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Interview de Léa Drucker

Mis à jour le 29 janvier, 2017

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Nous avons rencontré Léa Drucker au festival du film Britannique de Dinard 2014. L’occasion d’évoquer avec elle sa carrière, sa relation au cinéma britannique,  Catherine Deneuve, les mythes du cinéma mais aussi… Vanessa Paradis.

LMC: Connaissiez-vous Dinard ?

Léa Drucker: Oui d’abord parce que j’ai tourné à St Malo l’année dernière et puis j’ai ma famille qui n’est pas très loin. On est plutôt en Normandie, mais il nous arrive de venir ici, manger des huitres, en vacances.

Quel rapport entretenez-vous avec le cinéma britannique ? Est-ce un rapport de l’ordre du familier ?

Léa Drucker: Oui très très familier !  C’est un cinéma que je trouve très inspirant, qui est une mine d’or d’acteurs et d’actrices exceptionnels et c’est un cinéma qui m’accompagne depuis que je vais au cinéma toute seule, depuis mon adolescence, je vais voir des films. Pas que des films anglais, mais ce sont des films assez marquants. Tous les films de Ken Loach, j’ai des souvenirs de films comme Kes ou Ladybird qui m’ont marqué quand j’avais 15/16 ans —-enfin Ladybird c’était plutôt dans la vingtaine. Ce sont des films qui m’ont inspirée, qui sont des références, et j’aime aussi toute la comédie anglaise, plus récemment des films comme Joyeuses funérailles, qui sont des films étonnants,  les films de Stephen Frears.  Je trouve vraiment que quelque soit le genre il y a toujours un esprit, une audace, un humour, même dans les drames sociaux, il y a toujours une énergie qui transpire de tout ça, ce sont toujours des films que je trouve très vivants, même dans l’énergie du désespoir, il y a toujours quelque chose de très actif.

 Vous voyez une différence par rapport au cinéma français ?

Léa Drucker : Difficile de répondre à ça… Si on parle des films de Ken Loach, il n’y a rien qui ressemble à ça. Parfois dans la misère, la détresse, il y a une vitalité. Nous, en France, on ne raconte pas ces histoires de la même manière. Déjà on ne vit pas les choses de la même manière.

Vous aimeriez tourner en Angleterre ?

Léa Drucker: Ah oui j’aimerais bien !

Vous avez déjà passé des casting pour des films britanniques ?

Léa Drucker: Je n’en ai pas le souvenir, c’est possible, j’ai peut être oublié. Je n’ai jamais tourné avec des réalisateurs anglais, j’ai tourné des films aux Etats-Unis, mais pas en Angleterre. Mais j’aimerais beaucoup ! D’abord pour avoir des partenaires anglais, et puis je rêve de jouer pour Mike Leigh, c’est l’un de mes réalisateurs favoris, ce serait un rêve pour moi.

Vous connaissiez les autres membres du jury ?

Léa Drucker: J’ai eu la chance de croiser Catherine Deneuve sur Cyprien et d’avoir une petite scène avec elle et de la croiser une ou deux fois, et puis d’avoir pu discuter un petit peu avec elle mais pas l’occasion de pouvoir échanger sur les films, de faire ça avec Catherine, c’est génial. C’est une grande cinéphile, une grande passionnée de cinéma. En plus c’est sympa, parce qu’on ne parle pas de nous, on parle des films qu’on voit, je trouve ça mieux, plus simple de se rencontrer de cette façon là.

Quel genre de présidente est-elle ?

Léa Drucker : Pour l’instant, elle est avec nous. Comment dire, elle est très spectatrice, elle n’a pas un rapport de juge ou d’autorité, on partage, on discute. Elle n’impose pas son point de vue, elle débat.

 Quel rapport aviez-vous avec Catherine Deneuve, si on vous dit Catherine Deneuve vous pense à quel film?

Léa Drucker : Belle de jour ! Mais il y a plein d’autres films que j’aime tout autant, mais bon Belle de jour est celui dont je dirais qu’il me plait le plus. Mais je trouve aussi que Catherine a une performance de carrière dans le temps.  Evidemment Belle de jour parce que c’est un film éblouissant que j’adore voir et revoir. Je trouve que Catherine représente un cinéma moderne, le cinéma français d’aujourd’hui. Parce qu’elle a su aller vers des réalisateurs, prendre des risques, elle traverse le temps du cinéma comme personne.

Pour les journalistes c’est assez impressionnant de la voir, et pour les acteurs ?

Léa Drucker : Oui ça, je comprends. Enfin ça dépend lesquels, il faudrait poser la question aux autres acteurs. Ca me fait cet effet là. Il y a toujours,  comme quand on arrive sur un tournage, un moment à dépasser quand on est face à un acteur comme Catherine Deneuve, ou comme Jean-Pierre Marielle avec qui je viens de tourner.  Il faut dépasser le spectateur de cinéma que l’on a été,  et je pense que quand on est dans le travail, il faut qu’on travaille, il faut penser au travail, je ne peux pas rester dans mon rapport de midinette, bien que mon rapport au cinéma ce n’est pas un rapport de midinette, mais je ne peux pas dire que je ne suis pas impressionnée. Mais après ça passe. On a la chance d’avoir les jours qui passent. Puis au fur et à mesure de la conversation, c’est comme dans la vie : on se familiarise et on dépasse le fait, parce que des personnalités comme Catherine Deneuve ou comme Gérard Depardieu c’est vrai que ce sont des légendes de cinéma, mais c’est intéressant de pouvoir s’adresser à eux autrement que juste comme un spectateur admiratif… même si on le reste.

Est-ce que vous envisagez votre carrière personnelle comme Catherine Deneuve a envisagé la sienne …

Léa Drucker : Ah non je ne pense pas !

Enfin, il y a une similitude, Catherine Deneuve a toujours tout à la fois mené deux carrières, alternant entre le cinéma populaire, et se lançant dans des projets beaucoup plus risqués.

Léa Drucker : Ah oui, de ce point de vue là oui !

Dans ma peau de Marina de Van, ce n’est pas vraiment accessible…

Léa Drucker : Ah non pas du tout !

Et à côté de ça on vous retrouve dans Cyprien, partagez-vous cette conception, en opposition par exemple avec une carrière avec une ligne directrice plus tenue comme peut l’être celle d’Isabelle Huppert par exemple, ou alors une carrière comme celle d’Isabelle Adjani qui se fait beaucoup plus rare, qui sélectionne ses films…

Léa Drucker : Oui. Je vous remercie de me comparer à Catherine Deneuve, à Isabelle Huppert … Non je plaisante !  Quand je disais non instinctivement quand vous avez commencé à me poser la question sur Deneuve, c’est parce que ce sont des cinémas qui n’existent plus, le cinéma de Truffaut, de Bunuel, de Demy… C’était des cinémas avec une dimension presque mythique, il y avait un rapport de l’ordre du mythe qui existe moins aujourd’hui. On est devenu plus accessibles, nous, comédiens : on joue des personnages plus accessibles, il n’y a pas des « grands personnages » comme dans les films de Fellini, c’est rare aujourd’hui de pouvoir faire de tels films. C’est pour ça. Mais en effet, sur le fait de « rayonner », entre guillemets,  sur des cinémas très différents, ça a toujours été ce que j’avais envie de faire de ne surtout pas me bloquer sur des frontières. Pour plusieurs raisons. D’abord parce que j’ai mis 10 ans avant que ça démarre, j’ai vivoté un peu mais j’ai fait d’autres choses parce que ce n’était pas si simple. Il y eu un moment donné où des choses très différentes se sont proposées, et je me suis dit OK. J’ai tellement envie de jouer, que puisque qu’on me propose ça, eh bien je vais faire ça. Mais  c’était des choses que j’avais envie de faire. Ce n’était pas n’importe quoi. C’est vrai que le genre de la comédie populaire est un genre qui me plait énormément quand c’est réussi. Et le film de Marina de Van était un scénario … je me suis dit « Qu’est-ce que c’est que ce truc ? »  Et quand je suis rentré chez moi et que j’ai lu le scénario, c’était un scénario imparable, formidable. J’ai un rapport très spontané sur mes engagements, c’est au fur et à mesure des rencontres. On aime beaucoup Catherine Deneuve aussi pour ça, parce qu’elle se risque à explorer des choses très différentes, elle joue avec son image, elle a de l’humour, et c’est pour ça qu’on l’aime.

Comment choisissez-vous vos rôles, puisqu’aujourd’hui vous devez crouler sous les propositions ?

Léa Drucker : Il y a des moments où ça se passe très bien et d’autres… Parfois je croule sous les propositions, ça bouge, et parfois ça bouge moins, c’est le lot pour beaucoup de comédiens. J’ai un rapport passionné avec les scénarios. Il faut d’abord que le scénario me plaise. Ou alors rencontrer quelqu’un qui est un grand artiste, qui a un univers complètement fou, une grande personnalité. Un réalisateur ou une réalisatrice dont on se dit qu’on ne sait pas où il ou elle va nous emmener mais qu’on a envie de suivre, avec qui on a envie  de travailler. Mais je répète, s’il y a une  bonne histoire je peux m’embarquer avec quelqu’un que je ne connais pas du tout. Une bonne histoire est un bon socle pour essayer de faire quelque chose d’intéressant.

En tant que jurée quels sont les critères auxquels vous serez le plus sensible a priori ?

Léa Drucker : Quelque chose entre … C’est difficile. Je suis arrivé au festival vierge de toute information, et je ne suis pas allé au cinéma depuis longtemps [NDLR : Léa Drucker vient d’avoir une petite fille]. Je me suis dit je ne vais rien savoir et puis je vais voir ce qui va m’impacter, m’emporter le plus. A priori je n’ai pas de critères. Je vais voir ce qui va me rester le plus. Chaque film que j’ai vu pour le moment a de bonnes choses, la sélection est bonne. Il y a dans les films que j’ai vu des choses qui me plaisent beaucoup avec un qui m’a emportée un peu plus que les autres, même beaucoup plus. Mais il reste un film à voir demain. Je ne saurais pas vous répondre en fait, c’est plutôt de l’ordre de la sensation que de la technique.

Vous disiez qu’il n’y a plus de mythe au cinéma, dans Je me suis fait tout petit vous tourniez aux côtés de Vanessa Paradis , ne participe-t-elle pas selon vous à une image glamour du cinéma ? Comment s’est passé votre rencontre avec elle ? A notre connaissance, elle avait demandé à faire une scène supplémentaire avec vous, la scène du thé, pour pouvoir avoir une scène avec vous.

Léa Drucker : Oui, elle est étonnante. Quand je dis qu’il n’y a plus de mythe, je ne dis plus qu’il n’y a plus de personnages. Il y en a.  Vanessa en fait partie, elle a quelque chose. Ce sont des personnalités -c’est assez naturel chez eux- qui ont un mystère, qui se livrent assez peu. Vanessa Paradis est là depuis très longtemps, et en même temps c’est quelqu’un de très pudique. Ce sont des personnalités intrigantes, un peu mythiques, je suis d’accord avec vous. Ce que je dis est que le cinéma ne cultive plus aussi les légendes qu’autrefois. Quand j’étais gamine et que j’allais au cinéma, il ne me serait pas venu à l’esprit de dire que je voulais être actrice, car pour moi les actrices c’était Rita Hayworth, Catherine Deneuve, Marilyn Monroe, Ava Gardner… Pour moi, c’était ça l’Actrice : glamour mais en même temps puissante… Pas juste des mannequins. C’était des femmes. Etre actrice c’était quelque chose de renversant. Je ne m’identifiais pas. Ça me plaisait justement le fait d’aller au cinéma et de rentrer dans un conte ou dans une légende. Et puis, après, le cinéma a évolué, il y a eu des personnages plus proches de nous, Il y a eu L’Effrontée, les actrices sont devenues non pas plus ordinaires, mais plus humaines, comme dans les films anglais. Je me suis intéressée plus à ce cinéma là. Je me suis autorisé à dire « Ok, je peux peut être actrice, faire partie de ça », car c’est ce que je voulais faire. Pour revenir à Vanessa Paradis, elle aime jouer,  elle aime les films, elle prend des risques, elle fait des premiers films, elle est audacieuse dans ses choix, elle n’a aucun cynisme, elle ne se dit pas « Je vais faire des films qui vont faire des millions d’entrées », elle va vers ce qui la touche, c’est quelqu’un qui a du cœur, elle avait accepté de faire ce film Je me suis fait toute petit, elle avait eu la même sensibilité que nous sur ce scénario, et c’est vrai elle avait vu ce que j’avais fait, et j’étais contente, elle avait demandé à ce qu’on fasse une petite scène ensemble. Ce sont des récompenses de travail.

 

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