Rama, jeune romancière, assiste au procès de Laurence Coly à la cour d’assises de Saint-Omer. Cette dernière est accusée d’avoir tué sa fille de quinze mois en l’abandonnant à la marée montante sur une plage du nord de la France. Mais au cours du procès, la parole de l’accusée, l’écoute des témoignages font vaciller les certitudes de Rama et interrogent notre jugement.
Apre et exigeant, le film d’Alice Diop Saint Omer qui fut projeté en compétition à la Mostra de Venise2022 et très justement y fut récompensé du Lion d’argent (Grand prix du Jury) n’est résolument pas à ranger du côté des films aimables, faciles d’accès et souriants (comme peut l’être par exemple le dernier McDonagh, The banshees of Inisherin). Bien au contraire, il part du principe, pour citer son personnage principal, observatrice et témoin privilégiée d’un procès qui la marque et la saisit en effet miroir, que le spectateur connait le mythe de Médée. Il prend également le pari que le spectateur saura lire entre les lignes, se faire son propre jugement, et sa propre interprétation de ce qui lui est donné à voir, et plus encore à entendre.
Conceptuel direz-vous … comme ce jeu de miroir proposé au spectateur, appelé à résoudre les différentes énigmes et questions posées, à l’image de ce que doit faire notre témoin, en proie elle même avec ses propres questionnements et doutes. Elle se reconnaît, en tant que femme intelligente, éduquée et cultivée, dans le parcours et les épreuves traversées par la jeune femme accusée.
Saint Omer présente comme singularité, outre une forme plutôt Hanekienne qui vise à faire ressortir l’essentiel, d’être porté par une réflexion intellectuellement très référencée sur un sujet sur lequel le spectateur peut facilement manquer de points de repères. Aussi prend-t-il le parti pris de poser plus de questions qu’il n’apporte réellement de réponses, et de ne pas accorder à la justice le rôle que l’on peut attendre d’elle, celle de dévoiler l’entière vérité. Nous serons ainsi troublés de repartir de ce procès sans avoir résolu l’intrigue qui se posait, mais en ayant pourtant explorer différentes causes, très enfouies, souvent tues, et pourtant si criantes de vérité. Ici, le procès pose un dilemme, ne s’attache pas tant à éclaircir la situation de départ, qu’à se faire le véhicule d’un mythe, d’un problème sociétal profond, d’une interrogation psychiatrique, doublée d’un message politique militant (féminisme, intégration). La force de Saint Omer se perçoit rapidement, Alice Diop sait, tel les écrits de Saint Exupery, écarter le superflu dans sa mise en scène, pour mieux faire ressortir ce qui l’anime et la pousse à faire du cinéma, raconter des histoires laissées de côté, prendre la défense des oubliées, des invisibles, porter un regard critique sur la marche forcée du monde, et ceux qui le dominent. Brillant conceptuellement, riche par ses thématiques, parfaitement construit et intéressant sur le plan littéraire (les discours et plaidoyer bénéficient d’une très belle langue), Saint Omer captive et marque.
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