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Anna : enfin sur grand écran !

Le pitch :

Serge (Jean-Claude Brialy), le patron d’une agence publicitaire parisienne à la mode, tombe amoureux d’Anna (Anna Karina), une jeune femme anonyme photographiée par hasard dans une gare. Aidé par son ami (Serge Gainsbourg), notre héros sentimental part à la recherche de cette fille introuvable, mobilisant l’équipe de toute son agence de pub, tandis que ses deux tantes, snobs et extravagantes, cherchent à le marier à une jeune Anglaise (Marianne Faithfull).

Conçue pour la télévision, la comédie musicale Anna de Pierre Koralnik sort enfin sur grand écran. Cette œuvre singulière, télévisuelle à l’origine, est digne des salles obscures -qui nous permettront de savourer pleinement la qualité du travail du chef-opérateur Willy Kurant et de la Bande Originale contenant des classiques, des chefs-d’œuvre indispensables, conçus par Serge Gainsbourg, tels que Sous le soleil exactement. Il dénote aussi par son casting : Anna Karina, Jean-Claude Brialy, Serge Gainsbourg mais aussi, last but not least, Marianne Faithful. 

Les grands noms se bousculent aussi dans l’équipe du film : Jean-Loup Dabadie aux dialogues, Michel Colombier à la direction musicale, Michèle Arnaud comme productrice pour citer les plus célèbres. 

Filmée en public dans les rues de Paris, au Bus Palladium, à la gare de l’Est, sur la plage de Deauville et au château Progès de Rochefort-en-Yvelines, cette comédie musicale, commandée pour la télévision française par la chanteuse et productrice Michèle Arnaud, tournée en 1966 (pour la première fois à la télévision) en pellicule 35 mm couleur par le réalisateur franco-suisse Pierre Koralnik, propose un style graphique innovant et une mise en scène débridée qui coïncide avec l’arrivée, en France, de la pop culture anglo-saxonne. Anna est caractérisé par la chorégraphie audacieuse de Victor Upshaw, la photo du jeune chef opérateur Willy Kurant, qui venait de tourner avec Agnès Varda et Jean-Luc Godard, et les costumes colorés de Lison Bonfils. La comédie musicale sera aussi une étape très importante dans l’œuvre de Serge Gainsbourg, dont la musique et les chansons sont orchestrées par Michel Colombier, qui travaille à l’époque avec le compositeur de musique contemporaine Pierre Henry. Anna Karina, coachée à coups de répétitions par Gainsbourg, révélera un talent incontestable de chanteuse dont on retient avant tout la chanson culte Sous le soleil exactement.

Injustement vue comme la seule muse de Godard, beaucoup associe uniquement Anna Karina aux œuvres de ce dernier. Or, il est d’autre œuvres, dont Anna fait partie, où l’actrice déploie son talent et sa grande beauté, comme l’indispensable La Religieuse de Jacques Rivette, ou L’étranger de Luchino Visconti, où, filmée par d’autres yeux, elle apparaît sous de nouveaux apparats -dans L’Etranger elle est vraiment méconnaissable. Trois regards différents, trois génie : Rivette / Godard / Visconti.

Dans Anna, qui lui octroie l’honneur de porter son véritable prénom, on la retrouve ceci-dit telle que Godard a pu la façonner.

Le (télé)film séduit par sa légereté, son côté pétillant et simple. Le héros masculin d’Anna (Jean-Claude Brialy), quoi qu’il l’ait tout le temps sous les yeux, ne reconnaît pas sa belle fille, masquée par d’épaisses lunettes et des cheveux noués. Cliché repris indéfiniment au cinéma, notamment dans les comédies romantiques américaines. Quand ce motif scénaristique a-t-il été conçu ? Est-ce qu’Anna a inspiré les œuvres modernes qui reprennent ce motif ? A la première question, difficile de répondre. Quant à la seconde, il semblerait que non.

On sait que Karina, Brialy et Gainsbourg (qui est à la fois acteur et compositeur de la BO) se sont amusés dans cette œuvre pop, colorée,.

Pour l’anecdote, Brialy était, dans la vraie vie, très complice avec Anna Karina. Gainsbourg et Karina ont entretenu une relation d’attraction amoureuse. Karina ne comprenait pas qu’on le trouvât laid. Elle le trouvait fort beau. Comme en témoigne un dialogue filmé pour la promo du téléfilm. Dans le même contexte on les voit danser un slow et chanter Ne dis rien avec des regards qui ne mentent pas. La seule chose qui empêcha cette relation était que Gainsbourg était encore avec Brigitte Bardot, qui tenait dans Le Mépris un rôle fortement inspiré de Karina dans la vraie vie.

Sur le site de l’INA, nous pouvons retrouvez les essais d’Anna Karina pour le tournage.

Godard avait demandé ainsi à cette dernière de marcher comme son ex-compagne, ou de proférer des insultes de manière atone. Dans une bonne partie du film, il coiffe BB d’une perruque noire. La plus grande star du monde se plia à ses doléances non sans être docile, particulièrement vexée. “Moi qui était connue pour ma démarche si caractéristique et inimitable, on me demandait d’imiter celle d’une autre ! Ou de proférer des injures comme on réciterait un chapelet !” dit B.B dans ses fameuses mémoires. On sait qu‘Anna Karina, avec qui Godard fut fort cruel, pouvait se montrer très virulente et vulgaire lors de leurs disputes. On suppose cependant que de jurer d’une voix blanche était un choix artistique de JLG.

Mais revenons au cœur d’Anna, bien que ces hors-champ revêtent une importance et rajoutent du piquant pour qui les connaît et pour les fans.

Anna recèle aussi une chose précieuse : on y voit le vrai Gainsbourg de l’époque pré Birkin. Un dandy élégant, charmant, ironique aux cent mille conquête. 

La partie où il taquine le personnage prise d’Anna, de manière chantée, le montre tel qu’il était à l’époque, magnifié où plutôt mis en lumière par la qualité de la photo, de la mise en scène, du scénario et de la BO. D’ailleurs, dans cette scène se trouvent des répliques aussi cultes que “Qu’est-ce que je peux faire ? J’sais pas quoi faire !” telle que “Quel salaud !” “Je trouve ça complètement idiot”.

Brialy est dans un registre qui lui était commun à cette période  de sa carrière : le bel homme séducteur. Il ne faut pas oublier qu’à cette époque l’acteur n’avait pas fait son coming-out (chose impossible dans les années 60) et était une idole,  un sex-symbol, au même titre que Brando ou Delon.

D’où le fait que, dans  La vérité de Clouzot, le personnage de Dominique Marceau (Brigitte Bardot) ait épinglé son portait au mur avec  d’autres acteurs dont les jeunes femmes raffolaient.

En dépit de toute les qualités que nous avons énumérées, et de la qualité du casting et de l’équipe trois étoiles, Anna n’est pas le (télé)film parfait : il y a des inégalités, des longueurs. Mais celles-ci sont compensées par une impression de qualité par rapport aux productions actuelles, de bulle colorée, d’une époque insouciante, avec des acteurs fascinants et des chansons chefs-d’œuvre plus connues que la comédie musicale dont elles sont issues, et qui ont imprimée inconscient collectif. 

 

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