En quoi un américain se différencie-t-il d’un soviétique ? Dans les années cinquante la question devient prégnante et alerte l’ensemble de la population américaine. La paranoïa généralisée de la guerre froide réactive la problématique de l’altérité mais la complexifie en atténuant ses traits au profit d’un conflit plus intérieur. Potentiellement, tout individu peut être un espion vendu à la solde du communisme : parent, professeur, médecin, personnalité artistique ou même politique, personne n’est à l’abri du soupçon. Hollywood profitera de ce climat pour lancer des séries de films où la propagande se dissimule derrière l’innocence du divertissement. La science-fiction est peut être le genre qui sut le plus profiter de cette période trouble, en dénote l’explosion quantitative des films produits à l’époque. Pas difficile de reconnaitre derrière l’invasion des petits hommes verts le présage d’une menace bien terrienne. À l’infini du cosmos répondent les frontières idéologiques du globe terrestre. Parmi ce corpus abondant de films, il n’est pas aisée de trouver une production de qualité. À force de recherches, le cinéphile pourra pourtant dénicher quelques perles parmi lesquelles le désormais classique L’invasion des profanateurs de sépultures (Invasion of the Body Snatchers, 1956). Produit par Walter Wanger, L’invasion des profanateurs de sépultures restera le seul film de science-fiction jamais réalisé par le prolifique Donald Siegel (plus connu sous le diminutif de Don Siegel). Plutôt habitué aux thrillers, le cinéaste profite du scénario de Daniel Mainwaring pour s’éloigner du carcan imposé par le genre et signe une œuvre hybride et novatrice. Si les critiques et historiens ont souvent souligné le travail d’écriture de Daniel Mainwaring aux dépens de la mise en scène de Siegel, la ressortie en salles cette semaine de L’invasion des profanateurs de sépultures prouve les indéniables qualités esthétiques de ce curieux film d’exploitation.