Mis à jour le 24 novembre, 2019
Deux amis d’enfance s’embrassent pour les besoins d’un court métrage amateur. Suite à ce baiser d’apparence anodine, un doute récurrent s’installe, confrontant les deux garçons à leurs préférences, bouleversant l’équilibre de leur cercle social et, bientôt, leurs existences.
Le qualificatif qui nous semble le mieux convenir à la dernière réalisation de Xavier Dolan, Matthias et Maxime serait intéressant. En disant cela, nous écartons de fait trois autres qualificatifs souvent entendus pour ses premiers films : déchirant (ou bouleversant), brillant, émouvant. Cette fois-ci, après avoir tenté et, dans l’ensemble, de son aveu même, raté son grand rêve, le film américain (Ma vie avec John F. Donovan)– Dolan précisant en conférence de presse à Cannes en avoir retenu de nombreuses leçons, qui lui serviront -, après avoir surpris en adaptant Lagarce en France, dans une production très française, dans Juste la fin du monde, Dolan a tenu à revenir à un projet plus simple, qui lui tienne à cœur, dont il puisse avoir la maîtrise tout en usant d’un matériau très fragile, qui lui appartienne, chez lui, au Quebec.
Dans Matthias et Maxime, le réalisateur Québecois, désormais très adulte, revisite ses premiers thèmes (lui, ses amours, la relation à sa mère), et fait preuve d’une maîtrise que l’on qualifiera de nouvelle.
Cela pourra surprendre, ou décevoir, mais Dolan décide ici de viser bien plus l’essentiel que le développement émotionnel, viser le resserré plus que l’effluve. Il fait quelque part bien plus appel à son cerveau droit, et nous livre un récit, qui d’une certaine façon, peut être vu comme une analyse, une démonstration, et non une peinture brute d’un vécu. Une distance est prise, la passion laisse place à une forme de raison, de raisonnement. Le passé semble digéré. Quand on lui demande si son cinéma ne peut s’écarter de son rapport à sa mère, il opine, et précise que lui même fait ce constat là, il ne peut sur la durée explorer toujours cette relation, la démultiplier , filmer sans cesse des engueulades dans des cuisines, ; la mère de Matthias et Maxime n’est plus nécessairement la sienne de mère, c’est une mère, d’un personnage, qui peut rappeler celle de Mummy, [d]es amours imaginaires, et de J’ai tué ma mère, mais qui s’en écarte. Ce thème là, s’il s’invite effectivement, comme procédé cinématographique pour livrer quelques vérités psychanalitiques, n’occupe effectivement dans Matthias et Maxime qu’une place très secondaire. Dolan effectue des choix, recentre son cinéma, et ne cherche plus nécessairement à en mettre plein la vue, pour mieux faire ressortir son sujet, mieux l’analyser.
Autre choix fort pour lequel il opte, comme à ses débuts, celui d’être interprète : choix ô combien pertinent. Outre le fait que cela lui permet d’arborer un énième nouveau look , il permet de mieux mettre en avant tout à la fois la part autobiographique – fut-elle quelque peu biaisée – de ce récit, mais aussi d’explorer de nouveau l’intime, de faire passer le message au spectateur qu’il nous parle de quelque chose qu’il a déjà vécu, ressenti; qu’il en connaît les effets. Personne mieux que lui ne pouvait retranscrire de fait ces états d’âmes là, si proches de celles de Lagarce, en laquelle il s’était quelque part reconnu … Car, si nous ne devions retenir qu’un seul des sujets que Dolan embrasse au cinéma ce serait probablement celui de l’amour non-dit, de la difficulté d’assumer ses amours et ses désirs …
Pourtant, Xavier Dolan, et il n’a pas nécessairement tort, présente Matthias et Maxime, comme un film hommage à ses potes, qui l’ont accompagné dans ses jeunes années. Si sa façon de le représenter diffère des classiques du genre (Les Sautet, ou dans des registres plus comiques les Canet, Klapisch et autres Arcand), cette dimension ressort effectivement, quoi qu’il ne s’agisse pas d’une évidence, ou d’une parfaite réussite, car d’une certaine façon, il s’agit peut-être là de son talon d’achille, au regard de ce qui, par ailleurs, nourrit le film.
Matthias et Maxime comprend, étonnamment ou non, des analogies avec Le portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma, que Xavier Dolan a beaucoup apprécié, mais aussi avec le cinéma d’Almodovar, cité dans le film. Outre la forme réussie sans être éblouissante – on peut reprocher quelques longueurs -, Dolan séduit par les émotions que son film véhicule – des rires, des larmes, des cris, des danses, et, vous le disait-on, des non-dits, des impressions qui se lisent dans les yeux, des empêchements aussi. Les barrières qui se heurtent à un avenir, les interdits réels ou posés là, par faiblesse ou incapacité, l’interrogation sur l’homosexualité refoulée, non assumée, non acceptée, l’auscultation de cet intime là, voilà le principal centre d’intérêt perceptible à défaut d’être manifeste.
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