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#Lumiere2021: Notre journal critique

Nous vous proposons un journal critique du Festival Lumière 2021 qui se tient du 9 au 17 Ocotbre à Lyon.

L’échelle de notation qui est appliquée est la suivante:

–       très mauvais film
*         film passable
**       bon film
***     très bon film
****   excellent film
***** chef d’œuvre


Jane Campion: Prix Lumière 2021

Bright Star de Jane Campion, États-Unis, Royaume-Uni, Australie, France , 2009

Le film retrace les dernières années de la vie du poète anglais John Keats, depuis sa rencontre en 1818 à Hampstead, avec sa voisine Fanny Brawne dont il tombe amoureux, jusqu’à sa mort de la tuberculose à Rome le 24 février 1821.

Notre avis: *****

In the cut de Jane Campion, États-Unis, Royaume-Uni, Australie, France , 2003

Professeur de lettres, Frannie (Meg Ryan) vit seule à New York. Un soir, dans un bar, elle est le témoin d’une scène intime entre un homme et une femme. Fascinée par l’intensité de leur passion, elle remarque le tatouage de l’homme et la chaleur de son regard. Le lendemain, elle apprend qu’un meurtre a été commis tout près de chez elle. Malloy (Mark Ruffalo), le policier chargé de l’enquête, a le sentiment qu’elle sait quelque chose. Frannie se sent attirée par l’inconnu, mais son attitude l’effraie tout autant que le tatouage sur son poignet. Le doute s’insinue en elle…

Notre avis: **

Un thriller noir, sanglant, et sur fond de romance érotique. On retrouve une Meg Ryan utilisée de façon radicalement opposée aux comédies romantiques qui dix ans auparavent faisait d’elle une star incontestée du box office (Quand Harry rencontre Sally, …). A ses côtés, Mark Ruffalo endosse la cape du détective trouble, qui brouille les pistes, mais aussi Jennifer Jason Leigh en demi-sœur trashy de l’intellectuelle professeure. On pourrait croire le film réalisé par De Palma, Fincher ou Alan Parker, tant l’équilibre entre l’apport personnel de Jane Campion (le point de vue féminin par moment, la façon de filmer des détails, la romance désenchantée, et le rapport aux fantasmes) et le film de genre penche clairement du côté du second, à en rendre le film, au final, plutôt ordinaire, même si la suspense reste plutôt entier, le scénario prenant soin de glisser quelques fausses pistes peu signifiantes, de les développer un peu, pour mieux tromper son monde.


Histoire permanente des femmes cinéastes Kinuyo Tanaka

La Nuit des femmes de Kinuyo Tanaka , Japon , 1961

Japon, fin des années 50. Alors que la loi antiprostitution vient d’être votée, des centres accueillent désormais les femmes jugées aptes à se réinsérer dans la société. Au centre de Shiragiku, Kuniko (Chisako Hara), une ancienne prostituée épaulée par Madame Nogami (Chikage Awashima), la directrice, commence un nouveau travail au sein d’une épicerie.

Notre avis : ***
Nous avons pu découvrir le cinéma de Tanaka dans une des rétrospectives principales du festival Lumière. Ici, dans son avant-dernier long-métrage, la cinéaste expose le regard de la société japonaise sur ses prostituées. Dans un mélange de comédie à la sororité bienveillante et de film suffoquant aux regards désapprobateurs des pairs pour les siennes, Tanaka s’essaye ici dans un film en plusieurs actes à filmer un panel d’émotions et de réactions diverses. Si le choix des personnages pèche par le trop grand côté manichéen, la réflexion globale sur la réintégration et la vivacité des actrices font de ce long-métrage un film appréciable à (re)découvrir.

Le lis de mer de Jacqueline Audry , Italie, France , 1970

Vanina (Carole André), orpheline italienne, a été élevée par son oncle, le comte Marino Mari, qui vit dans un palais de Bergame. Dans son pensionnat de Lausanne, elle devient très amie avec Juliette (Kiki Caron) et obtient l’accord de son oncle pour partir quelques jours en vacances en Sardaigne. Dans un village de pêcheurs, Vanina fait la connaissance d’un jeune étudiant florentin (Angelo Infanti) …

Notre avis : ***(*)

Nous avons découvert un film de Jacqueline Audry pour la première fois au festival Lumière, une cinéaste hélas peu connue alors que sa carrière cinématographique, composée de 18 long-métrages entre 1946 et 1973, mérite qu’on s’y intéresse. Réalisatrice de plusieurs adaptations littéraires (des œuvres de la Comtesse de Ségur, de Collette, Jean-Paul Sartre, Victor Marguerite, et de sa sœur Colette Audrey), assistante pour de grands cinéastes tels que Pabst, Max Ophuls, Jean Delannoy ou George Lacombe, elle fut la première réalisatrice à faire partie du jury du festival de Cannes (en 1963).

Dans Le lis de mer (adapté du roman d’André Pieyre de Mandiargues), son avant-dernier film, présenté à Lyon en version restaurée, elle propose un road-movie aux accents 1970’s, doux et poétique, féminin par excellence et agréable à regarder. Le voyage libérateur et aventurier de deux jeunes filles en Sardaigne lui permet de mélanger un poème d’amour délicat et symbolique, des allers-retours surprenants dans le temps et dans l’espace, de magnifiques paysages naturelles, un air joyeux de « vacances », et une identité féminine qui s’affirme.


L’amérique de Sydney Pollack

Jeremiah Johnson de Sydney Pollack , États-Unis , 1972

XIXe siècle. Lassé de la civilisation, Jeremiah Johnson (Robert Redford), ancien soldat, décide de tout quitter et de vivre en solitaire dans les Rocky Mountains. Mal préparé, il survit difficilement, jusqu’au jour où un vieux chasseur lui enseigne la vie de trappeur et les coutumes des Indiens. Peu à peu, il trouve sa place, pour bientôt devenir une légende.

Notre avis: **(*)

Un film qui s’inscrit dans la tradition des western américains mais qui tend à en donner une vision très personnelle. D’une part, le colon n’est pas représenté sous sa forme usuelle, Pollack et Redford recentre le récit sur un personnage dont les motivations restent vagues et mystérieuses, et qui avance de façon assez certaine vers le danger, si ce n’est la mort. D’autre part, le regard porté sur les indiens est plus renseigné, plus fidèle, et nous sommes très loin des gentils cowboys et des méchants indiens, une complexité toute humaine s’insère. Le film reste très viril et masculinisant mais il s’en dégage une quête mystique et il préfigurait, d’autres films qui s’intéresseraient à des personnages qui se lancent dans des quêtes aux issues très incertaines (de Aguirre à The revenant en passant par Into the wild)


Gilles Grangier: Du cinéma populaire

Le désordre et la nuit de Gilles Grangier , France , 1958

L’Œuf est la boîte à la mode des Champs-Élysées. Son propriétaire, Albert Simoni (Roger Hanin), vient d’être tué dans une allée du bois de Boulogne. L’enquête est confiée à l’inspecteur Vallois (Jean Gabin) de la Brigade mondaine. Première piste : Lucky (Nadja Tiller), la maîtresse de Simoni, une jeune Allemande, dont le charme séduit immédiatement Vallois. Mais qui est Lucky ? Comment vit-elle ? Qui paie sa luxueuse chambre de l’Hôtel George V ? Et quel lien l’unit à l’élégante pharmacienne Thérèse Marken (Danielle Darrieux) ?

Notre avis: ***
Pour la première fois dans l’histoire du cinéma français, Grangier aborde dans Le désordre et la nuit le thème des dérives de la drogue et de l’addiction. Déprécié à son époque et vu comme un cinéaste populaire, ce film ci contraste d’avec les polars bien connus du réalisateur. Avant tout un film d’humeur, la caméra de Grangier filme avec réalisme et un aspect quasiment sociologique les scènes de night-club parisien. De longs travellings dans le Paris nocturne témoignent aujourd’hui d’une époque disparue. Les dialogues mordants d’Audiard sont alternés de longs silences, avec un Gabin tendre comme il fut rarement filmé.


Les invités du Festival: Bulle Ogier, Paolo Sorrentino, Philippe Sarde Nan Goldin, Edgar Morin, Edouard Baer, Maggie Gyllenhaal, Jean Antonio Bayona, Marco Bellochio, Rebecca Hall

La Main de Dieu -È stata la mano di Dio de Paolo Sorrentino , Italie , 2021

Naples dans les années 80. Fabietto Schisa (Filippo Scotti), adolescent mal dans sa peau, vit avec sa famille excentrique et haute en couleurs. Mais son quotidien est soudain bouleversé lorsque Diego Maradona, légende planétaire du football, débarque à Naples et le sauve miraculeusement d’un terrible accident. Cette rencontre inattendue avec la star du ballon rond sera déterminante pour l’avenir du jeune homme.

Notre avis: *(*)

Paolo Sorrentino nous parle d’un sujet particulièrement sensible et intime pour lui, son enfance à Naples, et il se sert de quelques artifices pour essayer de raconter ce que probablement il ne raconte que très peu, probablement parce qu’il ne parvient lui même pas à mettre les mots sur le traumatisme qu’il a vécu. Alors, comme il le dit lui même il a cherché non pas à résoudre le problème mais à le mettre derrière lui, à avancer, plutôt que de faire une analyse, en faire un film qui dit les choses, sous une forme qui ne manque pas de résistance, de mécanismes de défenses. Ainsi Sorrentino fait-il le choix de convier des figures felliniennes, mais aussi de rendre compte de sa propre histoire à la manière de Malena de Tornatore, notamment en n’évitant pas la vulgarité. Le tout ne fonctionne que par instants, hélàs, car Sorrentino fait le choix de nous écarter de son alter-ego, tout d’abord en ne le nommant pas Paolo, ensuite, en le mettant volontairement en retrait, au milieu d’une famille très italienne. La forme ne sert pas nécessairement pas le fond, qui se réduit aux faits: d’un côté Maradona arrive à Naples et fait naître un espoir, de l’autre un drame va tout changer dans l’existence de ce jeune garçon qui perdra son innocence.

Il Divo de Paolo Sorrentino , Italie, France , 2008

Au début des années 90 en Italie, Giulio Andreotti (Toni Servillo), au pouvoir depuis quatre décennies, avance inexorablement vers son septième mandat de président du Conseil. Un pouvoir comme il l’aime, figé et immuable. Où tout – les batailles électorales, les attentats terroristes, les accusations infamantes – glisse sur lui au fil des ans sans laisser de trace. Jusqu’à ce que le contre-pouvoir le plus fort du pays, la Mafia, décide de lui déclarer la guerre…

Notre avis: ***
Un film qui traverse le contexte italien des années 90′ à travers le parcours politique de Giulio Andreotti. Dans un jeu d’ombre et de lumière, un rythme alternant les moments contemplatifs et effrénés, des travellings aux arrêts sur image, des ralentis aux musiques dynamiques; l’esthétisme des films de Sorrentino n’est plus à démontrer. L’opéra rock brouille les pistes, multiplie les preuves et éléments perdant peu à peu le spectateur ; de la culpabilité d’Andreotti nous ne saurons que peu de choses, mais c’est le système entier qui est dénoncé ici, contrastant avec la solitude des hommes dans ce qu’ils ont d’individuel. Une ressortie évènement appréciable, dans une copie 35mm en présence du réalisateur.

Céline et Julie vont en bateau, de Jacques Rivette, France , 1974

Julie (Dominique Labourier) est une bibliothécaire à la vie rangée, sans histoire ni surprise. Laissant tomber trois objets devant Julie, assise dans un square, Céline (Juliet Berto), entre personnage magique et prestidigitatrice, l’entraîne — telle Alice — dans un monde d’aventures.

Notre avis: ****

La salamandre d’Alain Tanner , Suisse , 1971

Avant d’aller se planter dans le mur, la balle a traversé l’épaule de l’oncle de Rosemonde (Bulle Ogier), sans qu’on puisse déterminer s’il s’agit vraiment d’un accident. Non-lieu, a décidé la justice : Rosemonde est alors libre. Pierre (Jean-Luc Bideau), un reporter, et Paul (Jacques Denis), un romancier, vont essayer de faire mieux pour les besoins du scénario d’un feuilleton TV. Ils travailleront séparément. Dans le récit de Paul, Rosemonde devient Héliodore et l’accident une tentative de meurtre.

Notre avis : *****

Quel plaisir de voir(ou revoir) ce chef-d’œuvre inédit d’Alain Tanner! Héritier direct de la Nouvelle Vague et grande source d’inspiration pour Jim Jarmusch, La Salamandre a marqué plusieurs générations de cinéphiles. Avec son humour noir drôle du début à la fin, Bulle Ogier ravissante qui mène le film où elle veut, ses images inoubliables en noir et blanc, l’ étude sociologique sous-jacente qui pose des questions profondes sur les rapports humains, La Salamandre nous semble – encore aujourd’hui – une œuvre différente et décalée, hors genre (comédie? essai philosophique? mise-en-abime journalistique?). Un film d’apparence engagé (ou désengagé ?) qui se développe d’une façon totalement improbable, qui parle de gens habituellement invisibles, et qui ne ressemble à aucun autre film que vous aurez pu voir … Sublime.

Jonas, qui aura 25 ans dans l’an 2000 d’Alain Tanner, 1976

À Genève, en 1975, on attend Jonas, quatrième enfant de Mathieu Vernier (Rufus), typographe au chômage, et de son épouse Mathilde (Myriam Boyer), ouvrière en usine. Le couple croise six autres « prophètes », déçus, comme eux, par l’après-mai 1968. Pourtant, tous rêvent d’un monde meilleur pour Jonas, qui porte tous leurs espoirs et qui, naissant à la fin du film, aura 25 ans en l’an 2000.

Notre avis : **(*)

Maîtresse de Barbet Schroeder , France , 1976

Olivier (Gérard Depardieu), jeune provincial sans travail, débarque à Paris et rejoint Mario (André Rouyer), un individu louche qui l’embauche pour vendre des livres d’art au porte-à-porte. Ils font ainsi la connaissance d’Ariane (Bulle Ogier), une jeune femme habitant au cinquième étage d’un vieil immeuble. Apprenant que l’appartement du dessous est inoccupé, les deux hommes reviennent pour le cambrioler. Ils sont alors surpris par Ariane, étrangement vêtue : tenue de cuir, cape noire, gants, bottes, perruque…

Notre avis : ****

Le saut dans le vide de Marco Bellocchio , Italie, France , 1980

Le juge Mauro Ponticelli (Michel Piccoli) vit dans un appartement romain avec sa sœur Marta (Anouk Aimée). Tous deux sont célibataires et liés par un rapport morbide, qui cependant n’est jamais allé jusqu’à l’inceste. Depuis toujours, Marta a joué le rôle ambigu de patronne et servante, se dévouant corps et âme à son frère. Toujours vierge au seuil de la ménopause, elle a l’impression d’avoir gâché sa vie. Leurs souvenirs et leurs cauchemars sont ceux d’une enfance difficile avec un autre frère fou. Mauro craint que Marta ne devienne folle à son tour et voudrait s’en libérer.

Notre avis : **(*)

Chronique d’un été de Jean Rouch, Edgar Morin , France , 1961

Paris, été 1960. Jean Rouch et Edgar Morin interviewent des Parisiens sur la façon dont ils se débrouillent avec la vie. Première question : « Êtes-vous heureux ? » Les thèmes abordés sont variés : l’amour, le travail, les loisirs, la culture, le racisme…

Notre avis : ****
Une expérience sociologique sous forme cinématographique réalisée par Jean Rouch et Edgar Morin à travers un micro-trottoir dans les rues parisiennes et des entretiens exploratoires plus approfondis. Imaginez les dialogues mordants des archives d’INA dont nous aimons revoir les extraits, le tout sur la durée d’un film. A cela s’ajoute la captation des angoisses et des tristesses de toute une époque, dans une critique du système ouvrier et capitaliste plus large. Le film aborde aussi la question du post-colonialisme, du racisme et du retour des camps. A sa sortie, la question de la sincérité de ces interviews filmés s’est posée, ce à quoi a répondu Jean Rouch ; « le cinéma-vérité est un ensemble de mensonges et ces mensonges, par un hasard singulier, forment une plus belle vérité ». A travers cette mise en scène particulière de la vie quotidienne pour reprendre les termes de Goffman, c’est une génération entière que donnent à voir les deux chercheurs à un moment donné, celui de l’été 1960.


Avant-premières

Clair-obscur de Rebecca Hall , États-Unis , 2021

En 1929, à New York, deux femmes noires, Irene Redfield (Tessa Thompson) et Clare Kendry (Ruth Negga), sont suffisamment claires de peau pour pouvoir se faire passer pour blanches. Mais elles choisissent chacune de vivre de part et d’autre de la « frontière » raciale….

Notre avis : **(*)

Marx peut attendre de Marco Bellocchio , Italie , 2021

Une réunion des Bellocchio, à Plaisance (Émilie-Romagne), berceau de la famille. Si Marco Bellocchio a réuni les siens, c’est pour les interroger, enfin, sur son frère jumeau, Camillo qui s’est suicidé en 1968, à l’âge de 29 ans.

Notre avis : **(*)
Ceux qui connaissent le cinéma de Bellocchio apprécieront ce film documentaire qui, par un montage judicieux, éclaire l’œuvre du cinéaste en alternant témoignages familiaux et séquences de ses films s’en étant inspirées. Ni trop intimiste, ni trop distant, Bellocchio filme le cheminement du deuil, l’incompréhension face à la douleur et la culpabilité de cette famille qui n’a pas su voir à temps le mal-être d’un des leurs. Si au départ le film revête au plus fort son caractère autobiographique, pouvant restreindre le public touché, les témoignages d’un psychanalyste et d’un prêtre permettent à ce documentaire de porter un message plus universel ; les témoignages sont à la fois une manière de laisser une trace de ce drame dans la famille italienne, mais aussi une manière d’alerter tout un chacun sur ce risque et sur les manières dont peuvent être pris en charge la détresse psychologique. Bien que comportant certaines longueurs, là où l’exercice aurait pu être périlleux, Bellocchio nous livre ici un joli « film-testament ».

Adieu Paris de Édouard Baer , France , 2021

Un vieux bistro parisien au charme éternel. Huit messieurs à table, huit grandes figures. Ils étaient les « rois de Paris »… Des trésors nationaux, des chefs-d’oeuvre en péril. Un rituel bien rodé… Un sens de l’humour et de l’autodérision intacts. De la tendresse et de la cruauté. Huit vieux amis qui se détestent et qui s’aiment. Et soudain un intrus…

Notre avis : ***
Avec François Damiens et Benoît Poelvoorde en tête d’affiche, mais aussi et surtout la présence de Bernard Le Coq, Daniel Prévost, Pierre Arditi, Bernard Murat, Jackie Berroyer, Jean-François Stévenin, Gérard Depardieu : le casting du dernier film d’Edouard Baer peut impressionner. Les anciens « rois de Paris », grandes figures vieillissantes du monde intellectuel et artistique de la capitale, se retrouvent dans un restaurant privatisé pour l’occasion de l’annuel procès de Yoshi. Avec humour et tendresse, Edouard Baer arrive à rendre compte du temps qui passe, des liens qui se délient et de l’amitié qui s’érode. Si le 3ème film d’Edouard Baer Ouvert la nuit parle de théâtre, c’est ici les codes théâtraux eux-mêmes que reprend le réalisateur ; dans une unité de temps et de lieu, le décor -quasiment- en huit clos de la salle de restaurant, aux lumières tamisées et aux aspects art déco, plonge le spectateur dans une ambiance intimiste où les jouxtes verbales viennent donner un rythme tantôt drôle, tantôt blessant. Une tragi-comédie qui n’est pas sans rappeler Le Prénom de La Patellière et Delaporte. Un film rafraîchissant et honnête qui, sans énormes moyens et tourné sur un temps très court -quelques semaines- réussit son but ; nous faire rire et nous émouvoir en rendant hommage à ces grands acteurs du cinéma français.

Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier , Norvège , 2021

Julie (Renate Reinsve) a presque 30 ans et vit avec Aksel (Anders Danielsen Lie), plus âgé qu’elle. Ils partagent à Oslo un appartement encombré de nombreux livres et la plupart de leurs amis sont devenus parents. Cependant, les livres et les amis sont surtout ceux d’Aksel, et Julie a du mal à trouver un sens à sa vie – elle n’est pas prête à avoir des enfants. Dans une fête, elle rencontre le jeune et énergique Eivind (Herbert Nordrum), et ne peut oublier cette soirée.  Que signifie l’expression « rester fidèle », et à partir de quel moment considère-t-on que l’on trompe l’autre ?

Notre avis : *****
Pour conclure la trilogie d’Oslo (Nouvelle Donne, Oslo 31 aôut) Joachim Trier adopte ici un point de vue féminin et Anders Danielsen Lie, son Antoine Doinel à lui comme l’indique le réalisateur sans prétention aucune occupe ici un second rôle. Renate Reinsve, prix d’interprétation féminine de Cannes 2021 est lumineuse dans ce rôle fait sur-mesure ; le film ayant été écrit pour elle à la suite d’une brève apparition dans Oslo 31 août. En alternant plans larges et très serrés, Joachim Trier nous présente d’une manière presque contemplative sa ville natale, Oslo, arrivant à capter ses lumières et son atmosphère, tout en se focalisant sur ses personnages dans ce qu’ils ont de plus secret et intime. Le découpage en chapitres permet des ellipses intelligentes et de créer un rythme dynamique sans tomber dans la comédie romantique « facile ». Dans ce dernier opus de la trilogie, le réalisateur arrive de manière encore plus construite à témoigner des évolutions psychologiques de ces personnages, en les rendant si réalistes et complexes que tout un chacun puisse s’identifier. Une ode à l’indépendance féminine et à la construction de soi bouleversante.


Ciné-concerts

Villa Falconieri de Richard Oswald, Giulio Antamoro , Allemagne, Italie , 1928

Le jeune comte Cola Graf Campana (Hans Stüwe) décide de louer la villa Falconieri, située dans la province de Rome, afin de se rapprocher de la princesse Sora (Eve Gray) dont il est amoureux. Mais sur place, il rencontre la belle Maria Mariano (Maria Jacobini) et son brutal mari Vittorio (Clifford McLaglen)…

Notre avis : **

Un des derniers films muets italien, Villa Falconieri est souvent vu comme film de transition. L’oeuvre dresse une palette de la condition humaine à travers trois types de femmes aux moeurs et émotions différentes. En choisissant de construire une tragédie en 5 actes, ce décor théâtral préfigure une valse entre les différents personnages, qui se lient et délient au rythme des actes. Une vision profondément romantique dans une mise en scène aux plans rapprochés. Le film dans un joli noir et blanc synthétise un bon nombre des codes du cinéma muet et est graphiquement appréciable. En ce qui concerne la trame narrative, encore faut-il aimer le théâtre classique.


Hommage à Bertrand Tavernier


Célébrations

Le Sud de Fernando Solanas , Argentine, France , 1988

1983, fin de la dictature militaire en Argentine. Floreal (Miguel Ángel Solá) sort de prison après cinq ans d’incarcération. Cinq ans à attendre de retrouver les siens. Mais en cinq ans, le pays a changé et les siens aussi.

Notre avis : **(*)
Grand cinéaste et homme politique, Fernando Solanas dresse le contexte socio-politique argentin à travers son cinéma qualifié de révolutionnaire. Dans Le Sud, l’image est utilisée comme témoin du temps passé et les cadrages superposent images du passé et les lieux dépeuplés du présent. Dans une teinte froide, emplie de brumes et de couleurs bleutées, le protagoniste revient dans sa ville après cinq ans d’emprisonnement; sa déambulation dans les rues lui permet de prendre connaissance du temps écoulé. Deux superpositions sont à l’œuvre dans ce long-métrage puisque l’histoire se partage entre le quotidien de ceux qui restent -sa femme- et ceux qui se sont trouvés enfermés. Une manière originale de raconter l’histoire d’un pays à travers l’histoire personnelle d’un couple. Esthétiquement le film de Solanas est d’une beauté et d’une maîtrise totale, mais le découpage en chapitre et la focalisation sur l’histoire d’amour du protagoniste ne permettent pas de saisir le contexte politique dans ses profondeurs, contexte pourtant indiqué comme élément majeur du film.


Ressorties évènements

L’amour en fuite de François Truffaut , France , 1979

Divorcé de Christine (Claude Jade), Antoine Doinel (Jean-Pierre Léaud) garde des relations amicales avec son ex-épouse et vient de publier son premier roman : Les Salades de l’amour. Il vit alors avec Sabine (Dorothée), une disquaire, mais rencontre par hasard son premier amour, Colette (Marie-France Pisier), qui vient de lire son roman.

Notre avis : **(*)


Grands classiques du noir & blanc

Huit et demi de Federico Fellini , Italie/France , 1963

Guido Anselmi (Marcello Mastroianni), réalisateur, ne parvient pas à terminer son film. Dans la station thermale où il s’est isolé, son épouse Louisa (Anouk Aimée), sa maîtresse Carla (Sandra Milo), ses amis, ses acteurs, ses collaborateurs et son producteur viennent lui rendre visite, pour qu’enfin soit réalisé le film sur lequel il doit travailler. Il se réfugie dans de longs rêves dans lesquels il rencontre notamment son père et sa mère morts ou la belle Claudia (Claudia Cardinale)…

Notre avis : ****

Él – Tourments de Luis Buñuel , Mexique , 1953

Riche propriétaire foncier et catholique fervent, Francesco (Arturo de Córdova) rencontre Gloria (Delia Garcés) lors d’une cérémonie religieuse. Il en tombe aussitôt amoureux. Bien que Gloria soit déjà fiancée à Raul, Francesco réussit à les séparer et à épouser la jeune femme. Mais le marié se révèle d’une jalousie maladive.

Notre avis : **

Un chien andalou de Luis Buñuel , France , 1929 – suivi de Le Sang des Bêtes de de Georges Franju , France , 1949

Deux cadavres d’ânes en putréfaction sur deux pianos. Des fourmis pullulant dans le creux d’une main. Un cycliste tombant dans la rue. Des séminaristes ligotés. Un couple mort, enlisé jusqu’à la taille. Un nuage devant la lune. Un œil tranché.

Notre avis : ****


Sublimes moments du muet

Casanova de Alexandre Volkoff , France , 1927

Casanova (Ivan Mosjoukine) mène grand train dans la cité des Doges. Débauché choyé par les femmes, poursuivi par ses créanciers, il finit par s’attirer la foudre des maris qui conspirent auprès du Conseil des Dix pour le faire arrêter et condamner. Casanova choisit la fuite, et gagne la Russie via l’Autriche. Il s’introduit à la cour du tsar Paul III sous l’identité d’un modiste français, devient un familier de la Grande Catherine (Suzanne Bianchetti) et assiste à sa prise de pouvoir contre son époux. Mais son démon des femmes entraîne sa disgrâce auprès de la nouvelle tsarine…

Notre avis: ***(*)

Les trois mousquetaires de Fred Niblo , États-Unis , 1921

Gascon désargenté, d’Artagnan (Douglas Fairbanks), 18 ans, débarque à Paris pour devenir mousquetaire. Il se lie d’amitié avec Athos (Léon Bary), Porthos (George Siegmann) et Aramis (Eugene Pallette), mousquetaires de Louis XIII (Adolphe Menjou). Ces quatre hommes vont s’opposer au Premier ministre, le cardinal de Richelieu (Nigel De Brulier) et à ses agents, pour sauver l’honneur de la reine, Anne d’Autriche (Mary MacLaren).

Notre avis : *****

Judex de Louis Feuillade , France , 1917

Un mystérieux justicier, Judex (René Cresté), entre en lutte contre le banquier Favraux (Louis Leubas) qui a édifié sa fortune en usant de méthodes indignes. Judex enlève l’escroc et l’enferme dans les caves de son repaire. Mais ses plans sont contrariés par une aventurière, Diana (Musidora)…

Notre avis : *****


Grandes projections


Documentaires sur le cinéma


Nuit Jurassic


Séance Familiale


Lumière Classics

Les bas-fonds de Jean Renoir , France , 1936

Un baron (Louis Jouvet) surprend chez lui le cambrioleur Pépel (Jean Gabin). Contre toute attente, les deux hommes sympathisent et Pépel entraîne le baron, qui finira par dilapider sa fortune, dans son repaire, bouge infâme où règne le sordide receleur Kostileff (Vladimir Sokoloff).

Notre avis 1: ***

Notre avis 2: *

Jean Renoir adapte Gorki. Certes le tout est plutôt bien ficelé, voire intéressant, certes Gabin et Jouvet crève l’écran et leur duo fonctionne, mais Renoir manque deux point importants: rentre compte du caractère très russe de cette histoire (Gabin et Jouvet sonnent trop frenchy), même si la transposition universelle peut faire sens – mais dans ce cas, rien ne sert d’évoquer les roubles et autres kopecks, d’autre part, le film, comme très souvent dans le cinéma d’avant guerre, s’évertue à raconter une histoire d’un point A à un point B, et même si le chemin entre les deux comprend des points d’intérêts manifestes, ces derniers sont trop balisés et le spectateur qui recherche l’évasion, la surprise se sent un peu sur une autoroute qui le mènera à bon port. Reste le regard, du rapprochement des classes, fort intéressant.

La Loi du Nord de Jacques Feyder , France , 1942

Robert Shaw (Pierre Richard-Willm), industriel new-yorkais, assassine l’amant de sa femme. Lors de son procès, il plaide la folie, aidé par ses amis, avocat et médecin. Grâce à sa secrétaire et maîtresse Jacqueline (Michèle Morgan), il s’enfuit de l’hôpital psychiatrique. Les amants gagnent le Canada et s’enfoncent dans les étendues désertiques du Grand Nord afin de fuir la police. Ils y rencontrent Louis Dumontier (Jacques Terrane), un trappeur auprès duquel Robert Shaw se fait passer pour un documentariste à la recherche d’un guide.

Notre avis :

Millenium Mambo de Hou Hsiao-Hsien , Taïwan, France , 2001

Vicky (Shu Qi) gère les relations publiques d’un night-club de Taipei. Elle partage sa vie et son appartement avec Hao-hao (Tuan Chun-hao), d’une jalousie obsessionnelle : il vérifie ses comptes, ses factures, les messages sur son portable, et même l’odeur de ses vêtements. Vicky s’accroche à l’idée qu’elle quittera Hao-hao lorsqu’elle aura vidé son compte en banque. En attendant, elle se réfugie parfois chez Jack (Jack Kao). Ils ne savent pas comment va évoluer leur relation : amitié plus durable ou liaison amoureuse ?

Notre avis : *****

Ce couple heureux de Juan Antonio Bardem, Luis García Berlanga J, Espagne , 1953

Madrid, 1950. Juan (Fernando Fernán Gómez) est machiniste dans le cinéma tandis que Carmen (Elvira Quintillá), son épouse, est couturière. Leurs revenus modestes ne leur permettent pas de vivre la vie dont ils rêvaient. Afin de sortir de cette situation, Carmen participe à de nombreux jeux publicitaires. Un jour, elle gagne le concours « Couple heureux », ce qui va leur permettre d’être invités à vivre la journée de leurs rêves.

Notre avis : ****
Un « feel-good movie » merveilleux, longtemps resté stocké sans être diffusé. Premier long-métrage de Bardem et Berlanga c’est la sortie et le succès de Bienvenue Mr Marshall qui permettra à Ce couple heureux d’être diffusé. Les deux réalisateurs dressent le portrait urbain des oubliés des grandes villes, essayant tant bien que mal de s’en sortir, en tissant des espoirs de grandes fortunes. Dans un humour ironique, à travers un registre comique, le film contient une critique acerbe du consumérisme. Des flashbacks maîtrisés, un montage dynamique, des acteurs convaincants; la restauration de ce premier film est un plaisir cinématographique.


Trésors & Curiosités

Sicilia ! de Danièle Huillet, Jean-Marie Straub , France, Suisse , 1999

Un Sicilien (Gianni Buscarino), émigré aux États-Unis depuis quinze ans, est de retour dans sa ville natale pour rendre visite à sa mère (Angela Nugara). Lorsqu’il  la retrouve, elle lui fait des révélations sur l’époque où il était enfant et sur sa propre vie amoureuse.

Notre avis:

Une affaire de coeur : la tragédie d’une employée des PTT de Dusan Makavejev , Yougoslavie , 1967

Alors que son compagnon Ahmed (Slobodan Aligrudic) est en voyage d’affaires, Izabela (Eva Ras), une téléphoniste, le trompe avec Mica (Miodrag Andric). Lorsque Ahmed revient, il trouve Izabela changée et, comprenant ce qu’il s’est passé durant son absence, s’attaque à elle. Parallèlement, la police enquête sur la noyade d’une jeune femme.

Notre avis: *

Un film étrange, politique par bien des aspects, légèrement provocant sans réellement l’être. La mise en place du film se fait tardive, les éléments exposés de manière assez énigmatique et minimaliste, confèrent rapidement une ambiance triste, voire désespérée. Nous savons très tôt dans le récit que la jeune femme d’apparence libre dont nous suivons les pas, a été retrouvée morte dans un puits. Le film retrace ses derniers jours et maintient un léger suspense quant aux circonstances, mais l’intention est ailleurs, dans une allégorie sociétale et politique, pas évidente à cerner. Réalisateur de la vague noire yougoslave, admiré par Michel Ciment en son temps, Dusan Makaveyev mérite d’être redécouvert nous dit Malavida qui coordonne la restauration et la réédition de ses films. Nous ne demandons qu’à les croire, peut être nous manquait-il les quelques clés pour mieux apprécier la force du propos politique.

La Fête et les invités de Jan Nemec , Tchécoslovaquie , 1966

Dans une ambiance euphorique, après un pique-nique champêtre, quelques   participants partent pour une fête. Sur un chemin forestier, ils sont arrêtés et soumis à un interrogatoire humiliant. Un homme, habillé de blanc, les sort de cette pénible situation : c’est leur hôte, qui les invite à prendre place à table, en pleine nature. Mais un invité s’enfuit, ce qui déclenche sa colère : une chasse à l’homme s’engage.

Notre avis : ***

Ah! Ca ira de Miklós Jancsó , Hongrie , 1969

1947, en Hongrie nouvellement socialiste. De jeunes étudiants issus d’un « collège populaire » débarquent dans un collège catholique, afin de convaincre les élèves de rallier leur mouvement. L’humeur joyeuse et le dialogue suscité dans un premier temps laissent maintenant place aux divisions. Les autorités communistes interviennent…

Notre avis : *(*)
Tourné pendant les évènements du Printemps de Prague, le film relate le mouvement des collèges et expose deux visages radicalement opposés de la révolution. Dans une ambiance colorée et lyrique, Jancsó pose la question des dérives autoritaires, de l’usage de la terreur et du rôle des jeunes en quête de sens dans la diffusion du marxisme. Si le message est intéressant, le film pêche par sa forme; de longs plans séquences (trop) contemplatifs, un montage sommaire, une répétition de chants… Le réalisateur aurait lui-même annoncé dans un entretien que ses films n’étaient accessibles qu’à peu de gens, preuve ici avec cette redécouverte mitigée.


Les grandes séances

Film d’ouverture – Le caméraman
de Buster Keaton et Edward Sedgwick , États-Unis , 1928, 1h16

Après avoir rencontré la belle Sally (Marceline Day), secrétaire dans une compagnie d’actualités cinématographiques, Luke Shannon (Buster Keaton) décide de devenir caméraman. Mais ses débuts sont catastrophiques. Poussé par Sally, l’apprenti caméraman ne se décourage pas et continue de tourner la manivelle dans l’espoir de filmer la séquence qui fera de lui un caméraman enfin respecté.

Notre avis: *****
Buster Keaton à son meilleur. Brillant film à plusieurs points de vue. Tout d’abord, le film marque par son regard, son intelligence. Il interroge tout à la fois, par une mise en abyme du plus bel effet, le métier de cinéaste, et celui de reporter. Il contient bien des années en avance tout ce qui fera le cinéma populaire plus tard: comédie romantique, anti-héros comique, scènes d’actions chorégraphiées. Techniquement le film comporte des scènes qui ont du demander une mise en scène très chorégraphiée, au millimètre prêt.
NB: Le film a été présenté dans une version ciné-concert avec Vincent Delerm au piano. On a reconnu sa musique. On aime, ou pas.