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The third murder, quand Kore Eda revisite Dostoievski

Mis à jour le 27 novembre, 2022

Le grand avocat Shigemori est chargé de défendre Misumi, accusé de vol et d’assassinat. Ce dernier a déjà purgé une peine de prison pour meurtre 30 ans auparavant. Les chances pour Shigemori de gagner ce procès semblent minces, d’autant que Misumi a avoué son crime, malgré la peine de mort qui l’attend s’il est condamné. Pourtant, au fil de l’enquête et des témoignages, Shigemori commence à douter de la culpabilité de son client.

On a souvent comparé Kore-Eda à Truffaut. C’est à dire à un très bon metteur en scène – ce qu’il est a minima – , mais pas un homme au génie incontesté, incontestable (Oui Truffaut est resté dans l’ombre de Godard, comme Mc Cartney est resté dans l’ombre de Lennon). La faute à une prise de risque trop faible dans la filmographie, et à un souci trop impérieux de continuité, de filer une œuvre par trop linéaire, prévisible, qui se suit et se répond dans une logique prévisible.

Il ne s’agit pas d’un manque de talent, mais probablement d’un rapport au confort différent. Pour dire vrai, Kore-Eda nous a jusqu’à présent plutôt laissé sur notre fin; de bons films, une jolie réflexion, une narration bien amenée, un sentiment de travail bien fait, mais pas de puissance, de chocs, d’émotions brutes. Tel père, tel fils en est probablement l’exemple le plus frappant. C’est bien vu, c’est psychologiquement intéressant, mais encore …

Avec The third murder, il semble bien que Kore-Eda ait égaré son public usuel, pour en trouver un nouveau, dont nous sommes ! Certains (dont une critique émérite italienne, réputée l’une des plus grandes critiques internationales  actuelles, qui animait la conférence de presse) vous diront qu’il a viré thriller. Il s’en défend, et nous le défendons aussi ! Que ceux qui pensent aller voir un thriller seront déçus ! Le public n’est pas là! Il ne s’agit aucunement de cela .

Le réalisateur japonais enchaîne avec une formule bien plus appropriée, il dit poursuivre depuis le début de sa carrière une ambition de rendre compte de la société, d’être un peintre, qui cette fois serait passé à la peinture à huile. La métaphore est très bien trouvée, car ce nouveau film est d’un calibre bien différent de ses précédentes œuvres. La fiction est certes moins mise en avant, mais c’est au profit du regard, du portrait psychologique, du sens du détail, et surtout de la puissance de la réflexion.

Il tente et réussit ce que Doistoievski avait saisi avant lui quant à la justice des hommes, quant à ce grand manège juridique, d’une part, mais aussi de la capacité à retourner le procès d’un homme en un procès d’une société toute entière. En multipliant les angles d’attaque techniques, Kore-Eda , parvient comme le maître russe dans les frères Karamasov, à démarrer par un fait de justice d’apparence simple –  les circonstances du meurtre semblent établies à l’avance-, pour laisser petit à petit la place à d’autres possibles, tout aussi plausibles, ayant pour effet secondaire de rendre ridicule le processus judiciaire. Le tour relève de quelque chose de magique, de hautement philosophique, de profond.

Cette justesse est remarquable, et nous la saluons comme il se doit ! Kore-Eda tient là son dernier métro, son Jules et Jim ! d’autant qu’il trouve également des effets de mises en scène des plus saisissants, qui prolongent la réflexion, interrogeant le face à face, le reflet de miroir, et la juxtaposition des visages mais avant tout des âmes.

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