Appuyez sur “Entrée” pour passer au contenu

Un Couple de Frederick Wiseman: Quand une femme se raconte

Léon et Sophia Tolstoï ont formé un couple hors norme : 36 ans de mariage, 13 enfants, des disputes intenses, des moments de réconciliation passionnés… Dans la nature expressive d’une île sauvage, Sophia se confie sur son admiration et sa crainte pour l’auteur de Guerre et paix, sur les joies et les affres de leur vie commune.

La vie et les écrits de Sophia Tolstoï, autrice, photographe, et épouse de l’un des plus grands écrivains de l’âge d’or de la littérature russe, ont toujours attiré l’attention des féministes. Femme lettrée, intelligente et éduquée, Sophia s’est mariée très jeune avec Leon Tolstoï. Talentueuse, elle cherchait à s’affirmer à travers son journal intime qu’elle écrivait à tout instant de sa vie. Dans les textes troublants de ses mémoires, également dans son roman Ma vie, elle dévoile et remet en question sa situation de femme au foyer, ainsi que ses problèmes de couple.

Dans sa dernière œuvre, Un couple, Frederick Wiseman s’intéresse à cette femme exceptionnelle, qui, dans le contexte patriarcal de son époque, n’a pas trouvé de renommée littéraire. Le film, composé d’un long monologue, d’une forme expérimentale qui ne s’accorde pas avec les règles du cinéma documentaire ou de la fiction, mais plutôt avec celles du vidéo-art, est adapté du journal intime de Sophia ainsi que des lettres échangées entre elle et Léon Tolstoï.

Il s’agit sans doute d’un ovni dans la carrière cinématographique de Frederick Wiseman, connu pour ses documentaires sociaux et urbains au format long. D’une durée de soixante-minutes, tourné en France (Belle-ile-en-Mer en Bretagne) et en français, le film alterne entre les paysages naturels et le visage/le corps de Sophia qui lit face à la caméra une lettre (contestataire du point de vue d’une femme) destinée à son mari.

Malgré quelques passages puissants, notamment au début, le film reste inefficace dans l’ensemble, car les images de la nature deviennent vite répétitives, et Wiseman n’arrive pas, par sa mise-en-scène, à ajouter une dimension quelconque au très beau texte de Sophia Tolstoï, ni à créer un lien organique entre l’image et le texte (pas plus qu’à justifier son choix de lieu de tournage d’ailleurs). Au contraire, le mécanisme cinématographique de Wiseman tend de plus en plus à l’aseptisation: mettre en parallèle les fragments lus de la lettre avec les images des fleurs, des abeilles, des arbres, etc., vide celle-ci de sa puissance initiale. Est-ce un effet recherché par le cinéaste expérimenté ? Nous n’en sommes pas sûrs. Nous pouvons néanmoins apprécier la qualité du jeu de Nathalie Boutefeu, capable d’interpréter un texte difficile et d’incarner un personnage historique d’une façon crédible.

Soyez le premier a laisser un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.