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#PremiersPlans2023: Notre journal critique

Nous vous proposons un journal critique des films vus lors du festival Premiers Plans 2023 à Angers.

L’échelle de notation qui est appliquée est la suivante:

–       très mauvais film
*         film passable
**       bon film
***     très bon film
****   excellent film
***** chef d’œuvre


SEANCES SPECIALES

Soirée d’inauguration et de clôture

Les cérémonies d’inauguration et de clôture sont suivies de la projection d’un film en avant-première.

OUVERTURE – MON CRIME

François Ozon
2023 – France – 1h43
Avec Rebecca Marder, Nadia Tereszkiewicz, Isabelle Huppert, Dany Boon, Fabrice Luchini, Félix Lefebvre, Jean-Christophe Bouvet, Michel Fau


Dans les années 30, à Paris, Madeleine Verdier, jeune et jolie actrice sans le sou et sans talent, est accusée du meurtre d’un producteur célèbre. Aidée de sa meilleure amie, Pauline, jeune avocate au chômage, elle est acquittée pour légitime défense. Commence une nouvelle vie, faite de gloire et de succès, jusqu’à ce que la vérité éclate au grand jour.

Notre avis: **(*)

François Ozon nous propose avec Mon Crime un retour à un cinéma qui avait fait parler de lui à ses débuts (Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, Sitcom) résolument du côté la comédie. Pour inscrire son récit, adapté d’une pièce de théâtre éponyme de Georges Berr et Louis Verneuil, dans une époque et un style cher à Guitry, Ozon ne se refuse ni moyens ni artifices. La musique boursoufflée n’est pas sans rappeler celle omniprésente dans les Petites meurtres d’Agatha Christie, ludique, soulignante, souvent énervante mais en parfait accord avec le comique de situation, les dialogues rebondis, et plus encore le plaisir visible que prend les différents acteurs et actrices à incarner leurs personnages, tous plus ou moins improbables. La bouffonnerie fonctionne de presque tout son long, et ne manque pas de rebond, Ozon parvient à insuffler au récit le juste rythme, le juste ton: alerte, léger, et pour autant réflexif. Isabelle Huppert rayonne et retrouve une fraîcheur qu’elle semblait avoir perdue à mesure que les cinéastes lui proposaient des compositions stéréotypées, depuis Haneke ou depuis Verhoeven (Sa dernière interprétation dans Caravage par exemple en devient insipide). Ici, elle vole presque la vedette aux pourtant excellentes Rebecca Marder et Nadia Tereszkiewicz, duo parfaitement trouvé, les deux révélations de 2022 montrant même une forme d’unité de jeu, sous la direction d’Ozon. Le ton élégant, l’humour décalé se retrouve également dans les interprétations masculines, même Luchini oublie ses tics de jeu pour composer un personnage de juge minable (qui l’assume parfaitement) si loin de ses déblatérations habituelles – on se souvient également de l’essai de Dumont qu’il n’avait guère goûté (Ma Loute). Le tout se joue, à l’instar de Babylon, de ce temps particulier où une révolution technique génère un renouvellement et rabat les cartes, de nouvelles actrices vont remplacer les stars du muet, mais aussi de la cupidité omniprésente dans le cinéma.

CLÔTURE – LA GRANDE MAGIE

Noémie Lvovsky
2023 – France – 1h50
Avec Denis Podalydès, Judith Chemla, Noémie Lvovsky, Sergi López, Rebecca Marder, François Morel, Damien Bonnard


France, les années 20. Dans un hôtel au bord de la mer, un spectacle de magie distrait les clients désœuvrés. Marta, une jeune femme malheureuse avec son mari jaloux, accepte de participer à un numéro de disparition et en profite pour disparaître pour de bon. Pour répondre au mari exigeant le retour de sa femme, le magicien lui met entre les mains une boîte en lui disant qu’elle est à l’intérieur. Cependant il ne doit l’ouvrir que s’il a absolument foi en elle, sous peine de la faire disparaître à jamais. Le doute s’installe alors chez Charles…

Notre avis: –

Mieux vaut passer son chemin, Noémie Lvovsky, en grand mal d’inspiration s’est tout simplement manquée. Rien ne fonctionne, ni le scénario éparpillée, ni la comédie musicale bancale, ni les chorégraphies minimalistes, ni l’esprit BD, et encore moins l’adaptation de la pièce de De Filippo. Même le casting, pourtant de haute volée, nous décontenance tant chacun semble lui même perdu par la vacuité des portraits dressés.

AVANT-PREMIERES

Premiers Plans propose une sélection d’avant-premières, présentées par les équipes des films, en collaboration avec les distributeurs français indépendants.

À MON SEUL DÉSIR
Lucie Borleteau
France – 2022

ALMA VIVA
Cristèle Alves Meira
France / Belgique / Portugal – 2022

Notre avis: (*)


Alma viva s’attache à un décrire un sentiment particulier, le deuil d’une jeune fille, mais aussi à délivrer le portrait d’une famille, d’un pays et de ses traditions. Il le fait avec une lenteur propre aux films portugais, dans un rapport aux temps très provincial loin de toute frénésie citadine. Hélas, Cristèle Alves Meira semble se livrer à un exercice très scolaire pour aborder les différentes thématiques, et jamais ne cherche à brouiller les pistes ou à casser la linéarité de son récit. Nous partons d’un point A pour aller à un point B, le tout en étirant certains dialogues sans grands intérêts, sans un regard psychologique qui interroge, sans ressorts, et sans charisme particulier dans l’interprétation de l’un ou l’autre des personnages. En confiant le rôle principal à sa fille, la réalisatrice franco portugaise n’a probablement pas pu tirer le meilleur de cette dernière, installée dans un certain confort de jeu qui ne sied pas au sentiment osculté. Au delà de l’émotion, le film cherche également à interroger la croyance, la tradition et le surnaturel. Là aussi, hélas, la faute à une certaine épure et à une application dans le traitement – là où des fioritures ou des excentricités auraient pu apporter une coloration contrastante – qui confère à Alma viva une impression de monotonie voire d’invraisemblance.

COMME UNE ACTRICE
Sébastien Bailly
France – 2022

Notre avis:

Si l’intention semble sympathique de premier abord, très rapidement Sébastien Bailly entraîne Julie Gayet dans les méandres de son scénario et se prend les pieds dans le tapis. Sur une thématique similaire, Julie Delpy avec La comtesse avait réussi un film interrogeant le rapport à la beauté qui s’échappe de certaines femmes, revisitant la légende autour d’Elisabeth Bathory. Le récit, s’accrochant à la restitution historique et aux relents psychologiques saisissait au delà de l’effroi que suscite les actes. Dans un genre bien opposé, Walerian Borowczyk en proposait un conte immoral plutôt de qualité, qui plus est pour un film érotique, Harry Kümel lui aussi avec Les lèvres rouges parvenait à interloquer et proposer de beaux instants. Mais le procédé mi-conte mi science-fiction instauré ici par Bailly, après une mise en place acceptable, sombre à mesure que Julie Gayet se transforme en Agathe Bonitzer, tourne à vide à force de répétition, ne semblant ne plus rien avoir à développer, et en devient presque risible tant il ne fonctionne pas. Les incohérences scénaristiques, les raccrocs pour tenter de raccrocher à une réalité temporelle, l’évitement permanent du sujet psychologique vide le film de toute substance, et on est peiné que Julie Gayet, qui tenait pourtant là un premier rôle à potentiel (dévolu à une femme qui dépasse la quarantaine, fait très rare) ne puisse y trouver l’occasion de rappeler la très bonne et prometteuse actrice qu’elle peut être, lorsqu’elle fait des choix audacieux.

DALVA
Emmanuelle Nicot
France / Belgique – 2022

EMPIRE OF LIGHT
Sam Mendes
Royaume-Uni / États-Unis – 2022

Notre avis: **(*)

Sam Mendes retrouve une ambition narrative qui lui échappait entre ses James Bondery et autres 1917, qui nous faisait craindre que le talent du metteur en scène – qui a contrario avait fort bien démarré sa carrière de cinéaste après un succès sur les planches – ne serait à tout jamais éteint sous l’appât du gain, et la main mise par les studios sur son talent. Ici, le synopsis d’Empire of Light laisse entendre, à raison, à une écriture plus personnelle, plus intime, plus intéressante tout simplement. Très vite cette impression se confirme. Olivia Coleman crève l’écran, et compose avec justesse les différentes nuances de son personnage. Mendes revient au cinéma, dans un cinéma, lieu de vie s’il en est. Le scénario, simple et beau, ne manque pas d’aborder différentes thématiques et de proposer un regard intéressant, sans fausse note, sans excès; mais au contraire avec un équilibre intéressant entre les différents personnages et leurs luttes. Sur le papier, et porté par les excellentes interprètation des deux personnages principaux (Colin Firth étant plus en retrait), Sam Mendes effectue un retour convaincant. Mais le bât blesse au niveau de la production des studios Disney, qui continuent d’avoir le très mauvais goût de sur souligner les différentes émotions avec une musique conçue sur mesure à cette effet, écrasante et très vite insupportable. Quelle dommage, car un habillage plus indépendant, une coloration d’ensemble plus artistique (nous sommes très loin d’American Beauty, ou même de Revolution Road) aurait au contraire sublimer la finesse de l’écriture, et permis de d’autant plus rentrer en empathie avec les personnages ou de partager avec Mendes son regard sur l’Angleterre Thatcherienne et toutes les questions qu’elle amenait avec elle,. Ces questions non seulement ne sont pas nécessairement résolues de nos jours, mais reviennent peut être même avec plus d’insistance.

NORMALE
Olivier Babinet
France / Belgique – 2022

POUR LA FRANCE
Rachid Hami
France – 2022

Avec Karim Leklou, Shaïn Boumedine, Lubna Azabal

Lors d’un rituel d’intégration dans la prestigieuse École Militaire de Saint-Cyr, Aïssa, 23 ans, perd la vie. Face à une Armée qui peine à reconnaître ses responsabilités, Ismaël, son grand frère, se lance dans une bataille pour la vérité. Son enquête sur le parcours de son cadet va faire ressurgir ses souvenirs, de leur enfance à Alger aux derniers moments ensemble à Taipei.

Notre avis: *.

Un sujet plutôt sensible en soi qui aurait pu donner lieu à un propos politique assez fort. Mais le réalisateur se complaît à dépeindre son décor, à décortiquer le sentiment qui peut habiter de jeunes hommes qui sincèrement s’engagent militairement. Mais étonnamment, cette vision pédagogique, ce respect vis à vis du sujet dessert le film qui s’enlise rapidement dans des scènes particulièrement statiques et stériles, qui ne permette pas de nourrir l’intrigue dramatique trop tôt dévoilée. Ni Karim Leklou, ni Shaïn Boumedine, ni Lubna Azabal ne parviennent à nous faire entrer en empathie avec les personnages qu’ils incarnent, non pas que leur interprétation ne soit pas valable, mais du fait de la tonalité d’ensemble retenue par le réalisateur, trop apaisé et trop rentré pour un sujet qui méritait moins de distance.

THE ETERNAL DAUGHTER – LA FILLE ETERNELLE de Joanna Hogg avec Tilda Swinton, Joseph Mydell, Carly-Sophia Davies

États-Unis / Royaume-Uni – 2023

Une artiste et sa mère âgée sont confrontées à des secrets enfouis depuis longtemps lorsqu’elles retournent dans une ancienne maison familiale, devenue un hôtel hanté par son mystérieux passé.

Notre avis: **.

Joanna Hogg s’est fait un nom avec The Souvenir qui a marqué les esprits par sa construction complexe, sa tonalité très réaliste mais aussi troublée, où les sensations occupent une part importante du récit, bien moins linéaire que le temps long – autre marque de fabrique -, ne laisse penser. La réalisatrice aime user de concepts, et s’affirmer dans une forme qui emprunte au littéraire. La fille éternelle repose sur son concept et son actrice principale Tilda Swinton. Il impose d’emblée son atmosphère, à la Edgar Allan Poe dirons-nous, et très vite nous pensons au mythe du fantôme. Le temps de narration s’attarde sur des gestes précis, des décors précis, qui narrent tout autant que les dialogues. Joanna Hogg au delà de son approche purement théorique cherche à proposer une forme étrange, avec laquelle nous pourrions rentrer en empathie. Les symboles tiennent une part importante. Si le film fonctionne plutôt bien, s’il produit son petit effet, il nous semble cependant moins ample que The Souvenir, et plus proche d’un exercice de style que d’un véritable accomplissement.


UN PETIT FRÈRE
Léonor Serraille
France – 2023

Notre avis: **(*)

On attendait probablement Léonore Serraille sur un terrain différent plus dans la continuité de Jeune femme, alternant entre rire et larmes. Ici la forme épouse un ton différent, plus narratif, plus distant, et théorique (sans jamais être froid). Malgré une exposition un peu longue le film parvient à développer un point de vue philosophique sur l’intégration, le destin, l avenir. A mi-chemin entre Philippe Faucon et Mia Hansen-Love la jeune réalisatrice a eu le courage de se risquer au romanesque qui plus est sur un sujet identitaire; il est fort à parier que l’époque (le wokisme) lui vaudra quelques retours peu amènes. Cette histoire n’est certes pas directement la sienne, elle n’a peut être pas vécu les choses de l’intérieur, mais l’universalisme de son message ne fait aucun doute, la fiction proposée ne sonne ni faux ni artificiel, et les questions soulevées, le regard doux-amer posé sur les difficultés de se construire, qui plus est dans l’adversité et quand les éléments sont contraires, la fragilité d’un destin et des adages comme « travaille dur et tu réussiras », la remise en question du modèle du winner en guise de réussite, sont non seulement finement observés, mais sont aussi des sujets rarement mis à l’écran. L’émotion s’invite dans le dernier tiers du film, sans qu’il n’y ait le besoin de drame, de deuils, de larmes à l’écrans ou de courses dans des champs de fleurs, par de simples rappels: même intégré, un jeune homme français d’origine étrangère reste maltraité par certains, et notamment la police, la réussite professionnelle n’efface pas les blessures d’enfance, les défaites passées de ses proches, les rêves inachevés, qui poursuivent bien plus qu’on ne le pense ceux qui les ont observé de prêt, et enfin, deux frères très proches séparés restent soudés l’un à l’autre, quoi qu’il advienne.


COMPÉTITION

Près de 100 films sont projetés dans 7 sections compétitives et récompensés par 170 000 € de prix décernés par les jurys et le public : Longs métrages européens, Diagonales, Courts métrages européens et français, Films d’écoles, Plans animés et Chenaplans.
Des scénarios de courts et longs métrages sont également lus en public par des comédiens.

AFTERSUN
Charlotte Wells
Royaume-Uni / États-Unis – 2022

Avec Paul Mescal, Frankie Corio, Celia Rowlson-Hall, Sally Messham

Sophie contemple les moments de joie partagée et la nostalgie intime des vacances qu’elle a passées avec son papa vingt ans plus tôt. Des souvenirs, réels et imaginés, comblent les vides entre les enregistrements avec son miniDV, alors qu’elle tente de concilier le père qu’elle a connu et l’homme qu’elle ignorait.

Notre avis: **

Le film démarre par quelques images amateurs hésitantes et nous propose une entame déroutante, plutôt hachée, semblant effleurer son sujet et chercher une forme appropriée plutôt qu’affirmer ses intentions. Une certaine langueur se met en place. Passées les quelques hésitations, il devient plus limpide que l’intention principale réside dans la relation père fille, mais aussi et surtout dans les non dits, les ellipses, que la forme vient à épouser; suggérer, évoquer par bribes, avancer à pas cachés. Montrer le contexte plutôt que le drame, montrer le ciel bleu plutôt que s’attarder sur les nuages. Un ton particulier s’installe, rappelant par exemple celui de Somewhere de Sofia Coppola, et la lenteur du récit, sa précision, son temps suspendu trouvent alors tout leur sens. L’intrigue s’installe, et l’image n’en devient que plus captivante, d’autant que les premiers essais formels plutôt anodins viennent eux aussi à s’affirmer davantage, à prendre corps et véhiculer une impression particulière, arty. Les quelques images subliminales disséminées tout au long du film trouvent dans une scène finale artistiquement très intéressante toute leur justification.

CHEVALIER NOIR
Emad Aleebrahim-Dehkordi
Iran / France / Allemagne – 2022

Avec Iman Sayad Borhani, Payar Allahyari, Masoumeh Beigi, Behzad Dorani

Iman et son jeune frère Payar vivent avec leur père dans un quartier du nord de Téhéran. Après la mort de leur mère, Iman cherche à tout prix un moyen de quitter la maison familiale et profite de ses relations privilégiées avec la jeunesse dorée de Téhéran pour se lancer dans un petit trafic juteux. Mais ce qui semblait être le chemin vers un nouveau départ les entraîne dans une spirale qui va bouleverser leur destin.

Notre avis: *

Le réalisateur iranien qui a fait ses études en France choisit de retourner à Téhéran pour y tourner son premier long métrage. Il cherche à utiliser la lumière naturelle de la capitale iranienne pour y installer une histoire qui nous semble tout droit sorti d’un imaginaire occidental des années 90. Nulle tentative de s’attaquer à la politique , moins encore à la religion, mais bien davantage la volonté de dépeindre une jeunesse qui aspire à de meilleurs lendemains. Drogue, trafic, vitesse, violence, règlements de compte. On se remémore ces quelques films signés Scorcese, ou Ferrara qui installaient leurs héros dans des situations poisseuses, à la tension palpable, et dont on se demande quel pourra bien être le sort final, tant leur vie semble dépendante des hasards, des rencontres, et de la fatalité prêt à tout instant à les rattraper. La survie avant la vie. Ce thriller iranien souffre de fait d’un manque d’originalité mais aussi de vérité.

CHIEN DE LA CASSE
Jean-Baptiste Durand
France – 2023

Avec Anthony Bajon, Raphaël Quenard, Galatéa Bellugi

Dog et Mirales, deux amis d’enfance, vivent dans un petit village du sud de la France. Ils passent la majeure partie de leurs journées à traîner dans les rues. Pour tuer le temps, Mirales a pris l’habitude de taquiner Dog jusqu’à en faire son souffre-douleur. Mais, cet été-là, Dog rencontre Elsa, avec laquelle il vit une histoire d’amour. Rongé par la jalousie, Mirales va devoir se défaire de son passé pour pouvoir grandir et trouver sa place…

Notre avis: ***

Jean-Baptiste Durand nous l’avoue quand il a vu The Banshees of Inisherin, il s’est dit « mince, c’est le film que j’ai failli faire, mais en moins bien« . Le sujet abordé par les deux films, l’amitié inconditionnelle et étouffante à l’épreuve de la rupture, dans un contexte social très fermé. Les deux films s’arment d’humour pour nous toucher. Mais quand l’un s’appuie sur un grossissement des traits – et des dialogues – pour souligner l’absurdité, l’autre vise au contraire une sincérité et une approche plus naturaliste, plus proche du réel et de notre quotidien. Formidablement servi par ses 3 interprètes, Chien de la casse propose un regard nuancé et tendre, qui fait la part belle à la gentillesse et à la maladresse, et n’accuse pas ses personnages. Ce regard en fait toute la sève.

FIFI
Jeanne Aslan, Paul Saintillan
France – 2022

Avec Céleste Brunnquell, Quentin Dolmaire, Chloé Mons, Megan Northam, François Négret, Anthony Sonigo

Nancy, début de l’été. Sophie, dite Fifi, 15 ans, est coincée dans son HLM dans une ambiance familiale chaotique. Quand elle croise par hasard son ancienne amie Jade, sur le point de partir en vacances, Fifi prend en douce les clefs de sa jolie maison du centre-ville désertée pour l’été. Alors qu’elle s’installe, elle tombe sur Stéphane, 23 ans, le frère ainé de Jade, rentré de manière inattendue. Au lieu de la chasser, Stéphane lui laisse porte ouverte et l’autorise à venir se réfugier là quand elle veut…

NOS CÉRÉMONIES
Simon Rieth
France – 2022

Avec Raymond Baur, Simon Baur, Maïra Villena

Royan, 2011. Alors que l’été étire ses jours brûlants, deux jeunes frères, Tony et Noé, jouent au jeu de la mort et du hasard… Jusqu’à l’accident qui changera leur vie à jamais. Dix ans plus tard et désormais jeunes adultes, ils retournent à Royan et recroisent la route de Cassandre, leur amour d’enfance. Mais les frères cachent depuis tout ce temps un secret…

Notre avis: **

Parfois nos appréciations valent pour un ensemble homogène, parfois au contraire, elles dénotent une asymétrie quant aux différents éléments que l’on prend en compte pour nous forger notre opinion sur un film, qui plus est quand il s’agit d’un premier long métrage, dont chacun sait qu’il comporte parfois des pêchés de jeunesse, aux côtés de jolis promesses. Nos cérémonies entre parfaitement dans cette seconde catégorie faite d’ofni, qui nous émerveille autant qu’elle peut nous agacer. Les premières minutes du film nous ont imminemment divisés selon nos sensibilités. Le plus beinnexien d’entre nous s’est rappelé aux bons souvenirs des chatoyantes couleurs de Diva, aux contrastes exagérés, à ce cinéma du Look qui cherchait non seulement à en mettre plein la vue mais surtout à entraîner le spectateur dans un visuel monde qui se suffit à lui même, parle pour les personnages et remplace avantageusement les dialogues pour ce qui est de situer, raconter, expliquer, ou même guider. L’effet d’esbrouffe peut aussi suggérer le grand vide, comme cela fut reproché souvent injustement mais parfois plus à dessein aux entreprises de Besson, Carax and co… Pourtant, indéniablement, Simon Rieth s’essaye à quelque chose d’ambitieux, dont il ne maîtrise pas toutes les ficelles. Le son, la musique, les images, les cadres, et même les thématiques (fortes) invitent à un récit de premier abord mystérieux, et que l’on espère poétique, mais qui passé le premier tiers semble perdre de sa magie, à mesure que le motif qui donne lieu au titre du film, se met en place, et qu’il occupe toute l’avant scène. La relation entre deux jeunes frères qui semblait fragile, complexe, profonde, unie dans la destinée et le ressenti, devient subitement triviale, vidée de toute nuance, et le récit s’évertue à répéter des rituels violents et insipides en ce qu’ils ne nourrissent aucunement le récit. Le mystère disparu, Nos cérémonies, regagne cependant en intérêt dans sa toute dernière scène finale, après quelques fausses pistes – défaut de jeunesse probablement de vouloir proposer plusieurs fins possibles et de sembler hésiter à trancher- lorsque Rieth revient enfin à ce qui aurait pu être son film s’il ne s’était laissé tenté par le morbide, une touchante histoire surnaturelle qui se joue d’un souvenir qui des années plus tard continue de hanter la victime collatérale.

RAMONA
Andrea Bagney
Espagne – 2022

Avec Lourdes Hernández, Francesco Carril, Bruno Lastra

Après avoir vécu des années à Londres, Ramona et son petit ami, Nico, rentrent à Madrid, où elle espère relancer sa carrière d’actrice. La veille de sa première audition, elle rencontre un homme plus âgé, Bruno. Le lendemain, elle découvre que Bruno est le réalisateur du film.

Notre avis: **

Le film commence avec une conversation qui devient de plus en plus drôle, entre un homme et une femme. Ils ne se connaissent pas. D’emblée, la jeune cinéaste espagnole assume le registre comique de son film, et ne cache pas ses influences: Woody Allen, et une génération de cinéastes indépendants (américains principalement) inspirés par lui (Greta Gerwig par exemple). La patte de la nouvelle vague française mais n’est pas si éloignée, sur le fond, que ce soit les déambulations d’un personnage jeune dans la ville, ses errements psychologiques et ses rencontres salvatrices, le regard plein d’espoir, comme sur la forme, notamment l’expérimentation sur l’image ou la couleur. Mais après une première partie dans laquelle les blagues et le jeu surprenant de l’actrice principale créent un rythme dynamique, le film commence hélas à répéter son motif principal sans proposer de nouveau ressort, à en perdre de l’intérêt.

SURO
Mikel Gurrea
Espagne – 2022

Avec Vicky Luengo, Pol López, Ilyass El Ouahdani, Vicente Botella, Joan Carrillo

Elena et Ivan s’apprêtent à entrer dans une nouvelle phase de leur vie. Ils quittent la métropole de Barcelone pour s’installer dans la campagne de Catalogne, où ils reprennent une plantation de chêne-liège. Le commerce du liège devra non seulement leur permettre d’assurer leur existence, mais ils comptent également exploiter la plantation de manière équitable et durable. Malgré leurs idéaux, Elena et Ivan se retrouveront bientôt dans une crise qui mettra non seulement en danger leur projet commun, mais aussi leur relation.

TALKING ABOUT THE WEATHER
Annika Pinske
Allemagne – 2021

Avec Anne Schäfer, Judith Hofmann, Marcel Kohler, Anne-Kathrin Gummich

Clara est doctorante en philosophie à Berlin. Dans ce monde universitaire masculin et bourgeois, elle se sent mise à l’écart. Lorsqu’à l’occasion de l’anniversaire de sa mère, elle retourne dans le village d’ex-RDA où elle a passé son enfance, elle prend conscience du fossé qui s’est creusé entre elle et sa famille.

TENGO SUEÑOS ELÉCTRICOS
Valentina Maurel
Belgique / France / Costa Rica – 2022

Avec Daniela Marin Navarro, Reinaldo Amien Gutierrez, Vivian Rodriguez

Eva ne supporte pas que sa mère veuille rénover la maison et se défaire du chat, qui, désorienté depuis le divorce, pisse partout. Eva veut aller vivre avec son père, qui, désorienté comme le chat, vit une deuxième adolescence. Mais comme quelqu’un qui traverse un océan d’adultes sans savoir nager, Eva doit faire face à la rage qui ronge son père. Et qui la traverse, maintenant, elle aussi.

TIGRU
Andrei Tănase
Roumanie / France / Grèce – 2023

Avec Catalina Moga, Paul Ipate

Vera, 31 ans, est une vétérinaire de zoo d’une petite ville de Transylvanie. Après avoir perdu son nouveau-né, elle est obsédée par l’idée de donner les rituels d’enterrement orthodoxe de l’Est, passant plus de temps au travail et s’éloignant de son mari, Toma. Un jour, le tigre du zoo s’échappe…