Mis à jour le 27 mai, 2019
The Dead Don’t Die de Jim Jarmusch – OUVERTURE avec Bill Murray, Adam Driver, Selena Gomez, Iggy Pop, Tom Waits, Danny Glover
Dans la sereine petite ville de Centerville, quelque chose cloche. La lune est omniprésente dans le ciel, la lumière du jour se manifeste à des horaires imprévisibles et les animaux commencent à avoir des comportements inhabituels. Personne ne sait vraiment pourquoi. Les nouvelles sont effrayantes et les scientifiques sont inquiets. Mais personne ne pouvait prévoir l’évènement le plus étrange et dangereux qui allait s’abattre sur Centerville : THE DEAD DON’T DIE – les morts sortent de leurs tombes et s’attaquent sauvagement aux vivants pour s’en nourrir. La bataille pour la survie commence pour les habitants de la ville.
Jim Jarmusch nous propose son premier film de zombie à Cannes, comme il nous avait proposé, avec réussite, un film de vampire, déjà à Cannes. Il s’entoure pour l’occasion d’un casting prestigieux pour nous proposer un film apocalyptique truffé de références (Godard, Roméro, Star Wars). Mais que peut bien donner un film de zombies à la sauce Jarmusch ?
La poésie traverse l’oeuvre de Jim Jarmusch, dés ses premiers films, il n’aura de cesse de l’interroger, de la renouveler, et rencontrera tout au long de sa carrière différents publics, différentes générations. Sa mise en scène inventive est une marque de fabrique, le réalisateur est joueur, il aime à ce que son public puisse noter les différents détails qu’il sème ici ou là, que ce soit des effets miroirs, des caméos de ses amis musiciens, des références aux autres, auteurs ou cinéastes, ou à ses œuvres précédentes.
Certains adulent Broken Flowers, pour son regard tendre porté par un Bill Murray qu’il avait alors déterré -il n’était pas mort vivant mais l’iconique interprète de Ghostbuster avait perdu de sa superbe -, d’autres se réfèrent plus volontiers à sa période Down by law, Night on earth, d’autres scotchent sur l’hypnotique Dead man, ou le très hip hop Ghost Dog d’autres encore apprécient ses mises en scènes de ses amis musiciens comme Iggy Pop (Coffee & Cigarettes) quand un public plus récent l’a redécouvert avec Pattinson ou Only lovers left alive.
Jim Jarmusch s’est fait connaître à ses débuts pour être un cinéaste américain très fortement influencé par le cinéma européen, il avait des histoires à raconter, des villes à raconter, des images à proposer, aux antipodes de ses contemporains. Le rythme pour lequel il opte se distingue parmi cent, contemplatif, musical.
Le point de comparaison qui nous semble le plus évident pour The dead dont die est Only lovers left alive, quand Jarmusch s’essaye à un genre qu’il apprécie – même si la présence de Bill Murray aurait pu laisser croire à un Broken Flowers version zombie – sic, dont on aurait été curieux :-).
Avec Only lovers left alive, on pouvait dire qu’il avait réussi son pari de dépoussiérer le genre, en multipliant les références vintage, en proposant des situations burlesques, un décor très imaginatif et un rythme alenti novateur pour le genre, tout en respectant les codes en vigueur. Les personnages n’étaient pas particulièrement habités, leur identité était floue, mais à dessein: les vampires traversent les temps, leur identité se perd dans l’éternité et se réinvente dans leur quotidien …
The dead don’t die offre objectivement moins de temps morts que Only lovers left alive, le rythme choisi se veut plus proche des références évidentes pour les films de Zombie (Jarmusch citera en conférence de presse Romero, quelques autres auteurs, mais aussi des séries comme The Walking dead qu’il apprécie), le ton est à la comédie légère. Si dépoussiérage du genre il y a, il faut aller le chercher, outre l’aspect parfois intellectualisant, du côté du plus faible taux d’hémoglobine, Jarmusch n’étant pas très intéressé par l’aspect gore …
Soit, mais pour un film en sélection à Cannes, disons le tout net, Rhe dead don’t die s’avère plutôt faiblard sur bien des aspects. S’il « se regarde » facilement, comme on regarde un petit film de zombie intello du dimanche, il ne devrait pas laisser grande trace. La faute principale incombe probablement au scénario. Celui-ci tombe dans des écueils fréquents; à trop multiplier les personnages, Jarmusch oublie de soigner l’identité de ses deux héros principaux. Bill Murray et Adam Driver ne nous apparaissent pas nécessairement sympathiques, car jamais il nous est donné de découvrir qui ils sont, ce qu’ils pensent, ce qu’ils vivent. Leur relation entre eux peut faire sourire, elle n’en reste pas moins éculée – les deux flics débordés par la situation d’une ville. Le parti pris de narrer une fin du monde qui démarre à Centerville manque aussi de relief, même si quelques habitants typiques nous sont présentés, portraits d’une certaine Amérique, même si quelques intrus permettent aussi de compléter ce portrait, même si Jarmusch prend le soin de nous souligner les lieux symboles, l’effet principal apporté tient beaucoup plus de la carte postale sympathique que de l’éxégèse.
Jarmush rate son défi d’amener le film de zombie ailleurs, de le transposer dans son propre univers. Les amateurs de films de zombie trouveront à redire, tout comme les fans de Jarmusch – dont nous sommes ! Le mélange des genres ne se révèle pas un réel apport … Les présences de Selena Gomez en contre référence (quel rôle !), et les caméos d’Iggy Pop (qui fait rire), de Tom Waits (méconnaissable) ou RZA relèvent du détail presque insipide et ne sauvent pas l’affaire…
Jim Jarmusch lui même le disait en conférence de presse, il est plus fan de films de « vampires » que de films de « zombies » et cela se sent. Ce qui est gênant dans ce cas précis, c’est qu’on le vient à se dire dans ce cas, que bien d’autres réalisateurs auraient mérité une sélection à Cannes s’il s’agissait de présenter un film de zombies drôles, référencé et rythmé.
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