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Birdman: Inarritu retrouvé

Mis à jour le 29 janvier, 2017

À l’époque où il incarnait un célèbre super-héros, Riggan Thomson était mondialement connu. Mais de cette célébrité il ne reste plus grand-chose, et il tente aujourd’hui de monter une pièce de théâtre à Broadway dans l’espoir de renouer avec sa gloire perdue. Durant les quelques jours qui précèdent la première, il va devoir tout affronter : sa famille et ses proches, son passé, ses rêves et son ego…
S’il s’en sort, le rideau a une chance de s’ouvrir…

Birdman a triomphé aux Oscars raflant les récompenses du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario original, de la meilleure photographie, soit quatre Oscars des plus prestigieux pour un total de neuf nominations. Ces récompenses pourraient signifier que Birdman est un film calibré pour les Oscars, que les costumes sont très hollywoodiens, que la mise en scène est grandiloquente, que les acteurs prennent des risques, se transforment, que la musique est appuyée, que les sensations et les émotions sont fortes. Et à dire vrai ce n’est pas complètement faux … Si nous devons crier à l’injustice, ce serait peut être pour Mickael Keaton, héros et protagoniste principal de cette histoire. Son interprétation est pour le moins convaincante, mais aussi crédible. Les épreuves auxquelles son personnage – Riggan Thomson – se confronte sont peut être celles qu’il traverse lui même, lui qui fut « Batmanisé« .

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Il n’est pas étonnant de retrouver à ses côtés Edward Norton, que l’on a aussi pu voir en super-héros Marvel (Hulk). La présence de Naomi Watts au casting est-elle plus affaire de continuité pour Inarritu, qui lui avait déjà offert avec 21 grammes l’un de ses plus importants rôles.

Si nous ne devions mettre en avant qu’un seul de ces 4 Oscars, notre choix se porterait indéniablement sur le scénario, point fort d’Inarritu d’une manière générale mais aussi son point faible. Tout son génie se devinait dans Amours chiennes, ou dans 21 grammes, se liquéfiait avec Babel et partait littéralement en fumée dans Biutiful. Ses qualités devenaient ses défauts, à trop en dire, à trop en faire, à tirer sur la ficelle du pathos, le récit perd en inventivité, en crédibilité, en vérité. Inarritu s’était égaré et semblait sans cesse nous proposer une variation sur le même thème, sans valeur ajoutée. Tous ceux qui voyaient en Inarritu une très belle promesse se demandait s’ils ne s’étaient tout simplement pas tromper, si les espoirs placés en lui pour renouveler le genre, pour dynamiter les codes, ne se transformaient pas une fois de plus en l’adulation d’un nouveau faiseur.

Avec Birdman, Inarritu retrouve principalement une qualité qu’on lui avait presque oublié, l’imagination, l’art de surprendre, mais surtout on lui découvre deux qualités que l’on ne lui connaissait pas, assez antinomiques, l’humour et la profondeur.

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Certes, on regrettera sa propension à toujours trop vouloir en faire en dire – qu’il eut été pertinent de rester sur la deuxième fin et de ne pas les multiplier à foison ! – mais l’hommage déguisé rendu au vieil Hollywood, celui qui nous proposait des adaptations de Tennessee Williams (des œuvres tels qu’Un Tramway nommé désir, qui érigeait au rang de star un Marlon Brando dont le destin le rattraperait), au détour d’une critique acerbe de l’Hollywood d’aujourd’hui, qui se plaît à multiplier les blockbusters et à décliner les héros de Marvel les uns après les autres. Ce regard sonne multiple: pertinent, audacieux, profond, intelligent et drôle. Les petites phrases plus décalées les unes que les autres, les critiques acerbes envers ceux qui font et défont Hollywood, les acteurs, les critiques, se succèdent tel un véritable récital. Parfois, on en vient à penser que Cassavettes ou Truffaut auraient très fortement apprécié la mise en abîme ici proposée, mais qu’ils n’auraient pas su la faire décoller aussi magistralement, qu’ils n’auraient jamais osé les envolées surréalistes. Birdman, n’est-ce pas finalement la pierre angulaire manquante entre Batman et BirdieInarritu s’amuse, nous amuse, il tend l’atmosphère, la détend, se joue du drame qui se noue, qui se joue, s’amuse de ses personnages, s’amuse des spectateurs, s’amuse d’Hollywood avec une virtuosité et un rythme circulaire. Chaque avant première de la pièce que Riggan Thomson souhaite monter est perturbée par un insert du réel dans le fabriqué, du vivant dans le spectacle. La satyre du théâtre moderne est acerbe.

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Le reste suit. Le film propose notamment une façon de filmer ses sujets à 360° que ne renierait certainement pas Claude Lelouch, ou Terrence Mallick mais qui en aucun cas ne semble aussi systématique que ce que propose le premier, ou aussi abscons que ce que propose le second. L’oeuvre est intrigante et réussie, la pluie de récompenses méritée. Les scénaristes ne s’y sont pas trompés.

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