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Travelling Tanger 2017 : Notre journal critique !

  • S’y retrouver en tant que festivalier Travelling est toujours très délicat, choisir les films à voir, quand on manque de repères, compliqué. Il y a bien sûr la présentation que l’on peut faire du festival dans son ensemble.

Aussi nous vous proposons cette année encore un cahier critique, qui peut vous y aider. Nous le faisons vivre au fur et à mesure du festival (à suivre également sur twitter @lemagcinema)

L’échelle de notation appliquée est la suivante:

–         très mauvais film
*         film passable
**       bon film
***     très bon film
****   excellent film
***** chef d’oeuvre

Les Temps qui changent d’André Téchiné

France, 2004, 1h35 – Avec Catherine Deneuve, Gérard
Depardieu, Gilbert Melki, Malik Zidi, Lubna Azabal…
Antoine, hanté par son premier amour Cécile, débarque à Tanger où celle-ci vit depuis des années avec son mari, pour la convaincre de prolonger leur idylle, interrompue une trentaine d’année plus tôt.

Notre Avis ** :

Téchiné  livre un film bavard, où cinq personnages taisent ou au contraire évoquent leur sentiment, leur sexualité. On y retrouve quelques uns des thèmes chers à Téchiné, un récit qui se construit pièce par pièce, et surtout le duo formé par Deneuve et Depardieu, dans le rôle du vieil ami qui préfère qu’on voit en lui le premier amour.


Prick Up Your Ears de Stephen Frears

Gary Oldman et Alfred Molina

 

 

 

 

 

Royaume-Uni, 1987, 1:45, vostf – Avec Gary Oldman, Alfred
Molina, Vanessa Redgrave, Wallace Shawn
Lorsque la police découvre les corps du célèbre dramaturge Joe Orton et de son amant, son agent littéraire récupère le journal de l’écrivain. Il y découvre le récit tourmenté de ses débuts difficiles, de
sa relation passionnelle puis des années de gloire. Dans ce biopic romanesque et savoureux, construit comme une enquête
policière, S. Frears règle ses comptes avec l’hypocrisie et le puritanisme britanniques.
8/2. 16:00. Ciné-TNB
13/2. 21:15. Gaumont

Notre Avis *** :

Un film particulièrement inattendu de la part de S. Frears. Nous sommes parfois proche de Fassbinder, que ce soit dans le mouvement incessant, ou l’assise sociétale et politique. Surtout, Gary Oldman rayonne au centre de cette histoire excellemment narrée. Dressez vos oreilles et ouvrez grand les yeux !


The End

 

 

 

Maroc, 2011, 1:50, vostf – Avec Sam Kanater, Saleh ben
Saleh, Hanane Zohdi, Nadia Niazi, Malek Akhmiss
Casablanca, 1999, peu de temps avant la mort du roi Hassan II. Mikhi tombe amoureux de Rita, la soeur d’une fratrie de voleurs. Au même moment, Daoud, policier violent, se lance aux trousses des truands…
8/2. 20:30. Tambour
11/2. 18:15. Arvor

Notre avis pour : ***

De l’aveu-même de son réalisateur, The end n’est pas un film dénonciateur. Hicham Lasri a écrit le scénario de son film avec l’objectif de faire aboutir le récit à la date du 23 juillet 1999, jour du décès du roi Hassan II. Cette date jalon de l’histoire du Maroc marquera la fin (The end) d’une époque et laissera la population marocaine désemparée.

Métaphorique, The end l’est assurément et l’épilogue chaotique du film en sera le révélateur. Pour la jeunesse de Casablanca, du chaos naîtra peut-être l’espoir face à l’omnipotence de la police locale. La réalisation très démonstrative de Hicham Lasri a pour conséquence de détourner le regard du spectateur face à une violence esthétisée. Mais derrière ces gimmicks, The end recèle quelques fulgurances visuelles et de belles idées de mise en scène. A l’image du beau plan-séquence d’une dizaine de minutes en début de film, la réalisation du cinéaste marocain est indéniablement maîtrisée. Plus épurée, elle aurait permis de moins étouffer le propos.

Notre avis contre : –

Un film certes clipesque qui se veut onirique et osé, mais dont les symboles et les parti-pris semblent toc, creux et déjà vus, pour une dénonciation ni mature ni virulente. 


Juanita de Tanger

La vida perra de Juanita Narboni – De Farida Benlyazid
Maroc / Espagne, 2006, 1:41, vostf – Avec Mariola Fuentes, Francisco Algora, Salima Benmoumen, Cheta Lera, Lou Doillon, Nabila Baraka, Nadia Alami

Juanita, de père anglais et de mère andalouse, raconte ses peines et parle des femmes qui l’entourent. Sa s½ur Helena, obsédée de liberté et qui a étudié au lycée français. Esther, son amie juive marocaine complètement engloutie dans son histoire d’amour impossible avec un jeune homme marocain musulman. Et enfin, Hamruch, la fidèle domestique ; sa famille à elle seule quand les autres ne sont pas là.
De la Guerre civile espagnole à la Seconde Guerre Mondiale, à travers le récit de Juanita, c’est l’histoire de Tanger qui, subrepticement, se dessine en toile de fond

Notre Avis : *

Autour de son personnage-titre dont la famille a fui l’Espagne franquiste pour s’établir à Tanger, Farida Benlyazid propose une trop ambitieuse chronique féminine et féministe. Le récit se délite progressivement et peine à masquer un film mosaïque durant lequel personnages et scènes semblent plaqués les uns aux autres sans former un ensemble cohérent. Le mélange des langues (espagnol, arabe, français, anglais) dans les dialogues et soliloques et la raideur psychologique de Juanita font barrage à toute empathie. 


Mirage

Assarab – De Ahmed Bouanani
Maroc, 1979, 1:40, N & B, vostf – Avec Mohamed El Habachi, Mohamed Saïd Hafifi, Mustapha Mounir, Abdellah Amrani, Fatima Regragui

1947: le Royaume du Maroc est, depuis 1912, sous protectorat français. Dans une petite bourgade, les autorités locales procèdent à la distribution de sacs de farine aux nécessiteux de la région. Dans l’un des ces sacs, Mohamed Ben Mohamed découvre des billets de banque. De la cour des miracles aux gargotes sombres, Mohammed rencontre Ali Ben Ali, saltimbanque, cousin marocain d’un Chaplin ou d’un Buster Keaton. C’est le début de la fable qui se situe entre hier et demain : entre silence et cri, et qui s’achève comme une désillusion.
Conte philosophique situé entre hier et demain et habité de personnages décalés, Mirage, seul long métrage dans la carrière du grand artiste polyvalent Ahmed Bouanani, est un film-jalon dans le début de la modernité cinématographique marocaine.

Notre Avis : *

Fable mi racontée, mi chantée, l’unique long métrage réalisé par Ahmed Bouanani est une œuvre très singulière. La déambulation physique de l’omniprésent protagoniste principal aura pour reflet l’errance mentale du spectateur. Mirage apparaît alors comme une œuvre aussi personnelle qu’exigeante. Elle semble porter en elle une certaine métaphore de l’oppression politique. Le film se ferme sur deux cartons. Le premier est une mise en garde envers les Américains et les étrangers. Le second, plus verbeux, n’est pas sous-titré… Mirage, œuvre spectrale, garde ainsi tout son mystère. 


C’est eux les chiens

 

 

 

 

 

 

Majhoul vient de passer 30 ans dans les geôles marocaines pour avoir manifesté en 1981 durant les « émeutes du pain ». Il retrouve la liberté en plein Printemps arabe. Une équipe de télévision en quête de sensationnel décide de le suivre dans la recherche de son passé. Ulysse moderne, Majhoul les entraîne dans une folle traversée de Casablanca, au coeur d’une société marocaine en ébullition. Ou comment un perdant magnifique se fraie un chemin pour regagner sa place dans une société arabe moderne tiraillée entre un conservatisme puissant et une soif de liberté.

Notre avis: *

C’est eux les chiens est filmé de manière peu conventionnelle, caméra au poing, avec altération volontaire du son. Comme The End, la corruption, les exactions du Roi et de la police, du pouvoir en somme, sont mis en avant. Le film montre des marocains (ou des casaouis ?) prêts à s’embrouiller et se battre pour rien. Toutes les dix minutes, à peu près, une bagarre et/ou des insultes éclatent. Le procédé devient un peu répétitif et certains éléments peu vraisemblables. En premier lieu on se demande pourquoi l’équipe décide de suivre Majhoul, puisqu’ils n’ont pas compris qu’il a été raflé et le prenne pour un fou. Quand enfin l’ex-prisonnier retrouve sa femme et son fils, ou d’autres proches, on se dit : « Tout ça pour ça ? »


Le Cheval de vent de Daoud Aoulad Syad

 

 

 

 

 

 

 

Maroc, France, 2002, 1H28, vostf – Avec Mohamed Majd,
Faouzi Bensaïdi, Saadia Azgoun
Tahar, vieil homme misanthrope, vit chez son fils avec qui la communication est difficile. Son rêve: retourner sur la tombe de
sa femme à l’autre bout du Maroc. Il décide de faire le voyage avec Driss, pied nickelé improbable en perfecto, à la recherche de
sa mère. Entre drame, burlesque et fantastique, ce road-movie poétique épouse le rythme du monde hors des sentiers battus.
Cela s’appelle la grâce.

9/2. 14:00. Ciné-TNB
10/2. 21:00. Grand Logis
11/2. 16:00. Ciné-TNB
14/2. 20:45. Arvor

Notre avis: ***

Un film particulièrement cinématographique, qui épouse l’une des causes premières du cinéma, l’évasion. Le film propose un voyage et une rencontre improbables, tirant trois jolis portraits tournés à la fois sur le passé, le rapport à celui-ci, le présent et l’avenir. Le premier portrait est celui d’un vieil homme philosophe qui déçu de son quotidien décide de s’évader et de retourner sur la tombe de sa défunte seconde femme. Il fera ce voyage accompagné d’un fils spirituel, considéré comme fou, qui part à la recherche de se mère disparue. Le troisième portrait est celui du Maroc, de Casablanca à Essaouira. Sincère, appliqué, et intéressant ! Un beau film.


Mille mois

 

 

 

 

France, Belgique, Maroc, 2003, 2:04, vostf

Avec Fouad Labied, Abdelatif Ouzal, Hanane Albour

En 1981, dans les montagnes de l’Atlas, Mehdi se voit attribuer la responsabilité de la chaise de l’instituteur. En contrepartie, il
lui demande de lire à sa voisine des poèmes d’amour. Cette chronique villageoise entremêle mille détails et personnages d’une
belle polychromie. Discrète, sensible, elle offre un regard sur l’enfance et l’injustice dépourvu de misérabilisme et de complaisance. Prix Un Certain Regard, Cannes 2003

9/2. 13:45. Arvor
10/2. 19:30. Arvor
12/2. 16:00. Grand Logis
14/2. 16:00. Ciné-TNB

Notre avis: ****

L’écriture filmique de Mille mois est très dense. Faouizi Bensaidi ne donne rien de moins à voir qu’une fresque villageoise très belle, chaleureuse et violente, sur fond de religion, d’us et de mœurs, d’enfance, de non dit. Les plans larges impriment un mouvement d’ensemble que ne renierait pas aujourd’hui un Nury Bilge Ceylan par exemple. La télévision s’insère tout à la fois en rupture – entracte entre les scènes, et en élément de liaison – les habitants du village sont fascinés et dépendants à la télévision. Profond, habile, feutré, le récit se construit par strates et étapes. On pense à Pagnol, on peut penser à Kusturicza – sans sa folie, à Bilge Ceylan,  à Téchiné même, mais surtout, on note une singulière signature. Prix un certain regard tout à fait mérité.


Hope de Boris Lojkine

France, 2014, 1:26 – Avec Justin Wang, Endurance Newton
Alors qu’il traverse le Sahara pour remonter vers l’Europe, Léonard, un jeune camerounais, vient en aide à Hope, une nigériane.
Dans un monde hostile où chacun doit rester avec les siens, ils vont tenter d’avancer ensemble et de s’aimer. Du Sahara au Maroc,
ce film, sur fond de drame social, habité par deux acteurs magiques, est empreint d’un souffle documentaire puissant.
8/2. 18:30. Grand Logis
9/2. 16:30. Ciné-TNB
11/2. 20:15. Gaumont
13/2. 18:30. Gaumont

Notre avis: –

Malgré quinze premières minutes qui donnent envie, on comprend rapidement que le film ne s’embarrassera pas de finesse et de psychologie. L’écriture est très audiardienne, préférant les faits et gestes, une vision très manichéenne également, à un quelconque regard, aux nuances et aux détails. Les schémas se répètent inlassablement et le tout est fort inintéressant. Parait-il que les acteurs principaux étaient des migrants.  Dommage, une écriture plus fine aurait mieux servi un tel sujet,  d’actualité et sensible. (beau sujet mais mauvais traitement)


Whatever Lola wants

De Nabil Ayouch
France / Canada, 2008, 1:55, Couleur – Avec Laura Ramsey, Assaad Bouab, Carmen Lebbos, Hichem Rostom

Lola vit à New York, et rêve d’une carrière de danseuse. Partie au Caire sur un coup de tête pour suivre le beau Zack dont elle est éprise, elle décide d’y retrouver la légende de la danse orientale, la grande Ismahan, mais va devoir faire face à de nombreuses différences culturelles. Entre Broadway et les cafés du Caire, Lola ne semble pas savoir dans quel pays elle pourrait s’épanouir. Un film très personnel de Nabil Ayouch, lui aussi tiraillé entre différentes cultures, et qui, à travers le cinéma (et la danse pour son héroïne), souhaite parler non pas de ce qui nous sépare, mais de ce qui nous réunit.

Notre avis : **

Whatever Lola wants débute comme une banale sitcom façon Friends. Quand Lola, l’héroïne centrale du film, quitte New-York pour suivre son amoureux au Caire, l’espoir revit d’aborder quelques sujets moins consensuels. Las, nous venons de troquer les beaux quartiers de Brooklyn pour ceux du Caire pour ce qui sera un feel good movie. Reconnaissons cependant à Nabil Ayouch d’avoir su imprimer un rythme alerte à sa comédie, seul l’épilogue de Whatever Lola wants traîne un peu en longueur. Mais la seule application des codes des sitcoms américaines en terres égyptiennes ne suffit pas à donner corps et sens au long métrage. Film d’exportation avant tout, lisse et riche en clichés, ce long métrage ravira les seuls amateurs du genre.


Goodbye Morocco

De Nadir Moknèche
France / Belgique, 2013, 1:42, Couleur – Avec Lubna Azabal, Radivoje Bukvic, Faouzi Bensaïdi, Grégory Gadebois

Dounia, divorcée, un enfant, vit avec un architecte serbe à Tanger. Une liaison scandaleuse aux yeux de la famille marocaine. Le couple dirige un chantier immobilier où le terrassement met à jour des tombes chrétiennes du IVème siècle, ornées de fresques.
Dounia se lance alors dans un trafic lucratif, espérant gagner très vite de quoi quitter le Maroc avec son fils et son amant. Mais un des ouvriers du chantier disparaît ?

Notre avis : ***

Emmené par Lubna Azabal, mère révoltée et inflexible chef d’entreprise, Goodbye Morocco traite de la condition des travailleurs africains clandestins cherchant à gagner l’Europe. Sur fond de trafic d’œuvres rupestres et de dénonciation de la condition de mère au Maroc, Nadir Morknèche livre un film noir convaincant. A peine pouvons-nous regrette une légère surenchère dans la dramatisation. La trame dramatique construite autour du personnage d’Ali (Faouzi Bensaïdi) était dispensable. Son absence aurait permis de laisser plus de place au traitement de sujets sociétaux que Nadir Morknèche aborde avec courage.


Mektoub de Nabil Ayounch

De Nabil Ayouch
Avec Rachid El-Ouali, Amal Chabli, Mohamed Miftah plus
Genre Policier
Nationalités Marocain, Français

Après dix ans d’études aux Etats-Unis, Taoufik, jeune medecin casablancais, brillant et insouciant, revient s’installer au Maroc où il doit ouvrir son cabinet. Au cours d’un dîner, Taoufik est drogué. De mysterieux individus enlèvent sa femme Sophia. Elle est séquestrée et violée sous l’oeil d’une caméra, puis abandonnée sur les trottoirs de la ville. Taoufik va retrouver sa femme et tuer un homme. A travers leur folle cavale dans tout le Maroc, ils nous font découvrir la réalité sociale et humaine de leur pays.

Notre avis : *

Bien que tourné en 1998 le film semble tout droit exhumé des années 70 -qualité de l’image, naïveté de mise en scène, similarité avec des comédies de Boolywood. Pourtant, le sujet, tiré d’un véritable fait divers très glauque, ne s’y prêtait pas. Certains pourront aimé ce côté désuet, exotique à leur yeux. De même qu’ils découvriront le Maroc -un des buts du réalisateur en faisant ce film.  D’autres pourront s’irriter de cette maladresse, cette désuétude et cet humour peu compatible avec le sujet initial.


Sur la planche de Leïla Kilani

 
De Leïla Kilani
Avec Soufia Issami, Mouna Bahmad, Nouzha Akel plus
Genre Drame
Nationalités Français, Marocain, Allemand

Tanger – Aujourd’hui, quatre jeunes femmes de vingt ans travaillent pour survivre le jour et vivent la nuit. Toutes quatre ouvrières, elles sont réparties en deux castes : les textiles et les crevettes. Leur obsession : bouger. « On est là » disent-elles. De l’aube à la nuit la cadence est effrénée, elles traversent la ville. Temps, espace et sommeil sont rares. Petites bricoleuses de l’urgence qui travaillent les hommes et les maisons vides. Ainsi va la course folle de Badia, Imane, Asma et Nawal…

Notre avis *****

Voici un petit bijou, qui brasse, avec virtuosité, l’amitié féminine, l’âpreté du Destin, la débrouillardise… On pense à La vie rêvée des anges, bien que le film ait son style propre et que le devenir des personnages n’est pas le même. Pas une seconde d’ennui : beauté des images, vélocité, justesse des interprétations… Le film parle par lui-même et est si bon qu’il n’y a presque rien à ajouter. Voyez-le par tout les moyens !


WWW:  What a wonderful world

De Faouzi Bensaïdi
Avec Faouzi Bensaïdi, Nezha Rahil, Fatima Attif plus
Genre Drame
Nationalités Français, Marocain

Casablanca, une ville de contrastes, moderne et archaïque.
Kamel est un tueur à gages qui reçoit ses contrats par internet. Il a coutume d’appeler Souad, une prostituée occasionnelle, pour faire l’amour après ses exécutions. C’est souvent Kenza qui décroche. Elle est agent de la circulation, responsable du plus grand rond-point de la ville. Bientôt, il tombe amoureux de cette voix et part à sa recherche.
Hicham, un hacker professionnel qui rêve de partir en Europe, infiltre par hasard les contrats de Kamel…

Notre avis : ***

Bien que le réalisateur affirme s’être inspiré de Jacques Tati, on pense beaucoup à Elia Suleiman (Intervention divine) en regardant ce film très visuel et l’impassibilité très Buster Keaton de son interprête principal -le realisateur lui-même. L’histoire d’amour, elle aussi, peut faire penser à celle d’Intervention divine. Le romantisme dont elle est empreint, très emphasé dans les déclarations, est typiquement oriental. La modernité du sujet, elle, est visionnaire. Internet (les trois w du titre), l’accès virtuel au monde, alors que le film a été tourné en 2006, préfigure bien notre ère par trop numérique. Comme dans d’autres films marocains, la prostitution -occasionnelle ou plus- et la volonté de quitter le pays pour l’Europe sont abordés. Ce qui distingue ce film est son traitement visuel, résolument singulier.=, ainsi qu’une forme d’abstraction -voir la fin, mais nous n’en dirons pas plus.


Fantômes de Tanger

De Edgardo Cozarinsky
Maroc / France / Allemagne, 1998, 1:27 – Avec Laurent Grevill, Larbi Yacoubi, Brenda Gerolemou, Dick Chapman, Paul Bowles

Dans le Tanger d’aujourd’hui, deux personnages croisent leurs chemins sans jamais se rencontrer. L’un est un écrivain français en panne d’inspiration, à la recherche des lieux et des personnages encore vivants d’une légende : celle du Tanger de la « zone internationale ». L’autre est un gamin d’une douzaine d’années, venu du sud marocain avec le seul espoir de traverser clandestinement le détroit de Gibraltar pour arriver dans la terre promise de la communauté européenne… Ils séjournent dans la même ville mais vivent dans des mondes différents.

Notre avis : ***

Edgardo Cozarinsky propose un double récit. Celui où « Tanger rimait avec danger » à savoir le Tanger d’avant l’indépendance du Maroc, celle de la zone internationale, du Petit Socco, parc à tous les petits trafics imaginables. Cette « colonie pénitentiaire à ciel ouvert » était alors un lieu d’évasion pour des parias venus de l’étranger à la recherche d’une nouvelle identité. En voix off posée et littéraire, le cinéaste évoque, entre autres, William Burroughs, Jean Genet, Paul et Jane Bowles parmi les figures littéraires marquantes du Tanger de Mohamed V. Dans sa partie contemporaine, Fantômes de Tanger relève également du drame à travers un jeune personnage cherchant à faire le chemin inverse de ses prédécesseurs à savoir atteindre les côtes espagnoles.

Donc, entre documentaire et fiction, Edgardo Cozarinsky met en parallèle les clandestins d’hier venus du nord et les clandestins d’aujourd’hui venant du sud. Leur point commun réside dans la fuite d’un quotidien impossible avec l’espérance de le troquer pour un simple ordinaire supportable. Ces clandestins passés et présents sont les Fantômes de Tanger.


Une minute de soleil en moins

 De Nabil Ayouch
France / Maroc, 2003, 1:38 – Avec Nouraddin Orahhou, Lubna Azabal, Hicham Moussoune

Kamel Raoui, un jeune inspecteur de police, est chargé d’enquêter sur la mort d’Hakim Tahiri, un important trafiquant de drogue, assassiné dans sa villa tangéroise. La première suspecte est son employée et maîtresse : Touria, une jeune femme qui vit sur les lieux du crime avec son petit frère, Pipo. Alors que Touria est placée en garde à vue, Kamel recueille chez lui Pipo avec qui se tisse une complicité très forte.

Notre avis : –

En cumulant une mise en scène réduite à son minimum, une photographie pauvre, des scènes de voiture d’un autre âge et des acteurs mal éclairés et au charisme aléatoire, Nabil Ayouch livre un film TV plus proche des vidéos Internet que du cinéma. Une minute de soleil en moins paraît beaucoup plus que ses 15 ans. L’œuvre paraît bien fragile et déjà désuète.


Orpheline

De Arnaud des Pallières
France, 2017, 1:51 – Avec Adèle Haenel, Adèle Exarchopoulos, Solène Rigot, Vega Cuzytek, Jalil Lespert, Gemma Arterton, Nicolas Duvauchelle, Sergi Lopez

Quatre moments de la vie de quatre personnages féminins. Une petite fille de la campagne, prise dans une tragique partie de cache-cache. Une adolescente ballotée de fugue en fugue, d’homme en homme, puisque tout vaut mieux que le triste foyer familial. Une jeune fille qui monte à Paris et frôle la catastrophe. La femme accomplie enfin, qui se croyait à l’abri de son passé. Peu à peu, ces figures forment une seule et même héroïne.

Notre avis : *(*)

Après Michael Kohlhaas (2013), film très masculin, Arnaud des Pallières vire de bord avec Orpheline, film résolument féminin… mais pas féministe. Le cinéaste fait le récit tourmenté d’une femme à quatre âges de sa vie. Une enfance traumatique, une adolescence violente et une vie d’adulte rebelle conséquence d’un passé dramatique. Si le récit forme une boucle narrative sur l’héroïne à l’âge adulte, Arnaud des Pallières remonte le fil du temps. Il prend ainsi à rebrousse-poil l’évolution psychologique d(*)e son personnage et se prive d’introduire sereine sa figure centrale. Le procédé est audacieux mais discutable et, ne posant pas son personnage dans ce récit elliptique, certaines scènes seront probablement discutées par les critiques.


Programme Urba[Ciné] 1

  • On ira à Neuilly Inch’allah de Anna Salzberg, Mehdi Ahoudig – France, 2015, 20′, N&B, expérimental
  • Chasse Royale de Lise Akoka, Romane Gueret – France, 2016, 28′ – Avec Angélique Gernez, Eddhy Dupont
  • La République des enchanteurs de Fanny Liatard, Jérémy Trouilh – France, 2016, 13’22 – Avec les habitants de la cité des Dervallières
  • Goût bacon de Emma Benestan – France, 2016, 12’45 – Avec Bilel Chegrani, Bahia Hassani, Jennifer Gromas, Adil Dehbi
  • Notre héritage de Caroline Poggi, Jonathan Vinel – France, 2016, 24′ – Avec Lucas Doméjean, Sarah-Megan Allouch-Mainie

Notre avis : ***

De cette première sélection de  courts métrages de la section Urba[Ciné], seul On ira à Neuilly Inch’allah est animé d’un parti pris formel audacieux et colle parfaitement à la thématique de la section Urba[Ciné].

Alors que la bande son ne cessera de faire entendre la manifestation des employés de Vélib’, le court métrage s’ouvre par un carton reproduisant une communication condescendante de la DRH de Vélib’ à destination de ses salariés recrutés dans les banlieues défavorisées. A l’écran apparaît ensuite une artère parisienne à l’aube. Sa traversée s’effectue au rythme d’une ballade en vélo. D’autres points stratégiques de la capitale seront successivement empruntés. Ce trajet nous emmènera à Neuilly, peut-être.

L’aspect expérimental de ce court métrage et l’invariance de sa forme technique lui interdisent toute éventualité d’obtenir le prix du public. Mais ce court métrage remporte haut-la-main notre suffrage.


Programme Urba[Ciné] 2

  • For Real, Tho de Baptist Penetticobra – France, 2016, 14′, vostf – Avec Piper Lincoln, Carmelle Rukiza, Jamar Taylor, Aurora Barrett, Millie Duyé & Alexandre Heuillard
  • Bêlons de El Mehdi Azzam – France / Maroc, 2016, 26’21, vostf – Avec Kamal Aadissa, Faouzi Essafi, Oussama Oussous, Rachid El Fatmi, Ahmed Zaitouni
  • I Want Pluto to Be a Planet Again de Marie Amachoukeli, Vladimir Mavounia-Kouka – France, 2016, 11’32, animation
  • De commencements en commencements de Simon Queheillard – France, 2016, 10’40, sans dialogues, expérimental
  • Lupus de Carlos Gómez Salamanca – France / Colombie, 2016, 8’48, vostf, animation
  • Au loin, Baltimore de Lola Quivoron – France, 2016, 25’48 – Avec Clark Gernet, Owen Kanga, Jean-Marie Narainen

Notre avis : ***

Par la qualité des animations réalisées et par sa parfaite adhérence au programme « imposé » par la section Urba[Ciné], Lupus domine cette seconde partie de sélection. Et, alors que la plupart des films d’animation distribués se complaisent dans le « fantasy », Carlos Gómez Salamanca a bâti son court métrage sur un fait divers véridique.

Enfin Bêlons de El Mehdi Azzam, tourné en partie dans des lieux désaffectés et en ruine, est un possible lauréat du prix du public par son aspect humoristique et insidieusement irrévérencieux.


Un thé au Sahara

De Bernardo Bertolucci
Royaume-Uni / Italie / Etats-Unis, 1990, 2:18 – Avec Debra Winger, John Malkovich, Jill Bennett, Tom Novembre, Paul Bowles

1947. Port et Kit Moresby, un couple d’Américains oisifs, débarquent à Tanger, accompagnés de Tunner, un ami mondain. Après dix années de mariage, Port et Kit, en mal de sensations fortes, espèrent raviver leur amour dans les sables du désert. Bientôt, l’envahissante madame Lyle et son fils, Eric, se joignent à eux. Dès lors, Port n’a de cesse de semer ses compagnons et de s’enfoncer plus avant dans le désert. Les conditions de voyage se dégradent au fil du périple et, bientôt, Port tombe gravement malade. Il trouve refuge dans un fort de l’armée française. Atteint de la typhoïde, son état s’aggrave. Kit reste seule face à l’immensité désertique.

Notre avis : ***

Bernardo Bertolucci fait le récit d’un duo émoussé dont la vie de couple porte les mêmes stigmates. Leur arrivée à Tanger sonne comme un espoir de renouveau mais leur mal profond appelle à de plus grandes étendues.

C’est à travers les immenses décors arides du Sahara que le voyage va devenir périple tant sentimental que physique. Le cinéaste alourdit son récit en étirant certaines scènes au lyrisme appuyé. La maestria de Bernardo Bertolucci est ailleurs. Elle campe bien là où nous l’attendions, à savoir dans une mise en scène au cordeau et jamais répétitive durant toute la durée de son long métrage (2h20). L’utilisation des grands espaces offerts par le Sahara et de la lumière naturelle rasante est exemplaire. La photographie obtenue est magnifique et restitue parfaite le climat des lieux traversés.


Paris pieds nus

De Dominique Abel, Fiona Gordon
France / Belgique, 2017, 1:23 – Avec Dominique Abel, Fiona Gordon, Emmanuelle Riva, Pierre Richard

Fiona, un bibliothécaire canadienne, débarque à Paris pour venir en aide à sa vieille tante Martha, menacée d’internement dans une maison de retraite. Mais Fiona perd ses bagages et découvre que Martha a disparu. C’est le début d’une avalanche de catastrophes, qui lui feront croiser le chemin de Dom, SDF égoïste, frimeur et collant qui lui pourrit la vie.

Notre avis : ***

Dominique Abel et Fiona Gordon, à nouveau devant et derrière la caméra, adoptent dans Paris pieds nus un cinéma plus dialogué que dans leurs précédents films. Les gags visuels, tout en maladresse maîtrisée, empruntent à Pierre Etaix et à Charlie Chaplin.

Au casting apparaît Emmanuelle Riva, touchante et émouvante dans ce qui sera son dernier rôle. La présence de Pierre Richard relève d’une excellente idée tant Le grand blond avec une chaussure noire s’insère parfaitement dans l’univers burlesque et poétique des deux cinéastes.


Mort à vendre

 

 

 

 

 

France, Belgique, Maroc, 2013, 1:57, vostf
Avec Fehd Benchemsi, Fouad Labiad, Mouchcine Malzi,
Iman Mechrafi, Nezha Rahil, Faouzi Bensaïdi
A Tétouan, trois amis décident de devenir les Barons de la drogue. Mais leur rencontre avec Dounia, prostituée, va venir perturber leurs plans et les forcer à choisir entre l’amitié ou l’amour, l’honneur ou la trahison,le vice ou la raison. Avec sa violence intelligemment retenue et une mise en scène libre, inspirée par l’architecture de Tétouan, F. Bensaïdi signe un polar sur les désirs impossibles d’une société asphyxiée.
9/2. 20:30. Foyer
11/2. 20:00. Cinéville
12/2. 13:45. Cinéville
12/2. 18:30. Grand Logis
14/2. 18:00. Cinéville

Notre avis : ***

Faouzi Bensaidi montre une fois de plus qu’il attache une grande importance à la mise en scène. Très peu de scènes n’ont pas un intérêt visuel manifeste. Il est constamment fait jeu du décors et de son envers, de l’un vers l’autre, dans sa latitude ou sa longitude, ou l’un contre l’autre. Le film file par ailleurs des portraits à plusieurs étages: un portrait d’un garçon dissonant vis à vis de ses camarades (on songe à Accatone), un portrait de la gente masculine, un portrait d’une ville, et un portrait d’une société en mutation (on songe là aussi à Accatone). Il n’en reste pas moins que Mort à vendre développe une intrigue policière, qui aurait pu être chère à Melville, et met en lumière l’ambivalence marocaine: un pays où la religion est importante, où les condamnations sont fortes pour qui ne suit pas les règles, mais un pays où les mœurs sont très souvent à des années lumières des principes moraux éduqués.


Carnival of Souls

 

 

 

 

Amérique, 1962.
Avec Candace Hilligoss de Herk Harvey
Musique par Invaders
À partir de 12 ans.
Initialement tourné pour être diffusé dans le circuit des drive-in aux États-Unis, Carnival of Souls est un film culte des années 1960. C’est une référence majeure pour de nombreux réalisateurs comme David Lynch, John Carpenter ou encore George Romero, dans laquelle le réalisateur Herk Harvey propose une vision de l’enfer sur terre. Derrière Invaders se
cachent Nicolas Courret, batteur déjà croisé avec Laetitia Shériff, Eiffel ou Daniel Paboeuf et David Euverte aux claviers, fidèle compagnon de Dominique A.

Une coproduction Clair Obscur / Festival Travelling, l’Antipode MJC, Le Festival International du Film de la Rochelle, Les Tontons Tourneurs.
Samedi 11/2. 20h. Le Tambour

Notre avis sur le film: ***

L’étrange en son domaine. Nous ne sommes pas si loin d’Hitchcock, et pas si loin non plus de Todd Browning. Un mystère est maintenu pour discerner le vrai du réel, mystère qui sera renforcé et levé tout à la fois dans les derniers instants. Une proposition forte.

Notre avis sur le concert: –

C’est triste à dire, mais la musique ne colle pas du tout avec le film, elle le place dans les années 80, et fait fausse note tout le long du film. Elle vient même priver de certains dialogues…


Transes

De Ahmed El Maanouni
France / Maroc, 1981, 1:26 – Avec Larbi Batma, Nass-El Ghiwane, Omar Sayed, Allal Yaâla, Abderrahman Paco

Nass El Ghiwane est un groupe de musiciens marocains formé dans les années 70 au coeur de l’un des quartiers pauvres de Casablanca. Mêlant grands thèmes traditionnels et incantations laïques, leur musique puise dans le creuset de la culture populaire. Les chansons racontent aussi bien les joies du monde qu’elles pleurent les poètes défunts, clamées au son de rythmes frénétiques. Au détour des rues comme dans les salles de concert bondées, l’explosion musicale déclenchée par Nass El Ghiwane met les foules en transe.

Notre avis : **

Ahmed El Maanouni en ne contextualisant pas le groupe marocain Nass El Ghiwane ne facilite pas l’appréhension de son documentaire-biopic par un public non initié. Certes les chants sont sous-titrés et dévoilent ainsi un certain engagement tant philosophique que politique, mais Transes demeure hermétique. La restauration faite avec soin de ce documentaire permet de profiter pleinement des chansons et musiques dont la répétition et les rythmes effrénés ont pour source des chants tribaux.


Le festin nu

De David Cronenberg
Royaume-Uni / Canada / Japon, 1992, 1:55 – Avec Peter Weller, Judy Davis, Roy Scheider, Ian Holm, Julian Sands

1953, à New York. Un ancien drogué, Bill Lee, devenu exterminateur de cafards, est mis sous les verrous par deux agents de la brigade des stupéfiants. Dans le commissariat, un insecte géant le charge d’une étrange commission à transmettre dans le cadre d’une incompréhensible mission d’espionnage. Tout à sa tâche, Bill Lee découvre que sa femme se drogue avec de la poudre insecticide. Le docteur Benway lui prescrit un puissant narcoleptique mais, à son retour, Bill Lee constate que sa femme le trompe avec deux amis à la fois. Il cause accidentellement sa mort et s’enfuit dans le secteur international de Tanger, Interzone, où un extraterrestre, un Mugwump, le rejoint.

Notre avis : ****

C’est un peu forcé par son producteur que David Cronenberg se lance dans l’adaptation cinématographique de l’inadaptable roman éponyme de William Burroughs. Il faut tout le talent de scénariste et de réalisateur du cinéaste canadien pour aboutir à un film réjouissant. Rapidement, l’enchaînement de scènes incongrues donne forme et sens à un univers fantasmé dont le spectateur ne pourra s’extraire jusqu’à l’ultime seconde du long métrage. En partie autobiographique, le récit est celui d’un esprit malade et tourmenté qui, entre addiction aux drogues, homosexualité, hallucinations et affres d’écrivain, est source de visions fantasmées flirtant avec des apparitions cauchemardesques. Bienvenue en Annexie !


Les chevaux de dieu

De Nabil Ayouch
Maroc / France / Belgique, 2013, 1:55 – Avec Abdelhakim Rachi, Abdelilah Rachid, Hamza Souidek, Ahmed El Idrissi Amrani

Yassine et Hamid vivent dans le bidonville de Sidi Moumen à Casablanca. Lorsque Hamid se retrouve en prison, Yassine enchaîne alors les petits boulots pour sortir de ce marasme où règnent violence, misère et drogue. À sa sortie de prison, Hamid a changé. Devenu islamiste radical pendant son incarcération il persuade Yassine et ses amis de rejoindre leurs « frères ».

Notre avis : **

Traiter de la radicalisation religieuse au cinéma n’est pas une mince affaire. Ce sujet, éminemment délicat et contemporain, est plus adapté au format du documentaire qu’à celui du long métrage de fiction. Avec Les chevaux de dieu, Nabil Ayouch tente de s’en emparer. Si l’épilogue est d’une remarquable pudeur et justesse, tout ce qui le précède semble d’abord éviter le sujet puis s’y frotter par petites touches.

Le préambule des Chevaux de dieu, composé de courtes scènes répétitives, frôle le hors sujet. Sa durée, longue, sera ensuite compensée dans le récit par des ellipses. La première ellipse malheureuse est celle qui concerne le retour d’Hamid de prison. En deux ans d’emprisonnement, Hamid s’est radicalisé. Sans la moindre image sur cette période d’incarcération, Nabil Ayouch réduit à un fait un sujet passionnant qui justifierait à lui seul un long métrage ! Ensuite, le processus de radicalisation des proches d’Hamid commence. Là encore, le réalisateur s’appuie sur un récit elliptique dont la conséquence est visible à l’écran : la radicalisation progressive attendue se mue en une radicalisation par à-coup par le prisme de la caméra du cinéaste. Le sujet en or des Chevaux de dieu méritait un meilleur traitement, dommage.


Shara

De Naomi Kawase
Japon, 2004, 1:40, Couleur, vostf – Avec Kohei Fukunaga, Yuka Hyodo, Naomi Kawase

Nara, ancienne capitale impériale du Japon. Le jour de la fête du dieu Jizo, dans la chaleur torride de l’été, Kei et son jumeau Shun se poursuivent dans les artères étroites. Soudain, Kei se volatilise. Cinq ans plus tard, Shun, lycéen, et son amie d’enfance Yu sont attirés l’un vers l’autre, mais une douleur secrète les empêche de vivre cet amour.

Notre avis : **

Tout le programme de Shara est résumé dans sa première séquence : une course poursuite entre deux jumeaux suivie de la mystérieuse disparition d’un des deux frères. Long métrage sur l’absence, Shara ne cessera par la suite de fuir son fil narratif. Naomi Kawase se plait à placer son film là où nous ne l’attendons pas. Au rythme d’une mise en scène calme et très posée, Shara prend alors les allures d’une douce méditation. Cette douce quiétude sera cependant interrompue à plusieurs reprises notamment lors d’une énergique et très visuelle scène de fête sous des trombes d’eau. Durant la projection, les méandres de nos pensées semblent être le reflet de ces étroites ruelles étrangement désertes qui, filmées à hauteur d’homme, forment un dédale, un labyrinthe où se perdra le spectateur.


Loin

De André Téchiné
France / Espagne, 2001, 2:00, Couleur, VF – Avec Stéphane Rideau, Lubna Azabal, Mohamed Hamaidi, Yasmina Reza, Jack Taylor, Gael Morel

Serge, un jeune chauffeur routier, fait la traversée de l’Europe à l’Afrique et vient régulièrement à Tanger où il retrouve sa maîtresse Sarah et son ami Saïd. Mais cette fois, Serge va céder à la tentation du trafic… Premier film tourné en numérique dans la carrière de Téchiné, ce film vif et dense suit des personnages happés par l’esprit de l’exil dans cette ville-frontière, pleine de rêves, qu’est Tanger.

Notre avis : ***

Autour d’une poignée de personnages principaux, André Téchiné parvient assez efficacement à cristalliser l’ensemble des maux auxquels sont confrontés la ville de Tanger et ses habitants. Au-delà de la question des clandestins cherchant un moyen fiable de gagner la côte espagnole, le cinéaste aborde également la condition des autochtones. Quand plus rien ne vous retient au pays, faut-il tenter sa chance d’un exil en Europe ? Comment se procurer l’argent requis pour une traversée à l’issue incertaine ?


Café de la plage de Benoît Graffin

France, 2002, 1:23
Avec Ouassini Embarek, Jacques Nolot, Leïla Belarbi
À Tanger, Driss fait le taxi le jour et vit dans sa voiture la nuit. Quand il rencontre Fouad, vieux misanthrope qui dirige le café de la plage, il tente de l’apprivoiser malgré les humiliations. Adapté d’un livre de P. Bowles, B. Gaffin souligne parfaitement la dimension mystérieuse de cette histoire d’amitié ambiguë, élégamment mise en valeur par la luminosité
de la côte marocaine et la justesse de ses acteurs.
8/2. 16:15. Gaumont
11/2. 14:00. Gaumont

Notre avis: **

Pour qui connaît le cinéma de Jacques Nolot, quand il est réalisateur, Café de la plage ne devrait pas être très surprenant. Le rôle qui lui est confié lui va comme un gant, mysanthrope, trouble mais pourtant magnétique. La relation très ambiguë qu’il nourrit avec le jeune Driss semble métaphorique de la relation que la France nourrit avec le Maroc. Une attirance sur fond de pouvoir, de promesse d’un avenir meilleur.


Les Hirondelles : Les Cris de jeunes filles des hirondelles

 

 

 

 

 

Maroc, 2008, 1:20, vostf – Avec Najwa Azizi, Oussama
Ouahani, Saïd Amel, Khouloud, Bahija Hachami
Tanger, 1955. Dernière année du protectorat. Larbi Salmi, 15 ans, fils de théologien, est consumé par un désir tragique de
connaître la femme. Il rencontre Rabea,une jeune fille de 17 ans fascinée par les histoires d’amour. Ce film indigné, révolté,d’une fureur adolescente, est un manifeste poétique – deuxième partie d’une trilogie -contre les carcans de la bienséance, et la possibilité de s’émanciper.
9/2. 14:00. Tambour
13/2. 14:15. Arvor

Notre avis: –

très ennuyeux malgré quelques réflexions théologiques et philosophiques intéressantes. Le film souffre d’une réalisation quelconque, d’une narration trop peu fluide.


Chez nous  de Lucas Belvaux

En présence de Lucas Belvaux, cinéaste et Émilie Dequenne, comédienne
France, 2017, 1:54 – Avec Émilie Dequenne, André Dussollier, Guillaume Gouix, Catherine Jacob
Pauline, infirmière à domicile entre Lens et Lille, s’occupe seule de ses deux enfants et de son père, ancien métallurgiste. Pauline est dévouée et si généreuse que tous ses patients
l’aiment et comptent sur elle. Profitant de sa popularité, les dirigeants d’un parti extrémiste vont lui proposer d’être leur candidate aux prochaines municipales.
14/2. 20:45. Gaumont

Notre avis: **

Un sujet qui va certainement valoir à Lucas Belvaux une publicité qui ne s’intéressera que très peu au critère esthétique.  Le traitement est adroit même si pour des questions de légalité, les noms des protagonistes ont été changés ôtant une frontalité plus directe avec le sujet. La narration se révèle assez intense, la dramaturgie n’étant aucunement négligée. Le casting répond présent dans son ensemble. Les sentiments amoureux se mèlent à la politique, le film se place sur le terrain de l’anxiosité, du dilemme.


Le Prophète (The Prophet) de Roger Allers

 

 

 

 

 

 

À partir de 10 ans
Etats-Unis / Canada / Liban / Qatar, 2015, 1:24, animation
Almitra est une petite fille qui a cessé de parler suite à la mort de son père. Lorsqu’elle rencontre Mustafa, un prisonnier politique et libre penseur, elle se lie d’amitié avec lui… Une multitude de dessinateurs
comme Tomm Moore, ou Joann Sfar illustre chaque poème du chef-d’oeuvre du poète libanais Khalil Gibran et font de cette adaptation
un voyage au pays de la sagesse.
8/2. 15:00. Triskel
10/2. 14:00. Gaumont
12/2. 13:45. Gaumont
14/2. 14:00. Cinéville

Notre avis: ***

Un joli hommage rendu par le couple Salma Hayek Pinault au poète libanais Ghalil Gibran, auteur de l’un des livres les plus connus qui soit dans le monde oriental (Le prophète). La pensée du poète philosophe se voit offert un très bel écrin, que ce soit le dessin animé principal, les illustrations proposées par différents artistes (dont Joan Sfarr) et l’ambiance sonore et musicale. Une très sympathique production.


Headbang lulLaby de Hicham Lasri

En présence de Hicham Lasri
Maroc, France, 2017, 1h46, vostf – Avec Aziz Hattab, El Jirari Benaissa, Latefa Ahrrare
Casablanca, 11 juin 1986, un jour de Coupe du Monde. Après une énième bavure, un flic aigri est envoyé par ses supérieurs mécontents passer une journée sur un pont entre deux quartiers
en guerre afin de protéger le passage hypothétique du cortège Royal.

14/2. 20:45. Ciné-TNB

Notre avis: –

Prétentieux et vain. En attendant Godot signait la marque d’un renouveau au théâtre, portait une réflexion aussi rare qu’intense. Hicham Lasri ne s’en cache pas, son Headbang LulLaby s’en inspire: un flic au bord d’un pont attend avec tous les habitants de deux villages le passage du roi. On pense un instant que le film va décoller, porter un message poétique, on espère que du rien, du laid (les plans vides -il aime filmer les nuages confiera-t-il -, les mouvements de caméra de mauvais goût sont aussi improbables que cache misère) naîtra le beau. On ose espérer des instants magiques, que le lieu burlesque nous livre des instants mad-maxiens ou caraxiens. Niet, nada, juste un somnifère. On attendait vraiment autre chose d’un film présenté à la Berlinale.