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#Berlinale 2021: Notre journal critique des autres compétitions

Afin de pouvoir suivre en direct nos impressions sur les films hors compétition officielle à la #Berlinale2021, outre nos réseaux sociaux twitter et facebook (et notre chaîne youtube sur laquelle nous relayons nos interviews ainsi que des captations des conférence de presse), nous vous proposons comme pour chaque édition un cahier critique.

L’échelle de notation qui y est appliquée est la suivante:

–         très mauvais film
*         film passable
**       bon film
***     très bon film
****   excellent film
***** chef d’oeuvre

Berlinale Special:

 

Best Sellers
Canada / Grande Bretagne
de Lina Roessler
avec Michael Caine, Aubrey Plaza
*Première mondiale / premier film

Harris Shaw tape toujours sur sa vieille machine à écrire, même s’il se plaît à crier dans son téléphone (à cadran rotatif) qu’il est mort depuis longtemps. Il tousse et jure, boit et fume, contrairement à Lucy Stanbridge, héritière de la maison d’édition qui a connu le succès il y a un demi-siècle avec le roman à succès de l’auteur, « L’automne atomique ». Alors que le vieux grincheux a tourné le dos à la vie, la jeune femme énergique fait son jogging dans l’Upper East Side de New York, recevant de son ambitieuse assistante des informations en direct sur les chiffres de vente (en baisse) et les blogs d’influenceurs (en pleine explosion). Une tournée de promotion du livre, avec le vieux garçon et son nouvel ouvrage, est censée sauver la maison d’édition. Mais le vieil homme est un vrai casse-pieds. Craché avec un accent britannique, son « bullshit ! » devient rapidement le hashtag d’une génération de hipsters américains.

NOTRE AVIS: pas diffusé


 

Courage
Allemagne
de Aliaksei Paluyan
avec Maryna Yakubovich, Pavel Haradnizky, Denis Tarasenka
*Première mondiale / documentaire / premier film

Il y a quinze ans, frustrés par le manque de tolérance du régime autoritaire, Maryna, Pavel et Denis ont quitté le théâtre d’État de Minsk pour se produire dans le tout nouveau Belarus Free Theater. La désobéissance civile comme impératif moral. Les répétitions se déroulent en secret et le metteur en scène est relié par Skype depuis l’exil. Les ressources sont rares et les sujets explosifs. À l’image des vies réelles prises entre la routine quotidienne et les activités clandestines, leur pièce actuelle porte sur les politiciens de l’opposition qui ont « disparu » et la perte de tout moyen d’existence. En d’autres termes, la vérité. Quiconque ose s’exprimer risque la répression, voire la mort. Ayant pris la décision consciente de « trahir l’art », comme il le dit lui-même, Denis a renoncé à jouer la comédie pour protéger sa famille. Mais, désormais, même ceux qui se contentent d’observer mettent tout en danger. Car observer, c’est savoir.
Depuis les élections présidentielles d’août 2020, des centaines de milliers de personnes refusent de détourner le regard. Ils protestent de manière non-violente et « fort en silence » pour un transfert pacifique du pouvoir en Biélorussie. Courage se penche sur ce maelström, en plaçant ces trois protagonistes en son centre. Bien que douloureux à regarder en raison de la manière dont il mesure calmement et patiemment la fragile marge de manœuvre de ce mouvement de masse, ce film nous aide également à comprendre pourquoi cette résistance est devenue une évidence pour tant de personnes. Et le courage, c’est ce dont a besoin quiconque veut survivre – et encore moins vivre ici.

NOTRE AVIS: *(*)

Aliaksei Paluyan débute Courage par l’exhumation de quelques photographies d’archives. Elles témoignent du fait que les manifestations en Biélorussie contre le pouvoir d’Alexandre Loukachenko. ne datent pas des évènements récents. C’est cependant exclusivement sur ces derniers que porte le développement de ce premier long-métrage.

Aliaksei Paluyan concentre sa narration autour de Maryna, Pavel et Denis captés dans leur quotidien. Celui d’acteurs de théâtre qui ont quitté le théâtre national pour intégrer une troupe de théâtre indépendante des organismes d’Etat. La liberté prise d’aborder des sujets politiques oblige à une quasi-clandestinité. La perception des évènements extérieurs s’effectue ainsi principalement en marge des manifestations. C’est dans la seconde moitié du métrage que les images montrées seront celles de séquences filmées au cœur des manifestations au sein d’une foule qui envahit les grandes artères de Minsk pour dénoncer et contester la réélection en août 2020 de Loukachenko.

L’intention de coller à l’actualité récente de la Biélorussie est louable mais Aliaksei Paluyan ne va guère au-delà de cette intention. Le documentariste donne l’impression de maintenir son regard, et donc celui de spectateurs, à distance des évènements pourtant forts qui se déroulent. Dans Maïdan en 2014, Sergey Loznitsa avait su parfaitement capter de pareils évènements à Kiev en Ukraine. Dans la Biélorussie voisine, Aliaksei Paluyan ne parvient pas à insuffler la nécessaire même intensité à Courage. [P.N.]


 

French Exit
Canada / Irlande
de Azazel Jacobs
avec Michelle Pfeiffer, Lucas Hedges, Valerie Mahaffey, Imogen Poots

Frances Price est une mondaine sans le sou de Manhattan. Elle avait planifié de mourir avant que son argent ne soit épuisé mais son but ne s’est pas concrétisé. Après avoir dilapidé son vaste héritage, elle encaisse le dernier de ses biens et décide de vivre anonymement dans un modeste appartement parisien.

NOTRE AVIS: pas vu


Je suis Karl
Allemagne/ République Tchèque
de Christian Schwochow
avec Luna Wedler, Jannis Niewöhner, Milan Peschel
*Première mondiale

À la suite d’un attentat terroriste, la survivante Maxi rejoint le séduisant étudiant Karl et devient membre d’un mouvement de jeunesse européen – qui ne vise rien de moins que la prise du pouvoir.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Language Lessons
USA
de Natalie Morales
avec Natalie Morales, Mark Duplass, Desean Terry
*Première mondiale / premier film

Le mari d’Adam souhaite le surprendre en prenant des cours d’espagnol. Après qu’une tragédie inattendue ait bouleversé sa vie, Adam décide de poursuivre les leçons et développe un lien fort avec son professeur d’espagnol, Cariño. Mais connaissez-vous vraiment quelqu’un juste parce que vous avez vécu un moment traumatisant avec lui ?

NOTRE AVIS: pas vu


 

Limbo
Hong Kong, Chine / People’s Republic of China
de Cheang Soi
avec Lam Ka Tung, Liu Cya, Lee Mason, Hiroyuki Ikeuchi
*Première mondiale

Le policier débutant Will Ren et son partenaire, le vétéran Cham Lau, poursuivent un meurtrier de femmes obsessionnel et particulièrement brutal. Pour attirer cet éventreur « fétichiste des mains », ils utilisent comme appât la criminelle Wong To, qui doit se racheter pour avoir causé un accident impliquant la famille de Cham. Mais cette jeune femme est à la fois imprévisible et insubordonnée. Entourée de violences de plus en plus folles et risquant de plus en plus d’être elle-même victime du tueur en série bestial, elle combat les traumatismes des bidonvilles par ses propres moyens. L’épreuve de force, qui dure très longtemps, est un véritable coup de poing : si vous ne frissonnez pas, vous allez hurler.

NOTRE AVIS: ***

Le schéma narratif de Limbo est certes connu mais pas convenu. L’histoire racontée est classique : un duo d’enquêteurs est lancé sur les traces d’un serial killer alors qu’une seconde victime est découverte, mutilée de la main gauche à l’identique de la première victime. Classiquement également, le duo d’enquêteurs fraîchement formé fait collaborer deux hommes (Lam Ka Tung et Liu Cya) aux méthodes et à l’expérience professionnelle différentes. La brutalité de l’un n’est pas innée mais acquise par… rage. Et, sans rien dévoiler du contenu du film, celui-ci ne pouvait se clore que sur un cri… de rage.

Soi Cheang ne révolutionne rien sur le fond au fil d’un scénario très bien rythmé et sans temps mort. Par contre, Limbo est animé de très belles qualités de réalisation. Dans le dédale (limbo) de ruelles étroites et encombrées sous une pluie battante, le film se pare d’une ambiance poisseuse et à la violence radicale. Le noir et blanc arty adopté par le cinéaste hongkongais surligne par ses revers graphiques la dramaturgie mise en œuvre et répond à la noirceur du métrage. La caméra souvent aérienne et sans cesse en mouvement observe, dans de longs plans séquences, quelques trajectoires sans nul doute longtemps étudiées et pensées. Durant près de deux heures menées tambour battant, Limbo saura rassasier les amateurs d’action et d’ambiances poisseuses. La violence parfois radicale reste maintenue en hors champ. Soi Cheang ne cède jamais à la démonstration ou à un esthétisme complaisant. [P.N.]


 

The Mauritanian
USA/Grande Bretagne
de Kevin Macdonald
avec Jodie Foster, Tahar Rahim, Shailene Woodley, Benedict Cumberbatch

L’histoire vraie de Mohamedou Ould Slahi, un Mauritanien que son pays a livré aux Etats-Unis alors en pleine paranoïa terroriste à la suite des attentats du 11 septembre 2001. L’homme a passé des années en prison sans inculpation ni jugement. Il a retrouvé la liberté en octobre 2016.

NOTRE AVIS: **

Un des films nommés en cette saison des prix aux États-Unis (Golden Globe notamment, avant les Oscars ?), The Mauritanian, s’appuie sur les formules maintes fois utilisées dans les thrillers politiques hollywoodiens, élaborés par de grands réalisateurs américains comme Oliver Stone – ou encore Alan Parker (dans Midnight Express par exemple).

Basé sur une histoire vraie, adapté des mémoires d’un ancien détenu au camp de Guantánamo, le film garde le suspense du début à la fin autour du destin de son personnage principal, Mohamedou, joué avec justesse par Tahar Rahim. Il essaye, en même temps, à l’aide d’une narration manichéenne et prévisible, de transmettre un message politique important, qui consiste à dénoncer les tortures physiques et psychologiques faites aux prisonniers innocents à Guantánamo.

A noter, par ailleurs, que nous avons plaisir à retrouver Jodie Foster – particulièrement convaincante – dans un rôle qui lui va parfaitement et pour lequel elle vient d’obtenir le Golden Globe de la meilleure actrice dans un second rôle.[SH]


 

Per Lucio (For Lucio)
Italie
de Pietro Marcello
*Première mondiale / documentaire

Il s’agit d’un hommage à un artiste dont les chansons ont raconté l’histoire de l’Italie à une époque de rapides changements sociaux et culturels. Grâce au témoignage de Tobia Righi, manager et ami du chanteur, et à une utilisation efficace et originale des archives, Pietro Marcello retrace la vie de Lucio Dalla, faisant de lui un projecteur à travers lequel Marcello éclaire un pays qui s’est relevé des ruines de la Seconde Guerre mondiale pour couper ses racines avec la culture paysanne et se diriger vers un avenir d’usines, de consommation et de production automobile de masse. Ni beau ni fringant comme les autres chanteurs de sa génération, Lucio Dalla incarne un modèle différent, plus proche des gens ordinaires. Car voici un artiste capable de transposer la poésie de Roversi, qui a fourni les paroles de certaines des plus belles chansons de Dalla, dans un arrangement musical qui parle à tous.

NOTRE AVIS:


 

Tides
Allemagne/ Suisse
de Tim Fehlbaum
avec Nora Arnezedar, Iain Glen, Sarah-Sofie Boussnina
*Première mondiale

Dans un avenir pas si lointain. Après qu’une catastrophe mondiale ait anéantie presque toute l’humanité, l’astronaute Blake est renvoyé sur Terre depuis la colonie spatiale Kepler et doit prendre une décision qui scellera le sort de la population sur les deux planètes.

NOTRE AVIS: **(*)

Deux encarts viennent découper la séquence liminaire de Tides montrant l’atterrissage mouvementé d’une mission spatiale de retour sur Terre après deux générations d’exil. Il y est question de changement climatique, de pandémies, de guerre sur la planète bleue. Une couleur absente de la colorimétrie du film.

En effet, les bords maritimes qui accueillent nos astronautes sont de prime abord déserts et inhabités. La vaste étendue boueuse constituée par la plage se confond avec un horizon aussi lointain que bouché et avec un ciel bas et chargé. L’ensemble forme un vaste camaïeu de gris et tel sera, sur le plan visuel, l’unique toile de fond proposée.

Sur le plan narratif, Tim Fehlbaum livre un film de type post-apocalypse empruntant par instants au genre survival. L’argument principal du récit concerne la fertilité d’un territoire en ruine et celle d’une population féminine décimée. Ce dernier aspect voisine avec celui traité par Alfonso Cuarón dans Les fils de l’homme. Si le processus est moins avancé dans Tides qu’il ne l’était dans l’opus de 2006 du réalisateur mexicain, il n’en est pas moins destructeur pour l’avenir de la planète Terre.

Cette notion de fertilité a orienté le réalisateur à conjuguer au féminin les combats de survie mis en images. Ce biais narratif charge le film d’un certain manichéisme.  La majorité du casting masculin se voit ainsi positionné du côté du mal. Ce déséquilibre de « genre » n’enlève cependant rien aux qualités formelles de Tides et aux notables efforts de mise en scène qui l’animent.

En définitive, Fehlbaum agit sous l’influence de Cuarón sans faire de Tides un film aussi viscéral que Les fils de l’homme. Reconnaissons au passage que le chef-d’œuvre emblématique de Cuarón est reconnu à juste titre comme film-modèle en la matière. [P.N.]


 

Tina
USA
de Dan Lindsay, T. J. Martin
avec Tina Turner, Angela Bassett, Oprah Winfrey, Katori Hall
*Première mondiale / documentaire

Depuis ses débuts en tant que reine du R&B jusqu’à ses tournées record à guichets fermés dans les arénas dans les années 1980, Tina Turner tire le rideau pour nous inviter dans son monde privé comme elle ne l’a jamais fait auparavant. En révélant ses luttes les plus intimes et en partageant certains de ses moments les plus personnels, Tina est le témoignage déterminant et inspirant de l’une des plus grandes survivantes de la musique moderne.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Wer wir waren (Who We Were)
Allemagne
de Marc Bauder
avec Alexander Gerst, Sylvia Erle, Dennis Snower, Matthieu Ricard
*Première mondiale / documentaire

Le film suit six penseurs et scientiques qui examinent l’état du monde actuel et s’interrogent sur ce que penserons de nous les générations futures.

NOTRE AVIS: pas vu


Encounters:

 

As I Want
Egypte / France / Norvège / Palestine
de Samaher Alqadi
*Première mondiale / documentaire / premier film

Le Caire, le 25 janvier 2013. Une série d’agressions sexuelles graves a lieu sur la place Tahrir le jour du deuxième anniversaire de la révolution. En réaction, une foule immense de femmes enragées déferle dans les rues. Samaher Alqadi se joint à elles, emportant son appareil photo pour se protéger mais aussi pour documenter les protestations d’une rébellion féminine naissante. Elle n’a aucune idée de la tournure que prendra son histoire. Le tournage de Samaher coïncide avec sa grossesse, ce qui l’amène à réfléchir à son enfance en Palestine et à ce que cela signifie d’être une femme et une mère. Elle entame une conversation imaginaire avec sa propre mère, qui meurt avant qu’elle puisse la voir une dernière fois. Dans un dialogue intérieur intime qui nous guide tout au long du récit, Samaher commence à formuler les mots qui ne sont pas dits et à partager ses secrets les plus profonds.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Azor
Suisse / France / Argentine
de Andreas Fontana
avec Fabrizio Rongione, Stéphanie Cléau
*Première mondiale / premier film

Le banquier privé suisse Yvan De Wiel se rend avec sa femme Inés à Buenos Aires en pleine dictature militaire. Il est à la recherche de son associé René Keys, chargé d’entretenir des relations avec de riches clients argentins et qui a mystérieusement disparu. De Wiel rencontre une société décadente de propriétaires terriens, de nouveaux riches, d’héritières, d’aristocrates, de fonctionnaires de l’armée, de fixeurs et de prélats, tous complices du régime mais soucieux de profiter de la collusion hypocrite entre le système bancaire suisse et la diplomatie pour cacher leurs capitaux à l’étranger. Alors qu’il passe de réceptions exclusives à des cercles privés et à des hôtels de luxe, tandis que des soldats arrêtent des passants dans les rues, le discret De Wiel doit apprendre à interpréter et à parler le langage allusif d’un pouvoir plus grand et plus sombre afin d’assumer le rôle de plus en plus flou de son prédécesseur.

NOTRE AVIS: ***(*)

Yvan De Wiel (Fabrizio Rongione -acteur récurrent des frères Dardenne-) travaille dans une banque privée suisse. Avec sa femme Inès (Stéphanie Cléau) ils partent à Buenos Aire pour s’occuper de clients abandonnés par Keys, banquier partenaire d’Yvan mystérieusement volatilisé.
Ce long-métrage traite du milieu financier des années 1980 dans le contexte de la dictature Argentine. Mais c’est aussi un film sur le rôle des pays occidentaux qui par intérêt financier cautionnent sans dire mot. Ici le titre prend tout son sens dans la définition qu’en fait Inès, la femme d’Yvan : Azor signifie en « argot de banquiers » se taire, faire attention à ce que l’on dit.
L’intégrité et la discrétion d’Yvan contrastent vis-à-vis du milieu où il est propulsé. Mais les tensions s’accentuent et la rivalité entre le banquier et son partenaire absent fait doucement basculer Yvan du côté de la corruption. Andrea Fontana dépeint une société où les grosses opérations financières s’effectuent dans l’intimité d’une maison de campagne et des dialogues amicaux. Tout passe à la fois par le dialogue et paradoxalement aussi les non-dits. Le revirement de situation concernant le personnage d’Yvan s’apprécie particulièrement par le revirement cinématographique : couleurs, tonalités et ambiances radicalement différentes.
Un thriller politique et financier intelligent et remarquablement interprété, dont la lenteur est appréciable. [JR]


 

The Beta Test
USA / Grande Bretagne
de Jim Cummings, PJ McCabe
avec Jim Cummings, Virginia Newcomb, PJ McCabe
*Première mondiale

Hollywood s’effondre. Des meurtres effroyables hantent la nuit. Des conflits frénétiques rythment les journées. Une tempête s’abat sur les agences de talents à la recherche de nouveaux investisseurs et de nouvelles idées. Alors que la bataille fait rage, Jordan Hines, un agent sur le point de se marier, reçoit une lettre anonyme l’invitant à un mystérieux rendez-vous sexuel. Le monde de mensonges et de flux sinistres de données numériques de Jordan commence à s’effondrer. Qui lui a envoyé cette lettre ? Et qui l’attendra derrière la porte fermée ? Sa vie est à la croisée des chemins : mourir de peur ou mourir de désir.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Blutsauger (Bloodsuckers)
Allemagne
de Julian Radlmaier
avec Alexandre Koberidze, Lilith Stangenberg, Alexander Herbst, Corinna Harfouch
*Première mondiale

Août 1928 : tandis que les ouvriers et les paysans cherchent dans « Das Kapital » des réponses à de mystérieuses morsures de vampires, un baron autoproclamé entre dans la vie de la charmante héritière Miss Flambow-Jansen, ainsi que dans sa luxueuse résidence de la Baltique. Il s’avère qu’il s’agit en fait d’un imposteur prolétaire, contraint de s’échapper de l’Union soviétique en raison d’un incident politique impliquant rien moins que Sergei Eisenstein et Staline lui-même.

NOTRE AVIS: **(*)

Le long-métrage commence par une lecture de Marx. Et selon Marx, les capitalistes sont « explicitement » des suceurs de sang. Julian Radlmaier, porté sur la question du capital et du prolétariat comme le montre ses deux autres réalisations –Autocritique d’un chien bourgeois, A Proletarian Winter’s Tale – nous plonge dans la fin des années 1920 pour mettre en image la métaphore marxienne.
Ljowushka, interprété par Aleksandre Koberidze, se présente comme un aristocrate russe en voyage. En réalité acteur ayant interprété Trotski dans le film Octobre de Eseinstein, il est coupé au montage après la prise de pouvoir de Staline se retrouvant ruiné et incompris. Octavia, richissime propriétaire d’une usine, interprétée par Lilith Stangenberg, incarne cette métaphore de Marx : elle est un vampire qui jouera le rôle de la victime dans le long-métrage d’épouvante produit par Ljowushka. Reste le personnage central de Jakob, interprété par Alexander Herbst, n’étant pas le serviteur de Victoria mais son « assistant personnel ».
Julian Radlmaier surjoue les stéréotypes de classes dans cette comédie aussi absurde que plaisante. La qualité esthétique du film est indéniable. Son contenu est un savant mélange des codes sociaux des années 1920’ à ceux d’aujourd’hui -nous pensons notamment au véganisme mal perçu du baron-, multipliant les anachronismes, le film nous rappelle quelque peu la veine de Wes Anderson.[JR]

NOTRE AVIS 2: **(*)

Au titre original du film Blutsauger correspond sa traduction internationale Bloodsuckers. Bloodsuckers donc mais auquel il faut prêter attention à un sous-titre d’importance : A marxist vampire comedy. Non, ce film réalisé par Julian Radlmaier n’est pas un film politique stricto-sensu, même si Staline s’invite au scénario. Malgré son titre, Bloodsuckers n’est pas plus un film de vampire. Le cinéaste allemand livre bel et bien une comédie matinée de cinéphilie puisqu’au-delà du Père des peuples, c’est aussi Sergei Eisenstein qui est invoqué par le script.

Le réalisateur-scénariste fait feu de tout bois dans son récit sciemment boursouflé. Jouer sur les décalages des situations mises en scène et les anachronismes est l’autre leitmotiv poursuivi par Julian Radlmaier. En début de film, une inscription sur l’écran permet de dater l’action au mois d’août 1928. Une datation en total décalage avec l’action filmée. Autre exemple : si les costumes sont d’époque, le vocabulaire employé par les protagonistes est pleinement contemporain. Au final, Blutsauger se révèle être une comédie fort plaisante dont le rythme de narration eut été meilleur sur une durée de métrage un peu plus courte. Julian Radlmaier nous propose un plein d’ironie entre cinéphilie, idéologie politique (capitalisme vampirique), inexactitudes historiques calculées et postures adoptées à contre-emploi par certains personnages. L’ensemble ne manque pas de charme. [P.N.]


 

Hygiène sociale (Social Hygiene)
Canada
de Denis Côté
avec Maxim Gaudette, Larissa Corriveau, Eleonore Loiselle
*Première mondiale

Antonin est un peu un dandy. Il a un don pour les mots qui aurait pu faire de lui un écrivain célèbre, mais qui lui permet surtout d’éviter les ennuis. Déchiré entre le désir de faire partie de la société et celui de s’en échapper, son charme et son esprit sont mis à l’épreuve par cinq femmes qui sont sur le point de perdre patience avec son attitude « vivre et laisser vivre » : sa sœur, son épouse, la femme qu’il désire, un collecteur d’impôts et une victime de ses méfaits.

NOTRE AVIS: *(*)

Hygiène sociale se compose d’une dizaine de plans séquences filmés en caméra fixe. Dans l’espace formé par le champ de la caméra prennent place sans en bouger les protagonistes. Dans les joutes verbales filmées, chacun est à distance respectable de son interlocuteur. Chaque discussion oppose Antonin (Maxim Gaudette), dandy désabusé, à sa sœur, sa femme, son amante, etc.

Denis Côté invente le théâtre adapté à la pandémie actuelle qui entrave le monde de l’événementiel. Un théâtre en plein air, sans port du masque mais avec un respect strict de la distanciation dite « sociale ». Du théâtre car chaque séquence pourrait s’apparenter à un acte d’une pièce de théâtre dont on peine cependant à identifier la finalité. Bien que court dans sa durée (75 minutes), le visionnement de Hygiène sociale parait long. Les longs plans fixes et larges aux contours en partie floutés n’apportent par définition aucun dynamisme aux longs dialogues restitués. L’absence de déplacement des personnages dans le champ de la caméra renforce cette perception. Dans Hygiène sociale, Denis Côté s’adonne à un exercice de style très particulier dont la radicalité risque de laisser dubitatif certains spectateurs. [P.N.]


 

Das Mädchen und die Spinne (The Girl and the Spider)
Suisse
de Ramon Zürcher, Silvan Zürcher
avec Henriette Confurius, Liliane Amuat, Ursina Lardi
*Première mondiale

Au cours de deux jours et d’une nuit, alors que Lisa quitte l’appartement qu’elle partageait avec Mara et emménage dans celui où elle vivra seule, de nombreuses choses vont se briser et d’autres seront réparées.

Notre Avis: ***(*)

Visuellement, le dernier film de Ramon Zürcher ressemble à son premier, The strange litte cat. Sur le plan psychologique et de la profondeur des personnages, nous l’avons trouvé plus développé. L’action se passe dans un appartement, avec beaucoup d’attention portée à chaque objet, chaque couleur(l’importance symbolique du jaune), chaque petit geste. « Lisa quitte Mara »; nous pouvons résumer le récit en une seule phrase. Mais le déménagement de Lisa révèle des émotions douloureuses. Le mépris que Mara ressent est suggéré par la mise-en-scène. A travers les monologues poétiques, les objets qui s’abiment constamment, le rapport aux animaux (chat, chien, mouche, araignée), les regards étranges des autres personnages et les gestes -tantôt bizarres, tantôt déplacés -, nous découvrons le sentiment puissant et complexe – l’amour/la haine – qui a uni les deux jeunes colocataires. Certaines scènes et dialogues (également la présence de l’araignée en tant que métaphore) nous évoquent le cinéma d’Ingmar Bergman.[SH]

Notre Avis 2: **(*)

Dans The girl and the spider, Ramon et Silvan Zürcher font le récit sur deux jours et une nuit d’un déménagement. Mara (Henriette Confurius) et Lisa (Liliane Amuat) étaient jusqu’ici en colocation mais Lisa déménage. Pour les deux jeunes filles qu’une relation particulière et non avouée unit, une page se tourne, un chapitre se clôt. Autour d’elles, des amis, des voisins et des membres familiaux viennent prêter main forte. Là où certaines relations vont se conclure d’autres naîtront peut-être.

Un déménagement ne se fait jamais sans casse. Chez les deux réalisateurs, dans les bris d’objets se reflètent des relations distendues, prêtes à rompre. Les espaces sont exigus dans l’appartement, quasi unique lieu filmé. Un plan dessiné des lieux nous est présenté dès le début du film. La caméra, contrainte dans ses mouvements et déplacements, capte les protagonistes en gros plan ou en plan poitrine. Les mouvements observés sont avant tout ceux des personnages œuvrant au déménagement et traversant parfois le champ de la caméra. Un langage cinématographique se met peu à peu en place pour aboutir à une sorte de ritournelle surlignée par le double thème musical du film. Aux visages et regards filmés répondent ainsi des plans portant l’attention des spectateurs sur un point précis (blessure, objet, etc.) du cadre composé.

Le travail de cadrage est méthodique à l’image de celui d’une araignée tissant sa toile. Dans The girl and the spider, la fille-titre et l’araignée-titre ne sont autre qu’une seule et unique personne : Mara. La toile qu’elle s’est attachée à tisser sera-t-elle suffisamment résistante pour maintenir Lisa captive ? Tel est le principal enjeu du récit psychologique coécrit par les deux réalisateurs. [P.N.]


 

Mantagheye payani (District Terminal)
Iran / Allemagne
de Bardia Yadegari, Ehsan Mirhosseini
avec Bardia Yadegari, Farideh Azadi, Ali Hemmati
*Première mondiale / premier film

Téhéran dans un futur proche. La pollution et un virus mortel ont réduit la ville à un dépotoir et contraint la population à émigrer ou à vivre en quarantaine. Peyman est un poète et un drogué qui vit avec sa mère dans un quartier placé sous la surveillance permanente des agents de quarantaine. Luttant pour survivre, Peyman partage ses journées entre le temps qu’il passe avec sa fille adolescente, une femme vivant aux États-Unis qu’il a épousée pour pouvoir émigrer, des conversations avec ses deux plus proches amis Ramin et Mozhgan, et une liaison illicite avec une fille dont il est éperdument amoureux. Les rumeurs d’une guerre imminente se multiplient et les amis de Peyman partent les uns après les autres, le laissant seul et tourmenté par des fantômes. Dans quel monde Peyman vit-il, le réel ou le fictif ? Dans lequel des deux trouvera-t-il la rédemption ?

NOTRE AVIS: ***

Le premier long-métrage de Bardia Yadegari et Ehsan Mirhosseini (tous les deux acteurs pour Mohammad Rasoulof dans There is no evil) propose une expérience très radicale, aussi formelle que politique. L’histoire tourne autour d’un poète dépressif, désabusé et drogué qui n’arrive pas à publier son œuvre à cause de la censure dominante. Il rêve d’immigrer aux États-Unis à l’aide d’un mariage blanc, alors qu’il est amoureux d’une autre fille, en vain. 

Dans un Téhéran sous embargo, appauvri de plus en plus, et dans une ambiance angoissante par peur de guerre (qui plus est avec l’arrivée de la Covid-19 et le confinement), la jeune génération des intellectuels tombe dans le désespoir. Sur le plan narratif, le film est très fragmenté, composé de différents types d’images et de sons sans suivre une ligne principale.

Cette œuvre indépendante vraiment « underground »(réalisé avec les amis et les proches des réalisateurs), se montre différente du cinéma iranien que nous avons l’habitude de voir dans les festivals en France. Tout le long du film, nous entendons de beaux et tristes poèmes lus en voix-off, nous regardons la petite plante arrosée avec le sang du poète, nous voyons le personnage principal qui tourne en rond, nous assistons aux débats politiques menés par les dernières personnes qui auraient pu sauver ce pays mais qui perdent espoir et décident d’immigrer un à un…

Malgré certaines maladresses et signes d’amateurisme, District terminal nous intéresse par son ton poétique et par la réaction très sincère qu’il montre face à une condition sociale particulière. [SH]


 

Moon, 66 Questions
Grèce / France
de Jacqueline Lentzou
avec Sofia Kokkali, Lazaros Georgakopoulos
*Première mondiale / premier film

Lorsqu’une grave maladie frappe son père Paris, Artemis décide de rentrer en Grèce après quelques années d’absence. Enfant unique de parents divorcés, elle est la seule à pouvoir s’occuper de Paris, qui nécessite des soins quotidiens. Le père et la fille entreprennent un voyage vers la connaissance et la révélation, qui annonce un nouveau départ pour leur relation.

NOTRE AVIS: *(*)

D’après la réalisatrice Jacqueline Lentzou, Moon, 66 questions est un film sur « le mouvement, l’amour et parfois l’absence des deux ». Et c’est dans cette absence que pêche le film.
Après avoir été retrouvé inconscient dans sa voiture, Paris, le père d’Artemis est physiquement et psychologiquement diminué. Artemis retourne en Grèce pour s’occuper de lui et peu à peu ressurgissent les traumatismes d’une enfance bridée, du manque de communication.
Le film est découpé sous forme de chapitres annoncés par des cartes de tarot. Les deux derniers chapitres « the world » ainsi que « the magician » montrent respectivement la réaction d’Artémis face à une révélation inattendue sur son père et l’acceptation d’autrui. Si la fin réussit à prodiguer au film tout son intérêt, Sofia Kokkali et Lazaros Georgakopoulos interprétant respectivement Artemis et son père Paris, tiennent magistralement leur rôle du début à la fin. Mais le film comporte trop de longueurs lors de la première partie, et les 1h48 de projection auraient pu être réduites pour à juste titre donner plus de mouvement. [J.R]

 


 

Nous (We)
France
de Alice Diop
avec Ismael Soumaïla Sissoko, N’deye Sighane Diop, Pierre Bergounioux
*Première mondiale / documentaire

Le RER B est un train urbain qui traverse Paris et ses environs du nord au sud. La documentaliste Alice Diop, plusieurs fois primée, nous emmène à travers ces espaces de banlieue et nous confronte à certains des visages et des histoires qui les composent.

NOTRE AVIS: **(*)     

Sous la forme d’un documentaire Alice Diop revient sur les invisibles des quartiers périphériques de Paris où passe le RER B. Intéressant par son contenu, Alice Diop essaye de proposer une vue exhaustive de la banlieue parisienne : de la chasse à cour aux abords de Fontainebleau, aux jeunes de quartier en passant par des personnes âgées ayant besoin d’assistance mais aussi des images d’archives corrélant leurs histoires à son histoire personnelle. Toutes ces figures sont reliées entre elles par les images successives de trains que nous voyons défiler dans cette périphérie.
Dédicaçant ce film à François Maspéro, écrivain ayant éclairé les terres corréziennes, la jeune réalisatrice essaye à son tour d’éclairer « les gens qui ont vécu, existé, sans trouver de traces d’eux dans les livres ou sur les écrans ».
Les portraits présentés sont touchant et Alice Diop arrive brillamment à éclairer la fracture sociale en France. Un message d’espoir face à de belles images d’un feu d’artifice montre la possible fédération de toutes ces catégories sociales disparates. Si l’effet est probablement voulu -une caméra fixe qui se contente de montrer ce qui est- nous aurions aimé pour un documentaire de cette longueur des effets plus travaillés. [J.R]


Rock Bottom Riser
USA
de Fern Silva
*Première mondiale / film expérimental/ premier film

Figure familière de la scène internationale du cinéma expérimental depuis plus d’une décennie, Fern Silva s’attaque ici pour la première fois au format long métrage. Rock Bottom Riser est un film d’essai vibrant qui combine des matériaux et des influences hétérogènes dans un palimpseste surprenant qui traverse la géologie, l’ethnographie et l’astronomie. Tout en rappelant certaines pratiques de recherche hybrides de l’art contemporain, cette entreprise s’appuie également sur des interprétations organiques et ancestrales des liens entre l’homme, le cosmos, les éléments et les phénomènes naturels – ici en particulier ceux de la population amérindienne hawaïenne, terrain d’expérimentation insulaire sur lequel le film se tisse et s’étend des temps anciens à la science-fiction, en passant par le post-colonialisme et la culture pop.

NOTRE AVIS: pas vu


 

The Scary of Sixty-First
USA
de Dasha Nekrasova
avec Betsey Brown, Madeline Quinn, Dasha Nekrasova
*Première mondiale / premier film

Dans ce premier long métrage de l’actrice et animatrice de podcasts Dasha Nekrasova, deux colocataires mal assorties découvrent et revivent les secrets obscurs de leur nouvel appartement de l’Upper East Side. Le film est aussi possédé que l’une de ses protagonistes : alors qu’elle se retrouve sous l’emprise des esprits des jeunes victimes du milliardaire pédophile Jeffrey Epstein, le film lui-même est hanté par les films italiens « giallo » et l’horreur psychologique des années 1970.

NOTRE AVIS:    –         

Deux jeunes femmes emménagent dans l’ancien appartement de Jeffrey Epstein. Mélangeant théories du complot QAnon et investigations, le tout tourne très vite à l’horreur quand Addie se retrouve possédée. Les références à l’actualité auraient pu apporter matière à ce long-métrage. Mais le scénario est très vite incohérent (de la jeune inconnue devenue en deux plans meilleure amie puis amante de Noelle à l’attitude du petit-ami face au changement brutal d’Addie), le dérèglement psychosexuel d’Addie dérange sans apporter une quelconque réflexion à l’intrigue et les acteurs ne nous convainquent pas. Si les critiques semblent à priori plutôt bonnes, nous avons pour notre part l’impression que le mélange critique satirique de QAnon- scènes érotiques lesbiennes- possession malsaine suffit à la notoriété du film sans se questionner outre-mesure.  [J.R]


 

Vị (Taste)
Vietnam / Singapour / France / Thailande / Allemagne /Taiwan
de Lê Bảo
avec Olegunleko Ezekiel Gbenga, Thi Minh Nga Khuong, Thi Dung Le
*Première mondiale / premier film

Les bidonvilles de Ho Chi Minh-Ville sont des espaces mornes et peu accueillants qui ne laissent pas entrer beaucoup de lumière. Un Nigérian vaque à ses occupations, apparemment familier de cet environnement. Vit-il ici depuis longtemps ? Lui et le jeune fils qu’il a laissé au pays semblent habitués à la maigre interaction que permettent les appels vidéo. Lorsque son contrat avec une équipe de football est résilié, il emménage avec quatre femmes vietnamiennes d’âge moyen. Ensemble, ils reviennent à un état primitif : faire le ménage, cuisiner, manger et dormir ensemble, et faire l’amour..

NOS AVIS: ***(*) et ***

Réelle expérience visuelle, ce long-métrage n’en finit pas de nous éblouir avec des plans soigneusement étudiés -des reflets de miroirs à l’action principale hors-champ-.
Le protagoniste principal est un nigérien parti au Vietnam avec une promesse d’embauche dans le monde du football. Mais une fois mis à la porte, il part vivre avec quatre femmes dans une maison isolée. Le film interroge les interactions humaines dans un environnement primitif. En dehors des activités secondaires que nous pouvons avoir au sein du monde social, ici les cinq protagonistes se retrouvent nus autour d’activités primitives : manger, dormir, faire l’amour. Et ils ne semblent finalement pas si différents de ce cochon emmené avec eux. Dans un mutisme presque absolu, le film arrive à divulguer de nombreux messages : de la question de l’émigration à celle de la condition humaine. Si nous pouvons à certains passages nous sentir perdus quant à la trame narrative du film il n’en reste pas moins que Lê Bảo signe ici un premier long-métrage où l’austérité représentée nous semble contre toute attente éblouissante. [J.R]

  Un footballeur nigérian licencié par son club après s’être cassé la jambe et autour duquel gravite quatre femmes anonymes qu’on suppose être de nationalité vietnamienne. Tel est le casting convoqué par Lê Bảo pour la réalisation de son premier long métrage. Autre « personnage » à part entière, un porcelet sert d’animal de compagnie à cette troupe iconoclaste.

Au-delà du casting, Lê Bảo convoque aussi un cinéma des plus singuliers, à savoir celui de Apichatpong Weerasethakul. L’influence exercée est indéniable tant Taste est affaire de sensations. Ainsi, aucune musique d’accompagnement ne vient perturber l’éveil des sens proposé par le réalisateur. Il en va de même pour les dialogues, absents. Seuls quelques monologues viendront rompre la diffusion de bruits d’ambiance captés en direct.Toujours dans l’objectif de ne pas interférer la captation du film par ses spectateurs, il ne sera décelé aucun mouvement de caméra. Les plans fixes se succèdent à l’écran. La précision de leur composition n’a d’égale que le soin apporté à l’éclairage des scènes filmées. Tout dans Taste est pensé : rien ne doit interférer l’éveil de chaque sens chez les spectateurs. Le goût et l’odorat sont dévolus aux scènes de repas et à la préparation de ceux-ci. L’ouï est sollicité par les bruits d’ambiance précités et notamment par l’usage récurrent de l’eau pour divers usages. Le toucher n’est pas oublié à travers des séquences de massage ou de préparation culinaire.

L’ensemble est rehaussé par la propension de Lê Bảo à filmer ses personnages et plus encore leur corps, volontiers dénudés quel que soit leur âge. Les scènes filmées jouent spécifiquement sur les mouvements observés ou au contraire sur l’immobilité de ces corps. Là encore, la vision, autre sens hautement sollicité par Taste, n’est jamais interférée par des éléments extérieurs à l’action prise dans le champ de la caméra. Ainsi, la très grande majorité des séquences est filmée in situ. Les cinq protagonistes vivent ensemble dans un habitat sans confort, terne et sans ouverture sur l’extérieur. Ou si celles-ci existent, soit elles sont obstruées soit l’emplacement de la caméra ne les rend jamais significatives.

L’éclairage non naturel des scènes est très minutieux. Certains plans s’ornent de reflets picturaux. La lumière ne sera pas plus naturelle durant les quelques scènes d’extérieur en début de métrage. Celles-ci sont captées de nuit dans d’étroites ruelles. Ce n’est qu’en fin de film que Lê Bảo placera dans le champ de sa caméra des espaces extérieurs larges et diurnes. Au-delà de l’éveil des sens, mis ici à douces épreuves, émergent de Taste des images insolites, des mises en situation étonnantes. Assurément, Lê Bảo suit le sillon creusé par Apichatpong Weerasethakul. La sensorialité de ce premier long métrage très réussi laisse présager de lendemains radieux pour ce jeune auteur dont il sera opportun de suivre les prochaines réalisations. [P.N.]


Panorama:

 

Censor
Grande Bretagne
de Prano Bailey-Bond
avec Niamh Algar, Michael Smiley, Nicholas Burns, Vincent Franklin, Sophia La Porta, Adrian Schiller
premier film

La censeuse de films Enid prend son travail au sérieux. Avec un zèle méticuleux, elle recommande à la censure la rédaction de scènes extrêmement violentes, brutales, sanglantes et sexuellement explicites, sans lesquelles aucun film ne peut sortir. Son sens du devoir est renforcé par des sentiments de culpabilité datant de son enfance. La disparition mystérieuse de sa jeune sœur lui pèse encore. Enid n’a pas encore renoncé à la rechercher, bien que ses parents aient décidé de déclarer sa sœur morte. Lorsqu’Enid est chargée de censurer un film d’archives, celui-ci ravive des souvenirs de cette époque. De plus en plus obsédée, elle reprend la piste et s’embarque dans une quête cauchemardesque et fiévreuse au cours de laquelle les limites entre fiction et réalité deviennent floues.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Death of a Virgin, and the Sin of Not Living
Liban
de George Peter Barbari
avec Etienne Assal, Adnan Khabbaz, Jean Paul Frangieh, Elias Saad, Feyrouz Abi Hassan, Souraya Baghdadi
*Première mondiale / premier film

Ce matin, Etienne doit mentir à sa mère afin de pouvoir rejoindre trois amis pour une sortie secrète. Ils ont réuni l’argent nécessaire pour payer une prostituée et s’apprêtent à avoir leur premier rapport sexuel. Bien que les adolescents doivent parcourir un certain chemin pour leur entreprise, ils n’ont pas le temps de réfléchir à ce qu’ils vont faire. Au lieu de cela, ils dissimulent leur nervosité en se vantant sans cesse, en plaisantant et en se disputant. Bien que la plupart de leurs plaisanteries ne soient pas contestées, elles ne restent pas totalement ininterrompues, car le film révèle également, dans des monologues en voix off, ce qui préoccupe les nombreux personnages secondaires. Non seulement leurs peurs et leurs désirs intimes sont révélés, mais on nous dit aussi ce que le destin leur réserve. Ainsi, nous en apprenons plus sur les jeunes hommes que ce qu’ils sont prêts à se dire entre eux.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Dirty Feathers
USA / Mexique
de Carlos Alfonso Corral
*Première mondiale / premier film / Panorama Dokumente

Brandon caresse le ventre de sa femme Reagan, enceinte, et parle à leur futur enfant : « Mon garçon, tu m’as fait une peur bleue, mon garçon. Mais ça va aller. » Dans les rues des villes frontalières américano-mexicaines d’El Paso et de Ciudad Juárez, nous rencontrons plusieurs personnes – dont un père en deuil, un vétéran de guerre et un jeune de 16 ans – qui vivent sans domicile. La nuit, nombre d’entre eux dorment dans les abris de l’OC, l’Opportunity Center for the Homeless d’El Paso, mais la journée, ils doivent survivre tant bien que mal dans la rue. Ensemble et individuellement, ils réfléchissent à leur passé, à leurs origines et au présent et partagent leurs rêves, leurs désirs et leurs espoirs pour l’avenir qui les maintiennent en vie.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Genderation
Allemagne
de Monika Treut
*Première mondiale / Panorama Dokumente

Gendernauts, de Monika Treut, a été l’un des premiers films à dépeindre le mouvement transgenre à San Francisco. Vingt ans après la projection du film au Panorama en 1999, Treut retrouve les pionniers de l’époque. Qu’est-ce qui a changé ? Comment la vie des protagonistes a-t-elle évolué ? San Francisco était autrefois, comme le dit Annie Sprinkle, le « clitoris des États-Unis », mais aujourd’hui l’industrie technologique a la mainmise sur la ville. La gentrification agressive a déplacé la communauté genderqueer d’antan. Sous l’administration Trump, les droits des transgenres, durement acquis, sont soumis à une pression massive, la protection contre la discrimination dans les soins de santé et la liberté de choix dans l’utilisation des toilettes publiques étant réduites.

NOTRE AVIS: **

Un documentaire sur les conséquences de la gentrification à San Francisco et son impact sur les premiers mouvements transsexuels de la ville. Monika Treut après un premier documentaire en 1999 sur le sujet revient sur place et retrouve les personnes qu’elle avait pu interroger vingt ans plus tôt. Un documentaire intéressant qui nous montre l’évolution du mouvement transsexuels et LGBTQ+ dans la ville pionnière. En revenant sur l’histoire des Women’s studies et des Gender studies, une universitaire explique l’évolution du mouvement dans nos sociétés actuelles devenu « partie de notre politique globale et pas seulement pour les transsexuels ». L’approche individuelle de ce long métrage permet de concilier des premiers pas qui ne furent pas forcément politisés -s’inscrivant dans une démarche individuelle sans vouloir forcément changer les rapports de genre- à la théorisation du genre et les mouvements universitaires et identitaires qui s’y rapportent avec une diversité de témoignages touchants. [J.R]


 

Glück (Bliss)
Allemagne
de Henrika Kull
avec Katharina Behrens, Adam Hoya, Nele Kayenberg, Jean-Luc Bubert
*Première mondiale

Maria, une Italienne d’une vingtaine d’années sûre d’elle, est nouvelle dans le bordel de Berlin où Sascha travaille depuis longtemps. Avec ses tatouages, ses piercings et son penchant pour l’écriture de poèmes dans un cahier pendant les pauses, elle est très différente des autres. Les deux femmes sont immédiatement attirées l’une par l’autre. Maria garde son argent liquide dans un casier de la bibliothèque d’État de Berlin. Au téléphone, elle assure régulièrement à son père qu’elle se porte bien et qu’elle gagne beaucoup d’argent. Pour Sascha, le train régional la relie non seulement à son ancienne vie dans le Brandebourg provincial, mais aussi à son fils de 11 ans qui vit avec son père. Lorsqu’elle emmène Maria à une fête de village et la présente comme sa nouvelle petite amie, Sascha apporte avec elle les manières affirmées et non-conformistes de la ville. Pour la première fois, elle essaie d’être fidèle à ce qu’elle est vraiment.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Kelti (Celts)
Serbie
de Milica Tomović
avec Dubravka Kovjanić, Stefan Trifunović, Katarina Dimić, Anja Đorđević
*Première mondiale / premier film

Belgrade en 1993. La Serbie est en guerre, les gens souffrent à cause des sanctions et de l’inflation, mais chacun fait ce qu’il peut. La mère Marijana maintient la famille soudée. Son mari ne lève le regard du sol que lorsque des moments d’amour avec sa petite fille Minja viennent égayer l’interminable série de tâches quotidiennes. C’est le huitième anniversaire de Minja. Au lieu d’un cocker à elle, elle a le chien à trois pattes du voisin pour jouer, et le gâteau a été préparé avec de la margarine au lieu du beurre. Dans le salon, elle et ses camarades de classe sautillent déguisés en Tortues Ninja tandis que les adultes se rassemblent dans la cuisine. Une ex-petite amie se moque de sa nouvelle relation, des discussions animées ont lieu pour savoir qui est responsable de l’effondrement de la Yougoslavie et tous s’accordent à dire qu’il suffit d’un peu de sperme pour devenir mère. Une soirée arrosée où l’on fume, flirte et boit sans retenue suit son cours. Un aperçu intime et honnête de la vie d’une famille dans laquelle les identités politiques s’affrontent et les relations enchevêtrées provoquent des conflits.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Der menschliche Faktor (Human Factors)
Allemagne/ Italie / Danemark
de Ronny Trocker
avec Mark Waschke, Sabine Timoteo, Jule Hermann, Wanja Valentin Kube

Jan et Nina se rendent avec leurs deux enfants dans leur maison de week-end sur la côte belge pour trouver un peu de paix et de tranquillité. Mais tout est gâché par une mystérieuse effraction à l’arrivée de la famille. Ensuite, Nina a le nez en sang et Zorro, le rat de compagnie de leur fils Max, a disparu. Que s’est-il passé ? Aucun d’entre eux n’est en mesure de donner à la police une description claire des intrus. De retour en Allemagne, l’agence de publicité prospère que ce couple bilingue dirige ensemble devient la cible d’un attentat à la bombe de peinture. Jan avait auparavant décidé, seul, de se charger de la campagne électorale d’un parti politique aux tendances populistes – une décision qui va à l’encontre de tout ce que Nina chérit.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Miguel’s War
Liban/ Allemagne/ Espagne
de Eliane Raheb
*Première mondiale / Panorama Dokumente

Dans ce portrait à plusieurs niveaux, tant sur le plan de la forme que du contenu, un homosexuel affronte les fantômes de son passé et explore les désirs cachés, l’amour non partagé et les sentiments tourmentés de culpabilité. Miguel est né en 1963 d’un père libanais catholique et conservateur et d’une mère autoritaire issue d’une riche famille syrienne. De nombreux conflits liés à son identité nationale, religieuse et sexuelle l’ont contraint à fuir en Espagne au début de sa vingtaine. Dans le Madrid post-franquiste, où il mène une existence ouvertement gay, sa vie ressemble à une longue orgie almodovarienne, pleine d’excès et de transgression des tabous sexuels. Cette période a été suivie d’un effondrement, puis d’un nouveau départ. Après avoir fui la guerre et la répression il y a 37 ans, Miguel revient au Liban.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Mishehu Yohav Mishehu (All Eyes Off Me)
Israel
de Hadas Ben Aroya
avec Elisheva Weil, Yoav Hait, Leib Lev Levin, Hadar Katz
*Première mondiale

Danny est enceinte de Max mais elle ne se décide pas à le lui dire lors d’une fête. Pendant ce temps, Max est occupé à essayer les fantasmes sexuels de sa petite amie Avishag avec elle. Elle veut qu’il la frappe quand ils font l’amour. Avishag apporte ses bleus à Dror, dont elle garde le chien. Une familiarité se développe entre l’homme plus âgé et la jeune femme qu’aucun d’eux n’attendait.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Le monde après nous (The World After Us)
France
de Louda Ben Salah-Cazanas
avec Aurélien Gabrielli, Louise Chevillotte, Saadia Bentaïeb, Jacques Nolot
*Première mondiale / premier film

L’appartement parisien de Labidi est si petit qu’il n’y a de place que pour un seul lit. Le jeune écrivain, qui n’a publié qu’une nouvelle jusqu’à présent, et son colocataire Alekseï se relaient pour dormir dans le lit et sur un tapis de camping devant celui-ci. À Lyon, où sa mère d’origine tunisienne tient un café avec son père, Labidi rencontre Elisa, une étudiante en art dramatique aux taches de rousseur, et il a immédiatement envie de tout avoir : le grand amour, un engagement total et un grand emménagement ensemble. Mais son compte en banque est tout le contraire de grand. Son éditeur attend son premier roman mais, entre les amours et les emplois à temps partiel, Labidi n’arrive pas à avancer.

NOTRE AVIS: ***(*)

Difficile de ne pas mettre en parallèle l’histoire de Labidi à celle du jeune Antoine Doinel dans l’œuvre de Truffaut. Prenant son inspiration dans la Nouvelle-Vague, le premier long métrage de Louda Ben Salah-Cazanas témoigne de la jeunesse actuelle en proie aux difficultés financières et en quête d’identité.
Repéré dans le court-métrage Saint-Jacques Gay-Lussac de Louis Séguin, Aurélien Gabrielli perce l’écran. Un film rafraîchissant empli d’humour et aux traits satiriques qui sous une apparence légère explore de nombreux sujets : de la légèreté du protagoniste à la nécessité de s’adapter dans un environnement « eco-friendly », la vie parisienne hors-de-prix pour des jeunes issus d’un milieu modeste, la recherche de son identité pour un transfuge de classe issu de l’émigration, la fragilité des liens sociaux -qu’ils soient amoureux, familiaux ou amicaux-.
L’écriture de Labidi -rédigée en partie par Abdellah Taïa– transcrit cette confusion de sentiments qui est la sienne et à laquelle nous pouvons aisément nous identifier. [J.R]


 

Night Raiders
Canada / Nouvelle Zélande
de Danis Goulet
avec Elle-Máijá Tailfeathers, Brooklyn Letexier-Hart, Alex Tarrant, Amanda Plummer
*Première mondiale / premier film

Dans un futur post-apocalyptique, dans une Amérique du Nord contrôlée par l’armée, les enfants sont considérés comme propriété de l’État. Séparés de leurs parents, ils sont entraînés dans des pensionnats à se battre pour le régime. Niska est membre du peuple indigène Cree. Elle et sa fille Waseese, âgée de onze ans et amoureuse de la nature, se cachent dans la forêt pour échapper aux drones de sécurité qui tournent en permanence au-dessus de leurs têtes. L’amie de Niska, Roberta, a perdu un fils à cause du régime, il y a des années. Lorsque Waseese est découverte et internée après avoir été gravement blessée, Niska rejoint une organisation clandestine des Premières Nations, déterminée à sauver ses enfants enlevés. Pendant ce temps, Waseese commence à se découvrir des pouvoirs inhabituels.

NOTRE AVIS: **(*)

Dans un futur post-apocalyptique non daté, le continent nord-américain est gouverné par un régime militaire faisant de chaque enfant une propriété de l’Etat. Ces enfants séparés de leurs parents sont placés dans des instituts spécialisés où l’éducation prodiguée relève de l’endoctrinement.

La dystopie mise en images par Danis Goulet oppose le pouvoir militaire en place et les organisations de défense des droits des enfants. Night raiders, premier long-métrage réalisé par la réalisatrice canadienne, ne bouleverse par le genre. Le récit avancé s’applique à une utilisation classique et solide des codes cinématographiques des films imaginant un avenir post-apocalyptique. L’armée de drones mise en œuvre par le régime militaire vient moderniser la vision du genre. L’usage sécuritaire fait de ces drones renforce en contre-champ la dénonciation de la gouvernance politique voulue par la réalisatrice.

Sous les traits d’Elle-Máijá Tailfeathers, l’héroïne principale de Night raiders est membre de la communauté Cree. Nous espérions un traitement plus approfondi de ce que pourrait être les conditions de vie d’une minorité indigène sous un régime militaire et sécuritaire. Danis Goulet élude malheureusement quelque peu cette thématique attendue du film.[P.N.]


 

North By Current
USA
de Angelo Madsen Minax
*Première mondiale / Panorama Dokumente

Trois ans après la mort inexpliquée de sa nièce Kalla, l’artiste et cinéaste Angelo Madsen Minax retourne dans la maison de sa famille mormone, dans la petite ville du Michigan où se trouve la scierie de son père. Sa sœur Jesse, qui avait trouvé une stabilité temporaire en tant que mère après une jeunesse difficile et des problèmes d’addiction, est soupçonnée par les autorités d’être responsable, avec son compagnon David, de la mort de leur fille Kalla. Alors que Jesse lutte contre son traumatisme et sa dépression, sa mère s’ouvre progressivement à la caméra.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Okul Tıraşı (Brother’s Keeper)
Turquie / Roumanie
de Ferit Karahan
avec Samet Yıldız, Ekin Koç, Mahir İpek, Melih Selçuk, Cansu Fırıncı, Nurullah Alaca
*Première mondiale

Des règles strictes prévalent dans un internat isolé dans les montagnes d’Anatolie où des enseignants turcs éduquent des élèves kurdes doués des environs. Une fois par semaine, les garçons sont autorisés à prendre une douche et, comme tout le reste ici, ce processus est surveillé. Un soir, Memo, douze ans, demande à son ami Yusuf s’il peut dormir dans son lit. Mais, craignant les ragots, Yusuf refuse. Le lendemain matin, Memo est malade et ne peut pas aller en classe. Le chauffage de l’école est tombé en panne et un jour d’hiver glacial suit son cours. L’état de Memo s’aggrave. Il ne réagit plus et Yusuf n’est autorisé à parler que lorsqu’on le lui demande. Peu à peu, les événements de la nuit précédente sont révélés.

NOTRE AVIS : ***

Brother’s Keeper est une œuvre surprenante du cinéma turc, qui s’inscrit dans une esthétique différente de celle de Nuri Bilge Ceylan, et s’approche plutôt du cinéma iranien contemporain (Kiarostami, Farhadi). L’histoire se passe entièrement au milieu des montagnes enneigées, mais le réalisateur évite au maximum la carte postale. Avec un réalisme cru, voire choquant, il nous montre la difficulté de vivre dans ce milieu rural et masculin, loin de tout, quelque part dans l’est de l’Anatolie, où il fait froid, très froid. Mais la difficulté ne vient pas uniquement du climat, c’est aussi la discipline moyenâgeuse qui oblige les élèves d’un pensionnat à obéir à des règles incroyablement strictes. Le récit laisse la place aux interprétations politiques – les enfants d’origine kurde soumis au système autoritaire turc -, il questionne également la responsabilité sociale de chacun. En ce qui concerne la trame narrative, le film réussit à garder le suspense tout le long et à rester intéressant jusqu’au bout. L’image est soignée et tous les acteurs, adultes comme enfants – les profs, les surveillants, les élèves – sont très crédibles dans leurs rôles.[SH]


 

Souad
Egypte / Tunisie / Allemagne
de Ayten Amin
avec Bassant Ahmed, Basmala Elghaiesh, Hussein Ghanem
*Première mondiale

Combien d’identités peut-on avoir dans les yeux d’une personne rencontrée par hasard dans un bus public, dans le cercle protégé de nos meilleurs amis ou dans les photos que nous postons sur les médias sociaux ? Souad, une Égyptienne de 19 ans, est à l’aube de l’âge adulte. Dans sa vie quotidienne, son désir d’explorer de nouvelles formes de liberté se heurte aux attentes de la société, de sa famille et de sa communauté religieuse qu’elle a intériorisées. D’un côté, elle se crée un alter ego cosmopolite secret sur son smartphone et recherche des relations amoureuses en ligne. D’autre part, elle est une étudiante assidue, une fille obéissante et une grande sœur. Mais lorsque l’idée que Souad se fait d’une vie autodéterminée se brise, le bruit de ses réalités contradictoires se dissipe, ouvrant la voie à une rencontre entre deux personnes qui n’ont rien d’autre en commun que leur relation avec Souad. C’est peut-être seulement maintenant, dans cette rencontre, que Souad devient tangible.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Ted K
USA
de Tony Stone
avec Sharlto Copley
*Première mondiale

« La journée d’hier a été plutôt bonne, les seuls sons perturbateurs étaient neuf jets diaboliques. » Ted K mène une vie de réclusion presque totale dans une simple cabane en bois, sans électricité ni eau courante, dans les montagnes du Montana. Mais voilà que cet ancien professeur d’université, qui méprise la vie moderne et la foi de la société dans la technologie, se radicalise. Ce qui commence par des actes de sabotage locaux se termine par des attentats à la bombe meurtriers. Ted K est l’Unabomber.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Théo et les métamorphoses (Theo and the Metamorphosis)
France
de Damien Odoul
avec Théo Kermel, Pierre Meunier, Élia Sulem, Louise Morin, Ayumi Roux
*Première mondiale

Dans une maison isolée dans la forêt, Théo, un jeune homme trisomique, vit reclus avec son père photographe. Tous deux s’entendent dans leur vie quotidienne sans trop se parler. Théo aime la nature et dessine beaucoup. Chaque jour, il passe du temps à entraîner son corps, son équilibre, ses réflexes et sa force intérieure car il veut devenir un samouraï. Lorsque son père s’absente quelques jours pour une exposition, Théo décide de commencer une nouvelle vie.

NOTRE AVIS: ***

Théo, jeune trisomique de 27 ans vit seul avec son père en pleine nature. Le film se focalise sur sa vie dans les bois où il apprend les arts martiaux aux côtés de son maître -son père donc-. Les dialogues sont rares au sein de ce long-métrage mais les pensées de Théo nous accompagnent en voix-off tout au long du film. Quand son père part en voyage d’affaire, Théo se retrouve seul et là commencent les métamorphoses. Le film oscille alors entre réalité et le monde onirique personnel de Théo. Mais le film aurait tout aussi bien pu s’appeler Théo et les métaphores : les pensées de Théo prennent forme, tantôt de manière touchante, tantôt de manière dérangeante.
L’atout principal du long-métrage de Damien Odoul vient de sa manière de nous exposer le quotidien de ce jeune adulte : les dialogues sont crus et particulièrement drôles, mais nous ne rions pas de Théo, nous rions avec lui. [J.R]


 

A Última Floresta (The Last Forest)
Brésil
de Luiz Bolognesi
*Première mondiale / Panorama Dokumente

Depuis l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro en 2019, les prospecteurs d’or ont à nouveau pénétré massivement dans le cadre de vie des Yanomami dans la région frontalière Brésil-Venezuela. Non seulement les intrus empoisonnent l’eau avec du mercure, mais ils apportent également des maladies mortelles – dernièrement le COVID-19 – dans ces communautés indigènes largement isolées. Avec leurs promesses d’un monde moderne, les prospecteurs tentent aussi de plus en plus les jeunes d’abandonner leur vie traditionnelle dans la forêt tropicale.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Die Welt wird eine andere sein (Copilot)
Allemagne/ France
de Anne Zohra Berrached
avec Canan Kir, Roger Azar, Özay Fecht, Jana Julia Roth, Ceci Chuh, Nicolas Chaoui
*Première mondiale

Asli rencontre Saeed pour la première fois au milieu des années 1990, dans une fête foraine, alors qu’il descend anxieusement du manège juste avant le début de la course. Ils apprennent à se connaître en faisant tourner des bouteilles lors d’une fête dans leur résidence universitaire. Asli est fascinée par le charisme et la confiance en soi de Saeed. Les deux étudiants se marient secrètement, bien que la mère d’Asli soit contre cette relation. Dans une mosquée de Hambourg, ils se promettent de rester ensemble et de garder les secrets de l’autre. Coincée entre l’affirmation de soi, la conformité à la tradition parentale et l’amour sacrifié, Asli tente de trouver sa propre voie dans la vie. Puis Saeed disparaît. Sa décision change la vie d’Asli – avant de secouer le monde entier.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Yuko No Tenbin (A Balance)
Japon
de Yujiro Harumoto
avec Kumi Takiuchi, Ken Mitsuishi, Masahiro Umeda, Yuumi Kawai

Pour Yuko, tout est question de vérité. Réalisatrice de documentaires, elle donne un coup de main comme professeur dans l’école privée de son père pendant son temps libre. Elle est déterminée à ne pas laisser la rédaction de la chaîne de télévision censurer son nouveau projet. Son film va raconter la véritable histoire derrière le scandale public d’une relation entre une élève et son professeur qui s’est soldée par deux suicides. Mais lorsque Yuko apprend que son père a également eu une liaison avec une élève, la cinéaste tente de faire ce qu’il faut et doit revoir ses propres principes.

NOTRE AVIS: pas vu


Perspektive Deutsches Kino:

 

Instructions for Survival
Allemagne
de Yana Ugrekhelidze
*Première mondiale / documentaire / premier film

L’identité transgenre d’Alexander l’oblige à mener une vie secrète dans son pays d’origine. Le fait d’être identifié comme « femme » dans son passeport signifie qu’il ne peut pas non plus trouver légalement du travail. Comme la moindre visite chez le médecin est un risque pour lui, il a commencé une thérapie hormonale pour effectuer sa transition par lui-même, avec le soutien de forums Internet et de la communauté transgenre locale. Désespérée d’échapper à leur situation et de quitter le pays, Mari, la femme d’Alexander, décide de devenir mère porteuse pour 12 000 dollars. Mais leur plan apparemment pragmatique se retourne contre eux lorsqu’Alex et Mari développent progressivement un lien émotionnel avec l’enfant à naître.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Jesus Egon Christus (Jesus Egon Christ)
Allemagne
de David Vajda, Saša Vajda
avec Paul Arámbula, Sascha Alexander Geršak, Roxanna Stewens, Benjamin Stein, Zora Schemm, Angelo Martone
*Première mondiale

Quelque part dans la banlieue de Berlin, un prêtre autoproclamé prêche à un groupe de personnes souffrant d’addictions et de problèmes de santé mentale dans un bâtiment délabré qui abrite un groupe de soutien psychosocial. Egon, qui vient d’arriver dans cet établissement qui se veut à la fois un foyer et une communauté religieuse pour ses résidents, est aux prises avec un trouble psychotique. Il ne peut pas dormir, refuse d’aider à la ferme, ne se lave pas et a du mal à suivre les instructions du prêtre. Plus d’une fois, le pasteur dépasse les bornes et humilie ses protégés. Pour la plupart des gens ici, se tourner vers la religion est une sorte de dernière chance, qui leur offre une sorte de soutien. Egon, lui, prétend avoir eu des conversations avec Jésus, au cours desquelles ce dernier approuverait son comportement provocateur. En essayant de croire le Messie sur parole et de comprendre ses miracles, Egon s’enfonce de plus en plus dans la psychose.

NOTRE AVIS: ***

Les frères Vajda ont mis plusieurs années à accumuler des témoignages pour traiter du sujet de l’addiction et des centres de désintoxication. Tant par la manière de filmer que par le casting -excepté le personnage principal interprété par Paul Arámbula, d’anciens toxicomanes interpètent les autres rôles-, le film prend des allures de documentaire. L’univers froid et glacé du centre religieux est renforcé par les mouvements de caméra. Centre religieux qui apparaît d’ailleurs comme dernier recours pour ces personnes en marge de la société, aux troubles psychologiques accentués.  
Mais l’addiction n’est pas le sujet principal du long-métrage. Saša et David Vajda filment avant tout l’état d’esprit et l’identité profonde des personnages. Nous suivons l’arrivée d’Egon dans ce centre, héroïnomane insomniaque et psychotique et apercevons à travers lui l’écueil de tels centres d’endoctrinement ; aucun suivi thérapeutique, aucune aide médicale et ne permettant donc pas à ses membres de se soigner ni de se sevrer correctement. En proclamant parler à Jésus Christ, Egon s’enfonce de plus en plus dans la psychose…
La seule chose que nous pourrions regretter à la vue de ce « documentaire » concerne sa durée. Traiter d’un tel sujet en cinquante minutes est un exercice périlleux et même si les deux réalisateurs s’en sortent avec brio nous aurions aimé suivre un peu plus longtemps le quotidien d’Egon auquel Paul Arámbula confère toute l’intensité. [J.R]


 

In Bewegung bleiben (Keep Moving)
Allemagne
de Salar Ghazi
*Première mondiale / documentaire / premier film

En janvier 1988, « Keith » de Birgit Scherzer connaît un succès phénoménal au Komische Oper de Berlin, capitale de la RDA. Ce spectacle de danse marque la percée de la jeune chorégraphe. Sept danseurs se produisent dans « Keith ». Moins d’un an plus tard, quatre d’entre eux – dont Birgit elle-même – auront quitté la RDA, certains s’enfuyant pendant les représentations de l' »ennemi de classe ».
Ces danseurs, dont la plupart sont issus de milieux « modestes », ont été formés par l’État pour devenir des artistes de haut niveau. En tant qu’élite artistique et visage public de la RDA, ils sont autorisés à se rendre à l’Ouest afin de faire briller leur lumière au loin. Leurs familles en RDA servent de monnaie d’échange contre leur défection. Au début, l’atmosphère créative du Komische Oper constitue un bouclier protecteur contre les restrictions idéologiques, mais à la fin des années 1980, la pression augmente. Dans les mois qui précèdent la chute du mur – un événement que personne n’a prévu – de nombreux membres de l’ensemble sont confrontés à une décision cruciale : rester ou partir.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Die Saat (The Seed)
Allemagne
de Mia Maariel Meyer
avec Hanno Koffler, Dora Zygouri, Robert Stadlober, Anna Blomeier, Andreas Döhler, Lilith Julie Johna
*Première mondiale

Rainer travaille à la sueur de son front sur un chantier de construction. Son premier emploi en tant que chef de chantier est la grande chance dont il a tant besoin. La hausse des loyers en ville l’a déjà contraint, lui, sa femme enceinte et sa fille de 13 ans, Doreen, à déménager dans une petite maison à rénover en périphérie. Au début, Doreen n’est pas emballée par sa nouvelle vie, mais elle fait la connaissance de sa voisine Mara, une fille dont les parents sont aussi riches qu’étroits d’esprit. Très vite, les nouvelles amies jouent avec le feu. Mara incite Doreen à jouer de vilains tours et la mêle à un vol. Pendant ce temps, au travail, Rainer est rétrogradé et remplacé par Jürgen, un pragmatique froid qui, ne pensant qu’aux intérêts des investisseurs, dirige impitoyablement le projet de construction vers le profit. Lorsqu’un employé plus âgé est sur le point d’être licencié, Rainer s’oppose à son nouveau supérieur et devient involontairement le leader d’une résistance naissante.

NOTRE AVIS: pas vu


 

When a farm goes aflame
Allemagne
de Jide Tom Akinleminu
*Première mondiale / documentaire

Un jeune Nigérian quitte son village à la fin des années 1960 et part étudier au Danemark. Il y rencontre sa future femme. Ensemble, ils s’installent au Nigeria et fondent une famille. Mais 16 ans plus tard, les circonstances dans un Nigeria politiquement tendu et instable obligent la famille à rentrer chez elle. Il est peut-être préférable pour les enfants de grandir et d’aller à l’école au Danemark, mais le mari émet des réserves. Il ne peut s’imaginer s’y installer définitivement. Peu avant que la famille ne soit sur le point de quitter le Nigeria, il décide de rester. Il fonde une deuxième famille au Nigeria, mais le cache à sa femme danoise de peur de la blesser. Son secret ne sera découvert qu’après trente ans de mariage à distance.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Wood and Water
Allemagne/ France
de Jonas Bak
avec Anke Bak, Ricky Yeung, Alexandra Batten, Patrick Lo, Theresa Bak
*Première mondiale / premier film

Anke est déçue. Après son dernier jour de travail dans un bureau paroissial de la Forêt-Noire, elle se réjouissait de passer des vacances d’été avec ses enfants sur la côte baltique, un endroit où ils ont vécu dans leur jeune famille et où Anke a passé ses meilleures années. Mais son fils Max, qui vit à Hong Kong, annule au pied levé parce que les manifestations en faveur de la démocratie ont paralysé la vie dans cette ville. Dans le vide de sa retraite, seule entre quatre murs, Anke décide de prendre l’avion pour Hong Kong afin de voir son fils. Pendant que Max est en voyage d’affaires, elle s’installe dans son appartement et commence à naviguer avec précaution dans ce nouveau monde mystérieux. Les conversations avec des inconnus permettent peu à peu à Anke de s’orienter. Elle rencontre une jeune femme triste parce qu’elle doit quitter Hong Kong, accompagne le concierge de l’immeuble de Max à un déjeuner et à une séance de Tai Chi, mais aussi un psychiatre, une diseuse de bonne aventure et un activiste social. Ces rencontres et son expérience de la ville l’aident à briser les murs intérieurs qu’elle a construits il y a des années et à ouvrir un nouveau chapitre de sa vie.

NOTRE AVIS: pas vu


Generation :

 

Beans
Canada
de Tracey Deer
avec Kiawentiio, Rainbow Dickerson, Violah Beauvais, Paulina Alexis, D’Pharaoh McKay Woon-A-Tai

« C’est le territoire des Mohawks ! »

Elle s’appelle Tekahentahkhwa, mais tout le monde l’appelle Beans. Pleine d’assurance, cette jeune fille mohawk de douze ans poursuit son rêve d’être acceptée à la célèbre Queen Heights Academy. Pourtant, lorsque la crise d’Oka éclate au Québec, au Canada, à l’été 1990, son monde est bouleversé. Les médias sont remplis de reportages sur la lutte du peuple mohawk pour ses droits, ses protestations pacifiques étant réprimées par la violence raciale. Des barrages routiers sont érigés. Il y a des morts et des blessés. Face à tout cela, Beans s’engage encore plus passionnément dans la lutte de son peuple – surtout lorsqu’elle tombe sous l’influence d’April, une fille plus âgée et dure de sa communauté. Entrecoupé d’images d’archives, ce film politique sans équivoque raconte une histoire d’émancipation personnelle et sociale.

NOTRE AVIS: ***

Le titre du film n’est autre que celui de sa jeune héroïne principale. Beans est une préadolescente de 12 ans appartenant la communauté canadienne des Mohawks. Elle apparaît à l’écran sous les traits de Kiawentiio, une jeune actrice évoluant ici pour la première fois dans un film destiné au cinéma.

Tracey Deer filme Beans au sein de sa famille et dans ses relations avec ses amis. Sans être miséreux, le quotidien de la communauté des Mohawks n’en reste pas moins socialement et financièrement précaire. La réalisatrice s’applique à restituer sans phare ce quotidien à travers quelques scènes. Elle s’attarde aussi sur une chronique sans réelle surprise de la jeune adolescente. Ici, les séquences se succèdent à l’écran et peinent à former un tout. La narration fragile ne parvient pas à tisser de liens forts entre les différentes scènes. Dès lors, les mises en situation se révèlent trop voyantes, trop mécaniques et insuffisamment naturelles dans leur enchaînement.

Plus convaincant est l’autre face de Beans. Tracey Deer s’inspire de faits réels pour rendre compte de la situation des Mohawks. Elle replonge les spectateurs dans la crise d’Oka de l’été 1990 au Québec : une partie du territoire de la réserve des Mohawks est alors menacée par l’extension programmée d’un parcours de golf au sud de Montréal. La réalisatrice restitue ces faits par des images d’archives issues principalement d’extraits de journaux télévisés. La reconstitution d’une partie des évènements permet à la réalisatrice de plonger son casting dans l’action et de mettre un peu en perspective une mise en scène plutôt sage.

La réalisatrice filme une guerre de territoire (blocage d’un pont) menée par deux communautés autochtones. Il y d’une part les Mohawks marginalisés et, d’autre part la population francophone québécoise. Le schéma mis en œuvre rend compte de la discrimination, voire l’apartheid (dénoncé sur une pancarte brandie lors d’une manifestation), subis par les Mohawks. Au-delà de la discrimination, ce quotidien de crise véhicule du racisme et des violences tant verbales que physiques sous l’inaction d’une police locale acquise à la cause de la population francophone.

En plaçant son récit du côté des amérindiens, Tracey Deer s’évertue aussi à mettre en relief une lutte conjuguée principalement au féminin. L’acmé de ce schéma narratif sera trouvée dans la scène voyant se former sur le pont précité une chaîne humaine composée par une dizaine de femmes.  Cela contribuera peut-être à désenvenimer les relations entre deux camps majoritairement masculins. [P.N.]

 


 

Cryptozoo
USA
de Dash Shaw
avec Lake Bell, Michael Cera, Alex Karpovsky, Zoe Kazan, Louisa Krause, Angeliki Papoulia, Thomas Jay Ryan, Peter Stormare, Grace Zabriskie

La scène : Californie, vers 1970. Alors que la jeunesse du pays pratique l’amour libre et proteste contre l’establishment et la guerre du Vietnam, un autre type de lutte se déroule dans la clandestinité : la vétérinaire Lauren Grey traque les créatures fantastiques, les sauve de la maltraitance et leur donne refuge dans son Cryptozoo. Hélas, l’armée complote pour mettre la main sur le plus grand des cryptos, la chimère Baku, dévoreuse de rêves, afin d’exploiter son pouvoir et de détruire les rêves de la culture alternative naissante.

NOTRE AVIS: *

Le message de Dash Shaw est explicite, le cryptozoo s’apparente à un sanctuaire plutôt qu’un zoo. Il doit accueillir des créatures mythologiques pour servir d’intermédiaire entre ces créatures et la population américaine : un catalyseur pour que les êtres humains s’habituent aux différences et les acceptent graduellement. La morale de l’histoire est quant à elle prévisible : ce sont davantage les propriétaires de ce musée qui ont besoin de ces créatures mythologiques plutôt qu’elles, aspirant seulement à être libres. Le dessin animé en utilisant la figure de la différence traite de la condition animale en générale mais aussi des êtres humains en marge de la société que nous exposons pour notre bonne conscience -migrants, marginaux-…
Difficile d’essayer de comprendre la place de Cryptozoo au sein de la catégorie Génération de la Berlinale. En effet, là où les autres films proposés au sein de cette catégorie sont destinés à un jeune public, Cryptozoo est un long métrage que nous conseillerons davantage aux adultes. L’effet visuel irrégulier qui s’inspire de la bande dessinée peut gêner. Mais, et surtout, les premières scènes de nudité sont crues, les combats sanglants et les propos quelques fois violents. Si le message du film est intéressant, l’introduction d’un nombre -trop- important de personnages ne permet d’en creuser aucun, ceux-ci ressortant d’une manière beaucoup trop manichéenne. [J.R]


 

Ensilumi (Any Day Now)
Finlande
de Hamy Ramezan
avec Aran-Sina Keshvari, Shahab Hosseini, Shabnam Ghorbani, Kimiya Eskandari, Vilho Rönkkönen, Laura Birn, Eero Melasniemi, Kristiina Halkola

Des forêts finlandaises gorgées de pluie et baignées d’une brume nébuleuse. Chaque matin, Ramin, 13 ans, est réveillé tendrement par sa mère. La famille Mehdipour vit la vie quotidienne dans un logement pour réfugiés d’une manière simple et tranquille, pleine d’humour et de chaleur. Ici et maintenant, chaque instant est savouré comme s’il n’y avait pas de lendemain : les moments avec les amis, les nouvelles rencontres, les fêtes et – pour Ramin – le fait de tomber amoureux pour la première fois. Et pourtant, il est clair que si la demande d’asile de la famille est rejetée, ce qui peut arriver n’importe quand, les choses vont changer brusquement.


 

Una escuela en Cerro Hueso (A School in Cerro Hueso)
Argentine
de Betania Cappato
avec Clementina Folmer, Mara Bestelli, Pablo Seijo, Irene Zequin, Ariel Núñez, Mónica Núñez, Carla Rucitti, Viviana Taus

Il y a une délicatesse et une fragilité en elle, comme si elle était faite de verre. Aujourd’hui, à l’âge de six ans, Ema doit entrer à l’école, mais la plupart des établissements ne sont pas disposés à accepter une élève diagnostiquée comme autiste. Les seuls à être prêts à lui enseigner sont les membres du personnel d’une petite école rurale située sur le fleuve Paraná. Pour la famille d’Ema, cela signifie quitter la ville pour commencer une nouvelle vie à la campagne. Le fait d’être proche de la nature et de passer du temps avec une jument appelée Estrellita aide Ema à franchir de petites mais importantes étapes. Grâce à la communauté locale sans préjugés et surtout à la douce amitié de sa camarade de classe Irena, elle devient de plus en plus capable de participer au monde qui l’entoure, à sa manière.

NOTRE AVIS: ***

Sur dix-sept candidatures à des écoles de la région une seule a donné réponse à la famille de la jeune Ema, six ans, souffrant de troubles autistiques. Fille de scientifiques, la famille n’a pas hésité à déménager à la campagne pour donner ses chances à leur fille dans ce nouvel environnement.
Le film touche par son côté documentaire : la caméra filme sans être intrusive le quotidien d’Ema dans sa nouvelle école ; les comportements spontanés des jeunes enfants envers elle, l’attention particulière de la maîtresse. La vie à la campagne révèle un monde sans jugement, où la famille s’intègre vite.
Petit à petit, dû à l’extrême bienveillance de son entourage, Ema progresse et arrive à interagir avec ses camarades et sa famille. A chaque étape, les regards larmoyants des parents nous bouleversent, ils témoignent des combats gagnés par leur fille sans que la parole ne soit nécessaire.
Betania Cappato la réalisatrice s’inspire dans ce long-métrage de l’histoire de son frère : diagnostiqué comme autiste, à l’âge de six ans il fut accepté dans une unique école où il réussit grâce aux stimulations de son environnement à parler, puis lire et écrire.
Le film questionne le rôle de l’entourage mais aussi du système scolaire dans la prise en compte de l’autisme. Un film touchant sur « l’adaptation contre l’adversité de l’environnement» et la nécessité de faire fi des diagnostiques pour laisser le temps à chaque personne d’évoluer différemment face aux stimulations et à la bienveillance de l’entourage. [J.R]


 

Fighter
Republique de Corée
de Jéro Yun
avec Lim Seong-mi, Baek Seo-bin, Oh Kwang-rok, Lee Seung-yeon, Park Seo-yoon, Kim Yoon-seo

Après avoir réussi à s’échapper de la Corée du Nord et passé des mois dans un centre d’insertion sociale, Jina emménage dans son nouvel appartement à Séoul. Cependant, le chemin vers une vie autodéterminée continue de poser problème à la jeune femme. Sa mère, qui est devenue une étrangère pour elle, vit quelque part en ville, tandis que son père est toujours coincé dans le nord. Afin de réunir l’argent nécessaire à son évasion, Jina travaille jour et nuit. Après une période d’échecs, elle change de tactique. Alors qu’elle travaille dans un gymnase, elle enfile ses gants de boxe. La simple tension de son corps reflète la lutte pour la reconnaissance bien au-delà du ring de boxe.

NOTRE AVIS: pas vu


 

From the Wild Sea
Danemark
de Robin Petré
avec Dan Jarvis, James Barnett, Sydney Rachael Stone, Sam Brittain

Les tempêtes se déchaînent le long des côtes européennes et font des ravages. Les volontaires se préparent pour l’hiver. Les bébés phoques blessés sont nourris avec des aliments liquides et réchauffés par des lampes à infrarouge. Les cygnes souillés d’huile sont soumis à des bains de mousse. L’un d’eux regarde fixement dans l’œil d’une baleine géante échouée. Et la baleine nous regarde en retour.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Han Nan Xia Ri (Summer Blur)
Chine
de Han Shuai
avec Gong Beibi, Huang Tian, Zhang Xinyuan, Yan Xingyue, Luo Feiyang, Wang Yizhu, Xie Lixun, Chen Yongzhong

Comme un sismographe, Guo, 13 ans, traverse le premier long métrage de Han Shuai : enfermée dans une série de gros plans, plus observatrice que participante, elle enregistre tranquillement toutes les secousses qui provoquent l’effondrement du tissu social de son milieu ouvrier. Guo est témoin de la noyade accidentelle de son amie dans la rivière, ce qui l’empêche de faire face à ses sentiments de chagrin, de culpabilité et de nostalgie. La chaleur de l’été est aussi oppressante que les avances excessives d’un de ses camarades de classe, le chant strident des cigales imprégnant la désolation de sa maison sans amour dans la banlieue de Wuhan, loin d’une mère dont la présence dans sa vie se limite à des messages vocaux.

NOTRE AVIS: **(*)

Han Shuai articule tout le récit, dont elle est l’auteur, de son premier long métrage autour de sa jeune héroïne incarnée par Huang Tian. Guo, tel est son prénom, est témoin d’un drame dont la victime mortelle est l’un de ses amis. Un sentiment de culpabilité nait alors chez la fillette.

La réalisatrice procède par des gros plans pour suivre Guo. La caméra observe donc la jeune fille de 13 ans, elle-même observatrice des évènements qui vont composer son quotidien. Guo est bien plus témoin que partie prenante des actions relatées. Au fil d’une narration marquée par peu d’intensité, l’héroïne spectatrice évolue tant bien que mal au sein d’un environnement familial délité.

Summer blur prend ainsi les allures d’une chronique simple doublée d’un parcours initiatique sans amour et peu exaltant. Mais dans son errance narrative, Han Shuai oublie de porter une conclusion à la trajectoire filmée sans éclat. [P.N.]


 

Jong chak yeok (Short Vacation)
Republique de Corée
de Kwon Min-pyo, Seo Hansol
avec Seol Si-yeon, Bae Yeon-woo, Park So-jung, Han Song-hee

Armées de vieux appareils photo jetables, quatre jeunes filles partent à la recherche du bout du monde. Cela ressemble à une aventure, mais lorsque les jeunes membres du club de photographie arrivent à la dernière station de la ligne 1 du métro métropolitain de Séoul, à la périphérie sud de la ville, il s’avère que les voies ferrées continuent indéfiniment – comme si le fait d’arriver jusqu’ici n’avait fait qu’agrandir leur monde. Sans se décourager, inspirés par la liberté illimitée des vacances d’été, ils poursuivent leur expédition à pied : ils rient sous la pluie, posent sur une route de campagne déserte, se perdent dans des conversations sur les choses qu’ils rencontrent et sur ce qui les touche. À la fin, il ne reste qu’un sentiment, et une image – celle d’une longue journée et d’une nuit d’été à la périphérie, avec des amis.

NOTRE AVIS: **

Kwon Min-pyo et Seo Hansol nous proposent de suivre quatre jeunes adolescentes, amies scolaires, dans une escape (Short vacation). Une escape buissonnière dans la campagne environnante de Séoul. Smartphone ou appareil photographique en main, quelques clichés pris viendront interrompre une narration des plus diffuses.

Short vacation semble être le fruit du montage d’une grande quantité de rushes. De cette quantité probablement importante, Kwon Min-pyo et Seo Hansol sélectionnent les instants d’oubli de la présence de la caméra par les quatre jeunes protagonistes. Les saynètes sans réel lien entre elles défilent sur l’écran dans une sorte de patchwork. Short vacation, sans début, sans fin, sans progression narrative, sans changement de ton peine à intéresser. Le film s’apparente à une simple chronique sans réelle finalité. On retient finalement l’escapade filmique marquée par sa (trop ?) grande liberté formelle. [P.N.]


 

Last Days at Sea
Philippines/ Taïwan
de Venice Atienza
avec John Russel Rey „Reyboy“ Paño, Cresente „Buboy“ Betonio, Cleofe „Neneng“ Betonio, Florecita „Babe“ Paño, Emibie Paño

Reyboy, 12 ans, va bientôt quitter son village de Karihatag pour aller à l’école en ville. Il aime la mer, le bruit constant des vagues dans ses oreilles et le regard vers le large horizon qui s’étend devant ses yeux. La petite communauté dans laquelle vit sa famille supporte stoïquement les défis de la pauvreté, de la surpêche et de l’exode rural. Malgré le départ imminent de Reyboy, ses parents espèrent qu’en lui disant au revoir, ils lui donneront la possibilité d’avoir un meilleur avenir. Venise Atienza accompagne étroitement le garçon pendant cette période et ensemble ils s’immergent dans le lieu de son enfance. Ils observent les étoiles et les rythmes de l’océan, déchiffrent les images des nuages et font l’expérience de l’arrêt du temps.

NOTRE AVIS: **

Un documentaire sur l’enfance de Reyboy, douze ans, que la réalisatrice avait rencontré dans son petit village de pêcheurs aux larges de la Philippines quelques années plus tôt.
Ce long métrage laisse la parole au jeune enfant pour nous conter sa vie au sein de ce petit coin de paradis ainsi que ses projets. Venice Atienza nous fait ressentir toute la complicité créée entre elle et Reyboy alternant des images de l’enfant et de ses activités, mais lui laissant aussi certaines fois la caméra. L’atout de ce documentaire réside dans le déplacement de la caméra filmant aussi la vie sur l’île de manière plus générale et Venice Atienza arrive avec justesse à entremêler témoignages de Reyboy et le témoignage des familles ; une vision plus pragmatique de la vie au village où les conditions de travail et économiques contrastent avec la vision paradisiaque du village.  [J.R]


 

La Mif
Suisse
de Fred Baillif
avec Claudia Grob, Anaïs Uldry, Kassia Da Costa, Joyce Esther Ndayisenga, Charlie Areddy, Amélie Tonsi, Amandine Golay, Sara Tulu, Nadim Ahmed, Isabel De Abreu Cannavo

Sept filles vivent sous le même toit mais ne se sont pas choisies, comme une famille. Issues de milieux difficiles, ici, dans la maison d’accueil, les filles trouvent une nouvelle communauté, d’une manière qu’elles n’avaient jamais connue auparavant. Elles partagent la joie et la douleur, se rebellent passionnément contre les défauts de leur environnement – les tempéraments des jeunes femmes sont différents, leur soif de vivre est grande, leur place dans la société trop précaire pour que les choses ne soient que paix, amour et harmonie.

NOTRE AVIS: ***

Ce film s’attaque à un sujet qui en général touche. La bonne forme est toujours difficile à trouver. L’année dernière, à la Berlinale, sur un sujet un peu proche, les allemands avaient été touchés par le pourtant banal Benny, qui valait surtout pour la performance de la jeune actrice, justement remarquée. La forme était trop appuyée, sans véritable prise de risque, elle ne servait pas particulièrement son sujet. Nous nous souvenons également de ce jour où nous avions découverts Short Term 12 qui allait se renommer States of Graces de Destin Cretton au festival de Deauville et du véritable coup de coeur que nous avions pu avoir. La forme empruntait alors au style documentaire, tout en s’intéressant au plus prêt à l’intimité de ces personnages essentiels, les éducateurs. En effet, l’émotion brute n’en est que plus forte que lorsque nous pouvons les vivre au travers de médiateurs, des éducateurs auxquels nous avons pu nous identifier, qui font appel à notre humanité. Ils sont ceux que nous aurions pu être, ils nous rappellent nos propres parcours, ils sont proches de nous. Précisément, La Mif, a l’excellent idée d’adopter un procédé assez semblable pour un résultat dans l’ensemble réussi, l’émotion étant bel et bien au rendez-vous. De façon étonnante, le reproche que l’on pourrait adresser au film est aussi une de ses qualités, le rapport au pathos. D’un côté, le film cherche à esquiver, à se détourner d’un pathos trop direct, de s’en servir comme matière première, en faisant le choix d’utiliser la musique pour évoquer des situations tendues, et les résumer, de l’autre, il puise dans des éléments dramatiques pour faire rebondir son histoire, aiguiller le spectateur. A ce niveau, il ne permet pas plusieurs niveaux de lecture, et peut, de facto, emprisonner le spectateur.


 

Mission Ulja Funk
Allemagne/ Luxembourg/ Pologne
de Barbara Kronenberg
avec Romy Lou Janinhoff, Jonas Oeßel, Hildegard Schroedter, Luc Feit, Anja Schneider, Ivan Shvedoff, Christina Große, Janina Elkin, Peter Trabner, Martina Eitner-Acheampong

Un service pour enfants dans une chapelle du centre de l’Allemagne. Alors que les présentations les plus étranges sont applaudies, la conférence d’Ulja sur l’astronomie est coupée. Mais la future scientifique de 12 ans vient de découvrir son premier astéroïde ! Ne voulant pas concilier providence divine et science, la grand-mère russe allemande d’Ulja se débarrasse sans ménagement de l’équipement technique de sa petite-fille. Ulja, furieuse, part avec son camarade de classe Henk dans le corbillard familial pour la Biélorussie, où son astéroïde est censé s’écraser bientôt. Une course-poursuite originale commence, avec des arrêts colorés qui mettent en lumière des conflits longtemps en suspens et les font apparaître sous un jour nouveau. Au cours de leur voyage sinueux, les moralisateurs sont démasqués comme des hypocrites et les familles, amis, amants et nations divisés sont réunis.

NOTRE AVIS: pas vu


 

Nelly Rapp – Monster Agent
Suède
de Amanda Adolfsson
avec Matilda Gross, Lily Wahlsteen, Marianne Mörck, Johan Rheborg, Björn Gustafsson, Jens Ohlin

Nelly a sa propre façon de voir les choses. Là où d’autres sont effrayés, elle reste imperturbable. Des monstres dans la cave ? Une raison de plus pour vérifier l’endroit ! Pas d’amis ? Nelly s’en sortira. En fouillant dans le manoir labyrinthique de l’oncle Hannibal, Nelly tombe sur un secret incroyable : sa famille maintient la paix entre les humains, les zombies, les vampires et d’autres créatures horribles depuis des décennies, en tant que membres d’une brigade internationale d’agents monstres. Nelly veut elle aussi chasser les monstres, et elle s’emploie à soulever pas mal de poussière. Mais que faire si elle a été induite en erreur quant à la personne réellement responsable de la peur et de la rareté ?

NOTRE AVIS: **

Nelly est une jeune fille qui a du mal à s’intégrer dans son école. Fascinée par les monstres, son spectacle de fin d’année dérange. Après cet échec, elle est conduite par son père dans le château de son grand-père pour le week-end. Elle y apprendra qu’elle descend d’une lignée de « Monster agents »…
Ce long-métrage pour enfant fascine par son esthétique et ses couleurs pastels. Matilda Gross dans le rôle de Nelly est une jeune fille audacieuse et drôle. Le film s’inspire explicitement de l’univers d’Harry Potter. Les monstres et les costumes nous émerveillent et à l’instar de Cryptozoo -en compétition également dans la catégorie Génération- le film prône la différence et l’acceptation d’autrui mais cette fois dans un univers réellement dédié au jeune public. Mélangeant horreur enfantine et humour, Nelly Rapp Monsteragent est un film pour enfant réussi et intelligent. [J.R]


 

Ninjababy
Norvège
de Yngvild Sve Flikke
avec Kristine Kujath Thorp, Arthur Berning, Nader Khademi, Tora Dietrichson, Silya Nymoen, Herman Tømmeraas

Astronaute. Ou goûteur de bière. Ou peut-être garde forestier. Et puis, il y a bien sûr illustratrice de bandes dessinées. Rakel ne manque pas d’idées quant à ce qu’elle aimerait être un jour. Cependant, être enceinte n’est certainement pas sur la liste. Quel genre de ninjababy sournois est-ce donc ? D’abord, il parvient à rester incognito pendant six mois, jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour faire quoi que ce soit, puis il se fait remarquer en s’immisçant dans la vie de Rakel à chaque instant. C’est comme si le bébé était aussi dans sa tête, et pas seulement dans son ventre ! Elle doit maintenant découvrir qui est le père et l’amener à prendre ses responsabilités – ou, s’il ne le fait pas, essayer de garder ses distances par rapport à toute cette histoire. Puis elle doit dissuader le fœtus de bande dessinée d’essayer d’être adopté par Angelina Jolie.

NOTRE AVIS: **

Ce « feel good movie » norvégien porte un regard moderne sur la question de l’avortement (et de la maternité). Nous avons aimé son rythme très vivant, son point de vue féminin, son sens de l’humour et son actrice principale très drôle et touchante à la fois. [SH]


 

Stop-Zemlia
Ukraine
de Kateryna Gornostai
avec Maria Fedorchenko, Arsenii Markov, Yana Isaienko, Oleksandr Ivanov

C’est l’avant-dernière année de lycée de Masha, Iana et Senia. Parmi les plantes en pot florissantes de la salle de classe et au son d’une leçon de biologie sur les signes physiques du stress, les jeunes protagonistes se débattent avec eux-mêmes et les uns avec les autres. Masha, 16 ans, est le centre tranquille du premier long métrage de Kateryna Gornostai. Évitant les récits simplifiés et la psychologie trop simpliste, le film la dépeint comme une personne introvertie, sensible et amoureuse de Sasha, un autre camarade de classe dont l’attitude distante et la passivité constituent pour elle un défi perpétuel. Lorsque Masha danse seule dans sa chambre la nuit, au-dessus des toits d’une ville quelque part en Ukraine, rien de tout cela ne semble mis en scène. Il s’agit plutôt d’une invocation du moment présent, d’une émotion authentique – et de la douleur.

NOTRE AVIS: ***

Stop-Zemlia est le premier film de la jeune réalisatrice Kateryna Gornostai. Tourné en Ukraine le film explore les sentiments et les questionnements de jeunes lycéens en proie à leur avenir, mais aussi au temps présent, à l’amour et l’amitié.
Entremêlant les formats film et documentaire, nous suivons tour à tour chaque élève d’une classe de terminale. L’intrigue se tisse notamment autour de Masha et ses amis, et de Sasha, dont Masha est amoureuse. Le film n’a rien d’un premier film académique et Kateryna Gornostai arrive à faire coïncider deux genres dans une exploration intimiste de chaque protagoniste et de leurs ressentis, du rapport à autrui -la famille, les amis- à cet âge où les questions sont plus nombreuses que les réponses.
De jolis plans se répondent au sein de ce long-métrage, s’agissant de Sasha filmé de face, avançant avec le reste de sa classe, ou de Masha et les autres filles filmées de la même manière. Alternant gros plans sur des détails, tels que des expressions du visage, une conversation sur le téléphone portable et plans larges, le film explore les émotions personnelles mais aussi les émotions que nous pouvons ressentir au sein d’un groupe social plus large.
Implicitement, le film en dit beaucoup sur le contexte social et politique ukrainien, abordant les difficultés à trouver une place dans l’éducation supérieure mais pouvant aussi évoquer la guerre du Donbass à travers la réaction de Senya lors d’une séance de tir.
Mais ce long métrage est surtout un film sur les jeunes et pour les jeunes. A travers des histoires personnelles auxquels les jeunes adultes peuvent se comparer, Kateryna Gornostai livre un message d’espoir et de réconfort, qui se résume dans le sous-titre du film « If you don’t dare, you’ll never know ».

 


 

Tabija (The White Fortress)
Canada / Bosnie Herzegovine
de Igor Drljača
avec Pavle Čemerikić, Sumeja Dardagan, Jasmin Geljo, Kerim Čutuna, Alban Ukaj, Farah Hadžić, Hasija Borić, Irena Mulamuhić, Jelena Kordić Kuret, Bilal Halilović

Une lente mélodie de piano résonne dans les bâtiments préfabriqués de Sarajevo. Faruk, qui vit avec sa grand-mère, se bat comme beaucoup de ses pairs pour tenter d’échapper à la pauvreté en faisant des affaires louches. Un jour, dans un grand magasin, il rencontre Mona, qui vient d’un tout autre Sarajevo : des villas modernes et hermétiques de la périphérie. Un garçon rencontre une fille. Tabija oscille entre le thriller et le conte de fées. Dans des images à plusieurs niveaux, le film raconte les rêves romantiques de jeunes gens et documente simultanément de manière tangible l’atmosphère du Sarajevo d’après-guerre. Au moment où Mona et Faruk regardent la vallée dorée depuis la forteresse blanche sur la ville, sur un monde dans lequel leur connexion n’est pas prévue, il y a aussi une déclaration d’amour pour Sarajevo.

NOTRE AVIS: **

Igor Drljača provoque la rencontre entre ses deux personnages principaux – Mona (Sumeja Dardagan) et Faruk (Pavle Čemerikić) – que rien ne prédestinait à se rencontrer.

Faruk est orphelin vit avec sa grand-mère dans la banlieue sans âme de Sarajevo. Il assiste son oncle dans la récupération et le retraitement de matériaux. Mona est la fille de notables et réside aussi dans banlieue de la capitale de la Bosnie-Herzégovine mais dans un quartier bourgeois. La rencontre de ces deux adolescents que bien des choses opposent est fortuite. La romance qui en découlera est donc inattendue sur fond de construction identitaire pour ces deux jeunes gens. Le mystère sur cette rencontre fait long feu, à l’extrême, alors que Igor Drljača s’applique à intégrer dans son film quelques codes du thriller.

Natif de Sarajevo mais désormais résident canadien depuis la guerre civile du milieu des années 90, Igor Drljača ambitionne de tirer un portrait contemporain, social, politique et même, en fin de film, touristique de sa ville natale. Sarajevo se révèle désormais moins cosmopolite et plus inégalitaire que par le passé. Les classes sociales s’imperméabilisent car la capitale bosniaque n’offre plus ce type d’opportunités. Ce constat et cette lettre d’intention du réalisateur n’émergent pas dans Tabija. En effet, Igor Drljača a opté pour la réalisation d’un film uni-temporel. Tabija, pleinement contemporain, est orphelin d’un récit portant sur le mitan des années 90 à Sarajevo. Sans ce versant, le film ne fournit pas d’éléments de comparaison. [P.N.]


Forum :

A pas aveugles
France / Allemagne
de Christophe Cognet
avec Christophe Cognet, Tal Bruttmann, Corinne Halter

Bien qu’ils risquent leur vie, les prisonniers des camps de concentration et d’extermination prennent des photos et parviennent même à faire passer clandestinement des boîtes de films au-delà des portes du camp. Pourtant, leurs espoirs de galvaniser l’opinion publique mondiale pour qu’elle agisse resteront vains.

NOTRE AVIS: pas vu


Anmaßung (Anamnesis)
de Chris Wright, Stefan Kolbe
avec Nadia Ihjeij, Josephine Hock

« Que voit-on quand on ne peut rien voir ? » C’est la question que Chris Wright, l’un des deux réalisateurs, pose hors-champ au début. C’est une grande question, qui l’amène au cœur d’un dilemme clé du cinéma documentaire.
Ce que nous ne voyons pas, c’est le visage du personnage le plus important du film, Stefan S., qui purge une peine de prison à vie dans une prison du Brandebourg. Il peut sortir de la prison de temps en temps ; la libération conditionnelle est également une possibilité, mais le poids de la culpabilité pèse lourd. Stefan S. a tué une de ses collègues féminines après l’avoir harcelée. Cela génère un malaise. Qui veut avoir affaire à un criminel ? Qui veut même le voir ?

NOTRE AVIS: pas vu


Doch rybaka (Tzarevna Scaling)
de Uldus Bakhtiozina
avec Alina Korol, Viktoria Lisovskaya, Valentina Yasen, Aleksandra Kysotskaya, Albina Berens, Seraphima Soloviova, Xenia Popova-Pendereckaya, Uldus Bakhtiozina, Adelia Severinova, Maria Pavlova

La poissonnière Polina dort mal car elle s’inquiète pour son frère. Un thé que lui offre une étrange vieille femme transforme son sommeil en un conte de fées. Dans une sorte de monde souterrain, elle participe à un concours qui vise à déterminer si elle a ou non les qualités requises pour devenir une Tzarevna, ou fille de tsar. La Tzarevna est une figure archétypique du folklore russe et du monde des contes de fées. Et le film est lui-même un conte de fées, dans lequel Polina doit passer plusieurs épreuves pour revenir à la fin comme une personne différente.

NOTRE AVIS: pas vu


Esquí (Ski)
de Manque La Banca
avec José Alejandro Colin, Segundo Botti, Shaman Herrera, Fernando Gabriel Eduard, Axel Nahuel Villegas, Aixa Iara Snaidman, Antonio Snaidman, Bárbara Anguita, Matilde Apellaniz, Mane Medina

Il y a un monstre dans le lac Nahuel Huapi. Au crépuscule, il s’étale à la surface de l’eau comme une peau de vache tendue, agrippant ses victimes avec des griffes acérées. Un autre monstre se cache également dans les environs du lac, qui se trouve près de Bariloche, dans les Andes argentines. Il s’appelle Capa Negra : le Cap noir. Il hante les pistes de ski la nuit et doit être évité à tout prix.

NOTRE AVIS: pas vu


The First 54 Years – An Abbreviated Manual for Military Occupation
France / Finlande / Israel / Allemagne
de Avi Mograbi
avec Avi Mograbi, Zvi Barel, Shlomo Gazit

Espérons qu’aucun téléspectateur ne tentera sérieusement de mettre en pratique ce qu’Avi Mograbi nous propose depuis son fauteuil de salon : un guide pratique de l’occupation militaire. Ses réflexions stratégiques ont le vernis innocent de considérations générales sur la manière dont on peut réussir à occuper un territoire étranger contre toute résistance. Son principal exemple est l’occupation israélienne des territoires palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Les déclarations de soldats israéliens sur leur service là-bas, recueillies par l’organisation Breaking the Silence, donnent un aperçu des étapes historiques de l’occupation et de ses routines quotidiennes, qui sont en place depuis des décennies. Ces descriptions sans émotion de l’arbitraire et de la cruauté du quotidien sont déchirantes et difficiles à écouter.

NOTRE AVIS: pas vu


Garderie nocturne
Burkina Faso / France / Allemagne
de Moumouni Sanou
avec Odile Kambou, Fatim Tiendrebeogo

Dans le quartier de Bobo-Dioulasso, près de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, les prostituées confient leurs enfants à Mme Coda, une femme âgée qui s’occupe d’innombrables enfants depuis des décennies, tandis que leurs mères partent travailler dans la rue la nuit. Au fil des ans, le réalisateur Moumouni Sanou a réussi à gagner la confiance de toutes les personnes impliquées dans cette structure unique, ainsi qu’à obtenir des informations sur la vie d’Odile et de Farida, qui dépendent toutes deux des services de Mme Coda. Il observe avec tendresse tous les aspects de leur situation, y compris le travail domestique, les temps morts et les moments les plus intimes de la maternité, ainsi que leur relation avec Mme Coda et la façon dont elle élève leurs enfants.

NOTRE AVIS: pas vu


The Inheritance
USA
de Ephraim Asili
avec Eric Lockley, Nozipho McClean, Chris Jarrell, Julian Rozzell Jr.

Julian hérite de sa grand-mère une maison dans l’ouest de Philadelphie et demande à sa petite amie Gwen d’y emménager, mais elle n’est que le premier membre de la communauté qui s’installe avec lui dans ses murs aux couleurs vives. Avec le couple fondateur, le collectif de sept personnes ne tarde pas à réciter de la poésie afro-américaine, à lire des théories post-coloniales, à organiser des séminaires sur les langues soudanaises et à participer à des jam-sessions aux accents de jazz. Le coffre de documents sur l’expérience noire au sens large, apparemment laissé par la grand-mère, constitue une source d’inspiration parfaite à cette fin.

NOTRE AVIS: pas vu


Jai Jumlong (Come Here)
Thailande
de Anocha Suwichakornpong
avec Apinya Sakuljaroensuk, Waywiree Ittianunkul, Sirat Intarachote, Sornrapat Patharakorn, Bhumibhat Thavornsiri

Comment reconstituer le puzzle si l’image est manquante ? On part des pièces individuelles et on voit comment elles s’assemblent. Voici les quatre jeunes acteurs en voyage à Kanchanaburi, « une ville si significative, je préférerais mourir si je ne peux pas être avec toi », comme le dit la chanson. Ils logent dans une cabane dans la forêt, près de la rivière, boivent sur la terrasse, discutent et regardent les feux d’artifice la nuit, scène qu’ils rejoueront plus tard sur le plateau à Bangkok. La jeune femme harcelée est perdue dans la même forêt, ou peut-être dans le rêve de la jeune actrice ; lorsque l’écran se divise en deux parties distinctes, on ne sait pas non plus comment elles s’assemblent. Le quatuor est venu à Kanchanaburi pour voir le musée, mais il est fermé pour rénovation, même s’il parvient à se promener le long du Hellfire Pass. Vous pouvez entendre les bruits de la construction tandis que le décor défile dans le train ; vous pouvez voir les rails se précipiter vers vous depuis la fenêtre du décor de théâtre. Si vous suivez le chemin de fer de la mort en revenant de l’ouest, vous atteignez également Bangkok, qui abritait autrefois le zoo Dusit ; les acteurs gloussent, hurlent et aboient également, en ville comme à la campagne. Et si l’image manquante n’était pas un lieu ou un moment dans le temps, mais plusieurs ?

NOTRE AVIS: pas vu


Juste un mouvement
France
de Vincent Meessen
avec Dialo Blondin Diop, Ousman Blondin Diop, Marie-Thérèse Diedhiou, Alioune Paloma Sall, Bouba Diallo, Cheikh Hamalah Blondin Diop, Felwine Sarr, Malal Almamy Tall, Fi Lu, Doudou Fall

Sur les photos de Paris de la fin des années 1960, on le voit dans la foule, non loin de Daniel Cohn-Bendit. A Nanterre, il est étudiant en philosophie et militant. Il préfère lire Foucault que le Petit Livre rouge de Mao, ce qui n’empêche pas Jean-Luc Godard de lui donner le rôle d’un exégète de Mao dans La chinoise.

NOTRE AVIS: pas vu


Mbah Jhiwo (Ancient Soul)
Espagne
de Alvaro Gurrea
avec Yono Aris Munandar, Sayu Kholif, Musaena’h, Ach. Efendi, Nurussalam, Roni Hidayat

L’intrigue est simple, voire archétypique, c’est pourquoi elle se prête si bien à la répétition. Yono est un mineur de soufre qui vit dans l’est de Java. Un jour, sa femme Oliv le quitte et il tente de la récupérer. Un autre jour, sa mère tombe malade, et il essaie de la guérir. Le dénouement de l’intrigue est inchangé à chaque répétition, bien que les trois variantes qui en résultent soient loin d’être identiques, car l’un des systèmes de croyance qui informent habituellement la vie en commun est mis en avant à chaque fois : l’animisme, l’islam et enfin le capitalisme. Oliv est donc à reconquérir par la magie, le pèlerinage ou Facebook, tandis que la guérison de la mère de Yono passe par la cérémonie, la prière ou de simples signes vitaux. La verdure cède la place aux panneaux publicitaires et aux néons, les crypto-monnaies et les téléphones portables jettent de nouveaux sorts, même si chaque nouvelle facette tirée du décor contribue à dresser le portrait d’un seul et même lieu. Peu importe ce qui se pratique autour d’elle, la montagne continue de cracher de la fumée sulfureuse, rendant les contours indistincts et les frontières floues, comme le film lui-même : un nuage gonflant et inclassable d’anthropologie, de parabole, de métaphysique, d’observation et de collaboration, où les cinéastes eux-mêmes apparaissent brièvement.

NOTRE AVIS: pas vu


No táxi do Jack (Jak’s Ride)
Portugal
de Susana Nobre
avec Amindo Martins Rato, Maria Carvalho, Joaquim Veríssimo

Joaquim est à la fin de sa vie professionnelle. Selon un accord passé avec son employeur, il pourra prendre sa retraite après une brève période de chômage. Mais il doit d’abord présenter quelques demandes d’emploi symboliques pour prouver qu’il a essayé de trouver du travail. Sa tournée le mène dans les zones industrielles de la campagne portugaise, où les usines sont à l’arrêt. Il y a peu de travail, mais tout le monde a besoin d’un emploi quelconque, fourni par les programmes gouvernementaux si nécessaire. C’est de là que Joaquim est parti dans les années 70 pour tenter sa chance à New York, où il a travaillé comme chauffeur et chauffeur de taxi et vu le monde. New York, en tant que rétroprojection et point de référence autobiographique, constitue un thème important du film, qui joue admirablement avec la frontière entre réalité et fiction. Joaquim a du style et un air d’urbanité. Toujours bien soigné et portant une chemise à motifs flamboyants, il rappelle les stars de la télévision américaine des années 70 lorsqu’il se déplace dans sa Mercedes Elegance, notamment en raison du format 4:3. Il a joué beaucoup de rôles dans sa vie : ouvrier, immigrant, mari et ami. Comment se comportera-t-il en tant que retraité ? Ce serait un plaisir d’avoir de ses nouvelles de temps en temps.

NOTRE AVIS: pas vu


Qué será del verano (What Will Summer Bring)
Argentine
de Ignacio Ceroi
avec Ignacio Ceroi, Mariana Martinelli, Charles Louvet

Au départ, un objet trouvé : une caméra vidéo achetée par le réalisateur sur un site d’enchères en ligne lors d’une visite prolongée dans le sud de la France pour voir sa petite amie fin 2019. Sa voix off explique qu’il a trouvé des séquences encore stockées sur la caméra et qu’il souhaite les utiliser pour réaliser quelque chose pour le cinéma. Pour ce faire, il doit obtenir la permission de l’ancien propriétaire de la caméra, un homme âgé nommé Charles.

NOTRE AVIS: pas vu


A River Runs, Turns, Erases, Replaces
USA
de Shengze Zhu

Il y a les images d’avant, les images d’après et les lettres. Les images de l’après viennent en premier, elles proviennent de la même caméra de surveillance de Wuhan, des rues vides qui ne se rempliront à nouveau de monde que le 4 avril 2020, lorsque la sirène retentira également et qu’ils resteront en silence. Les images d’avant forment le reste du film, la caméra repérant des scènes d’une beauté improbable, sans ostentation, alors qu’elle sillonne la métropole, les examinant pendant de longues minutes, comme une symphonie urbaine sans musique. Wuhan s’élance toujours plus loin dans le futur, une ruche de construction qui fait naître des ponts et des bâtiments éclairés au néon des champs brumeux et des décombres, alors même que les buffles d’eau paissent encore. Les quatre lettres sont adressées à un partenaire, une grand-mère, un père et une fille, tous disparus. Leurs mots apparaissent sous forme de texte et les images qu’ils évoquent se superposent à celles de l’écran, visions du passé d’une mélancolie équivalente : la foule sur les berges, un pavillon submergé, le premier voyage en métro qui passe sous le Yangtsé, une vie qui nage dans le fleuve, qui se confond avec le ciel brumeux au loin. Tant d’eau sous le pont, mais le fleuve continue de couler. Il n’oublie pas.

NOTRE AVIS: pas vu


Sichuan hao nuren (The Good Woman of Sichuan)
Canada
de Sabrina Zhao
avec He Weihang, Zhao Ruobing

Nous ne voyons pas la femme dans le train qui traverse le Sichuan, seulement les arbres, les rivières, les lacs et les maisons qui passent devant la fenêtre, disparaissant derrière le flou de la végétation, segmentée par les tunnels. Il s’agit peut-être de l’une des deux femmes que nous observons plus tard à Leshan, au bord de la rivière, chez le coiffeur, en train d’acheter des vêtements, dormant sur le rebord de la fenêtre, bien que les cadrages restreints signifient que la ville est plus entendue que vue. Parmi les femmes que nous entendons en voix off, l’une d’entre elles est une actrice qui parle de la pièce sur laquelle elle travaille, une mise en scène abstraite et fluide de « La bonne personne de Szechwan » de Brecht, montée par une metteuse en scène, qui se déroule également à Leshan. Mais qu’est-ce que la fluidité ? Si l’intertitre ne précise pas qu’il ne s’agit pas d’une adaptation, l’actrice pourrait aussi parler de ce film, qui partage ces qualités ainsi que d’autres de la pièce. Ici, on ne passe pas d’une femme à un homme, mais d’un mode, d’un format et d’un registre à l’autre, comme des pensées qui s’éparpillent au réveil, de la stase au mouvement, de la haute définition au grain, des mots à l’absence de mots, du bruit au silence, de la fiction au documentaire ; la caméra se reflète dans la fenêtre du train. Toute ressemblance avec l’imaginaire ou le rêve est purement fortuite.

NOTRE AVIS: pas vu


Taming The Garden
Suisse / Allemagne / Georgie
de Salomé Jashi

Un vieil arbre à la couronne magnifique flotte sur la mer. Ce qui ressemble à un tableau surréaliste est l’une des images les plus captivantes du livre Apprivoiser le jardin de Salomé Jashi. Captivante et ambivalente à la fois, car le transport de l’arbre fait partie d’un projet ridicule. Un homme extrêmement riche et politiquement puissant collectionne de vieux arbres, qu’il a déterrés et amenés dans son jardin. Les téléspectateurs discutent de la raison pour laquelle il fait cela et de ce qu’ils doivent en penser. Tout simplement parce qu’il peut se permettre un passe-temps aussi excentrique, peut-être ? Aussi absurde que puisse paraître la transplantation des arbres, elle est un signe de pouvoir, de richesse sans complexe et de conquête de la nature.

NOTRE AVIS: pas vu


Ste. Anne
Canada
de Rhayne Vermette
avec Isabelle d’Eschambault, Jack Theis, Valerie Marion, Dolorès Gosselin, Roger Vermette, Andrina Turenne, Denise Tougas, Yvette Deveau, Paulette Cooksey, Rhéanne Vermette

La réunion au coin du feu bat son plein quand la nouvelle arrive : Renée est revenue. Elle revient s’installer dans la maison familiale rurale que son frère Modeste partage désormais avec sa femme Elenore. Tous deux ont élevé la petite fille de Renée, Athéne, comme si elle était la leur. Athène essaie de comprendre la nouvelle situation, même si les pieds de sa mère commencent déjà à la démanger. Renée possède un terrain vague à Sainte Anne, au Manitoba, celui qui figure sur la photo qu’elle montre à Athène, où une maison attend d’être construite. Mais ce n’est pas toute l’histoire, si tant est que l’on puisse parler d’histoire la plupart du temps, c’est plutôt un ensemble d’impressions, de fragments, du territoire du Traité n° 1, de la vie quotidienne de la nation métisse, à laquelle appartient la famille de Renée, tout comme la famille du réalisateur qui les incarne, elle-même dans le rôle de Renée. Un chien dans la neige, des nonnes qui rient, des mains sur des tables chargées, des ombres sur le plastique ondulé, le bruit du train et l’image du terrain vague, encore et encore : dans le celluloïd vacillant, les couleurs fluctuent, le mouvement se relâche, les espoirs et les rêves se transforment en réalité et le passé et le présent se confondent. Contrairement à ce que dit Athéne au début, tu ne dois pas avoir peur des endroits que tes visions trouvent.

NOTRE AVIS: ***

Ce très beau film expérimental, tourné en 16 mm (avec une qualité d’image et des couleurs impressionnantes), met en avant une composition de fragments, d’impressions et de sensations plutôt qu’une narration. Il s’agit d’un projet personnel, non seulement parce que la réalisatrice joue elle-même le rôle principal (Renée), mais aussi parce qu’il est rattaché à un territoire et à un mode de vie que la cinéaste connaît profondément. Même si le film parle d’une quête d’identité.

En ce qui concerne le récit (plus important dans la deuxième moitié du film), Ste. Anne est une adaptation libre de Paris-Texas. Renée revient après quatre ans d’absence pour voir sa fille qu’elle avait abandonnée auparavant. Nous voyons, à travers des flashbacks, qu’elle avait brûlé la maison, comme Travis dans Paris-Texas. Renée donc est un Travis déclinée au féminin, et le film reste fidèle à l’univers de Wenders.[SH]


La veduta luminosa (The Luminous View)
Italie / Espagne
de Fabrizio Ferraro
avec Alessandro Carlini, Catarina Wallenstein, Freddy Paul Grunert

La toile d’araignée est faite sur mesure pour l’œil de la mouche, dit M. Emmer dans un moment de légèreté. Les fils de la toile sont tissés de telle manière qu’ils restent invisibles à l’œil. La mouche s’envole sans se douter du désastre.
La veduta luminosa est elle-même une sorte de toile qui vient envelopper le spectateur – non pas aveuglément comme la mouche, mais envoûté par les images, composées de surfaces floues ou très nettes, brumeuses et irisées. Nous nous rendons rapidement compte que le protagoniste est quelqu’un dont les meilleurs jours sont derrière lui : l’artiste brillant qui ne se soucie pas des convenances sociales. Il s’appelle M. Emmer, et le rôle de son assistant est peu enviable. Tous deux sont en voiture et se rendent à Tübingen, où un projet de film les attend. Il s’agit du poète allemand Hölderlin, qui a succombé à la folie et a continué à écrire malgré tout. Les obstacles sur la route sont les Alpes, la forêt et l’état de santé général de M. Emmer.

NOTRE AVIS: pas vu