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L’ombre de Goya – L’Aragon, terre d’artistes

Présenté en première mondiale lors du dernier Festival de Cannes (sélection Cannes Classics) en date, L’ombre de Goya, est un documentaire réalisé par José Luis López-Linares. Ce long-métrage sur l’artiste peintre et graveur Francisco de Goya marque aussi la dernière contribution de Jean-Claude Carrière au 7ème art. Sa contribution est multiple. Il est crédité en tant que coscénariste avec Cristina Otero Roth, également créditée au montage technique du métrage, mais aussi en tant que conteur alternativement dans le champ de la caméra et en voix off. Son apport à cette œuvre est telle qu’elle figure en toutes lettres dans le titre du documentaire : L’ombre de Goya par Jean-Claude Carrière.

Amoureux des arts et fin connaisseur de Goya, Jean-Claude Carrière nous guide dans son œuvre incomparable. Pour en percer le mystère, il accomplit un dernier voyage en Espagne qui le ramène sur les traces du peintre. Des liens se tissent avec des artistes issus du monde du cinéma, de la littérature et de la musique montrant à quel point l’œuvre de Goya est influente.

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José Luis López-Linares a débuté sa carrière en tant que chef opérateur de cinéastes tels que Carlos Saura (Goya de la Meilleure Photographie en 2006 pour le film Iberia), Alain Tanner (1991, L’homme qui a perdu son ombre), Víctor Erice (1992, Le songe de la lumière) ou encore Fernando Trueba et Gerardo Vera. C’est en 1994, qu’il commença à compléter ce premier cursus par la production et la réalisation de documentaires et y remporter de nombreux prix dont le Goya du Meilleur Documentaire en 2004 pour Un instante en la vida ajena.

Aujourd’hui, L’ombre de Goya fait écho au Mystère Jérôme Bosch, autre documentaire remarqué de López-Linares dont la réalisation remonte à 2016. Ici, l’artiste néerlandais laisse place à son successeur trois siècles plus tard en terre aragonaise. C’est en effet en Aragon, terre natale de Goya, que Jean-Claude Carrière nous invite à le suivre. Pour le scénariste français, cette région espagnole administrée depuis Saragosse ne relève pas de la terra incognita. Ne vit-t-elle pas en effet naître en même temps que le siècle passé un certain Luis Buñuel, figure légendaire du cinéma avant-gardiste en Espagne et bien au-delà ? Les liens professionnels et d’amitié liant Buñuel et Carrière sont connus de tous et le second citera le premier à plusieurs reprises durant les quatre-vingt-dix minutes de L’ombre de Goya. L’Aragon, terre d’artistes, est familière à Carrière : la visite de la maison où vécut Goya lui remémore sur certains aspects sa maison d’enfance de Colombières-sur-Orb, petit village héraultais où il est désormais inhumé.

Les liens entre le scénariste français et l’artiste peintre-graveur espagnol sont d’une autre nature que ceux avec Buñuel. Les deux hommes n’étant pas contemporains l’un de l’autre, leur relation n’est ni professionnelle, ni amicale. Carrière voue une passion de longue date à Goya et à ses travaux. En 2005, il publia Les fantômes de Goya chez Plon. L’ouvrage cosigné avec Milos Forman fut même porté à l’écran en 2007 par le cinéaste tchèque. La connaissance encyclopédique de Carrière de la vie et de l’œuvre de Goya émerge à chacune de ses interventions. Celles-ci complétées des nombreuses correspondances entre Goya et Buñuel donnent l’impression d’assister à la genèse d’un triangle intime. Ce cercle, étonnamment quasi familier, eut été parfaitement bouclé si Buñuel s’était vu récompensé d’un Goya, l’équivalent en Espagne de nos César. Un oubli ? Non. Les Goya cinématographiques sont nés en 1987, c’est-à-dire quatre ans après le décès du cinéaste passé maître d’Un chien andalou (1929).

Dans L’ombre de Goya, López-Linares alterne les témoignages et les prises de vue sur les compositions de Goya. Les tableaux sont montrés sur leur lieu d’exposition (au musée du Louvre notamment), les peintures murales s’affichent là où elles ont été réalisées dans quelques églises aragonaises et jusqu’à l’église San Antonio de la Florida de Madrid qui abrite, depuis 1919, le caveau du peintre-graveur. Outre ce caveau, cette église abrite des fresques monumentales composées par le grand maître. Durant près de quatre-vingt-dix minutes, López-Linares nous invite ainsi à un voyage sur les traces de Goya avec Carrière en guise de guide soit face caméra soit en voix off.

La caméra balaye lentement et de près certaines de ces peintures comme elle balaye par des vues aériennes la région natale du peintre pour composer quelques plans de coupe. La narration proposée n’est ni trop technique ni académique. Elle intéressera tout autant les béotiens que les connaisseurs de l’œuvre de Goya. Elle s’appuie sur les témoignages de divers artistes (peintres, cinéastes) tous grands amateurs des compositions, parfois effrayantes, de l’artiste aragonais. Parmi ces témoins, citons le cinéaste aragonais Carlos Saura qui réalisa Goya (1999), long-métrage dont il est montré un court extrait. Un film que Buñuel n’aurait probablement pas renié, lui qui disposait d’un scénario sur Goya mais qui n’a jamais été décliné sur bobines.

En définitive, López-Linares parvient, par un savant dosage, à restituer tout le caractère hybride et symbolique de l’œuvre de Goya. Les nombreux symboles cachés sont à aller chercher parfois dans l’arrière-plan des compositions. Une œuvre hybride aussi puisqu’elle mêle finesse et rudesse, sensualité et morbidité. Elle semble ainsi tout à la fois familière (bien que datée de plus de deux siècles) et étrange, si proche et si éloignée à la fois, immédiatement palpable ou, à contrario, soudainement étrangère.

Pour en savoir plus : Epicentre films

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