découvre rapidement les tensions entre les différents groupes du quartier. Alors qu’ils se trouvent débordés lors d’une interpellation, un drone filme leurs moindres faits et gestes.

Notre avis **(*)La Rochelle cinéma – Les misérables (Ladj Ly)

Monos (Colombie / Argentine / Pays-Bas / Allemagne / Suède / Uruguay, 2019, Alejandro Landes)

Avec Julianne Nicholson, Sofía Buenaventura, Moisés Arias, Julian Giraldo

Dans ce qui ressemble à un camp de vacances isolé au sommet des montagnes colombiennes, des adolescents, tous armés, sont en réalité chargés de veiller à ce que Doctora, une otage américaine, reste en vie. Mais quand ils tuent accidentellement la vache prêtée par les paysans voisins, et que l’armée régulière se rapproche, l’heure n’est plus au jeu mais à la fuite dans la jungle…

Notre avis **** : Huit adolescents armés et embrigadés détiennent un otage de nationalité américaine qu’ils doivent maintenir en détention. Monos est un film sauvage tant dans son contenu que dans sa forme. Un OFNI qui ne s’adresse pas à un large averti uniquement. Ce deuxième long-métrage de fiction d’Alejandro Landes est un choc et un véritable plaisir de cinéphiles. Les références sont avant tout américaines et à rechercher du côté de F.F. Coppola et John Boorman. Mais il y a aussi, dans une moindre mesure, quelques influences du cinéma de l’est. Là, les influences de Landes viennent d’Andreï Tarkovski, Elem Klimov et Béla Tarr.

L’objet filmique, puisque c’est bien de cela dont il est question ici, impressionne à chaque instant, fascine même au regard du travail de mise en scène sensorielle abattu. Enfin, signalons que la bande originale é été confiée à la géniale Mica Levi (Under the skin).

Nous reviendrons plus longuement sur Monos lors de sa sortie dans les salles françaises… lointaine car fixée au 20 mars 2020 ! Ce film s’inscrit donc déjà comme l’une des grandes propositions cinématographiques de l’année prochaine.

Oleg (Lettonie/Belgique/Lituanie/France, 2019, Juris Kursietis)

Avec Anna Prochniak, Dawid Ogrodnik, Valentin Novopolskij

Oleg a quitté la Lettonie pour travailler à Bruxelles, où il est garçon boucher. Trahi par un collègue, son expérience tourne court. Oleg est alors recueilli par un criminel polonais, avant de tomber sous son emprise mafieuse…

Notre avis **(*) : Oleg est un film letton tourné en Belgique et dont la distribution dans les salles françaises est planifiée au 30 octobre prochain. Juris Kursietis a opté pour une mise en scène dynamique. Son choix s’est porté sur un tournage à une seule caméra ne quittant jamais le personnage-titre incarné par Valentin Novopolskij. L’ensemble est plutôt convaincant grâce notamment à une réalisation précise et une mise en scène efficace. Oleg souffre cependant d’un personnage polonais (Dawid Ogrodnik) tracé à gros traits et peu nuancé. Quelques évènements impromptus viennent aussi ternir la fluidité du récit et sa logique.

Stitches (Serbie/Slovénie/Croatie, 2019, Miroslav Terzić)

Avec Snezana Bogdanovic, Marko Bacovic, Jovana Stojiljkovic, Vesna Trivalic

Belgrade aujourd’hui. Depuis 18 ans, Ana tente de découvrir la vérité sur la disparition de son enfant, déclaré mort à sa naissance par l’hôpital où elle avait accouché tout à fait normalement. La modeste couturière est intimement persuadée qu’on lui a menti et mène courageusement une enquête semée d’embûches, d’espoirs et de déceptions…

Notre avis (-/5) : A venir.