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No dormirás – Sens en éveil

Mis à jour le 14 mai, 2018

Comme dans The silent house (2010), Gustavo Hernández inspire le récit fictionnel de No dormirás de faits réels. Une première filiation qui en appelle d’autres puisque ces deux films outre d’appartenir au même genre cinématographique (film d’horreur) voient leur déroulement ancré dans le passé. Mais il faut souligner que No dormirás emprunte plus généreusement que son aîné aux codes du thriller. Ainsi, cette caractéristique anime le dernier opus du cinéaste uruguayen d’une plus grande ambition qui sera visible en salle dès le 16 mai prochain.

Dans un hôpital psychiatrique abandonné, une compagnie théâtrale menée de main de maitre par Alma, expérimente une technique extrême de jeu. En privant ses comédiens de sommeil, Alma prétend les préparer à donner le meilleur d’eux-mêmes. Au fur et à mesure des jours d’insomnie, les acteurs ressentent des choses de plus en plus étranges… Bianca, jeune actrice en compétition pour le rôle principal, tente de percer les secrets de cet étrange endroit et devient bientôt l’objet de forces inconnues.

Dans le scénario écrit par Juma Fodde, il est question d’expérimentation théâtrale. L’actrice espagnole Belén Rueda prête ses traits à Alma Böhm, auteure controversée dont les principes de mise en scène avant-gardistes consistent notamment à priver ses acteurs de sommeil pour leur permettre de dépasser leurs limites physiques et psychiques. Au-delà de la 108ème heure d’insomnie, c’est la promesse d’atteindre un état d’extra-sensorialité où la peur disparaît au profit d’aptitudes artistiques pleinement libérées et disponibles.

Le canevas narratif et psychologique de No dormirás interroge ainsi les limites de l’art théâtral. Des sacrifices faits par un artiste, quels sont ceux susceptibles de le faire basculer de l’ambition à l’aliénation ? Quelles sont les limites à ne pas dépasser dans la direction d’acteurs ? Et, à travers les personnages de Bianca (Eva de Dominici) et Cecilia (Natalia de Molina) mis en concurrence pour l’obtention du rôle principal, Hernández aborde en filigrane la concurrence que les comédiens peuvent (doivent ?) se livrer. Le cinéaste rend donc compte de la frontière immatérielle séparant une démarche artistique d’un processus aliénant.

Pour mener ces réflexions, Hernández use de la mise en abîme d’une pièce de théâtre dont les décors seront ceux d’un vaste hôpital psychiatrique désaffecté mais hanté par la présence spectrale de quelques anciens occupants. Tous ces éléments se révèlent parfaits pour gommer la frontière entre la réalité et des cauchemars, ici forcément éveillés. Car, grâce à une bonne direction artistique et une utilisation mesurée des effets sonores, une atmosphère claustrophobe et psychotique s’installe sans jamais être portée à son paroxysme.

Mais le défi des films de genre tels que No dormirás réside dans le maintien de bout-en-bout d’un développement narratif. Hernández y parvient globalement malgré une première partie trop explicite alors que la privation de sommeil et ses effets appelaient à plus d’ambiguïté et de mystère. Paradoxalement, le récit prend plus d’ampleur dès lors que les intentions de certains personnages sont dévoilées. Mais la qualité du canevas narratif n’est rien si celui-ci n’est pas servi par une distribution à l’avenant.

No dormirás adopte le point de vue de Bianca, jeune actrice cherchant à percer dans la profession. Ce personnage traverse un arc dramatique exigeant bien servi par Eva de Dominici. Moins écrit, le rôle de sa rivale échoue à Natalia de Molina qui convainc en incarnant un personnage plus secondaire. L’interprétation la plus forte reste celle de Belén Rueda désormais habituée à œuvrer dans ce genre cinématographique : L’orphelinat (2007, Juan Antonio Bayona), Les yeux de Julia (2010, Guillem Morales). L’actrice compose avec brio une Alma Böhm manipulatrice et intransigeante. A l’image de son personnage, elle s’impose face aux jeunes comédiens qu’elle dirige et transcende les scènes dans lesquelles elle apparaît.

 

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