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Caught by the tides – de l’influence de Wang Bing

Mis à jour le 8 juin, 2024

Un film de Jia Zhangke

Avec: Zhao Tao, 周遊, Ren Ke, Mao Tao, Zhubin Li, Pan Jianlin, Zhou Lan

Chine début des années 2000. Qiaoqiao et Bin vivent une histoire d’amour passionnée mais fragile. Quand Bin disparaît pour tenter sa chance dans une autre province, Qiaoqiao décide de partir à sa recherche. En suivant le destin amoureux de son héroïne de toujours, Jia Zhang-ke nous livre une épopée filmique inédite qui traverse tous ses films et 25 ans d’histoire d’un pays en pleine mutation.

Caught by the tides de Jia Zhang-Ke peut laisser perplexe: la première moitié du film, qui prend la forme d’un documentaire expérimental, presque muet, et qui par son exercice avec le temps réel embrasse le cinéma de Wang Bing, est juste passionnante. Le portrait du milieu ouvrier se crée à travers de longs et captivants travellings sur les visages, les paysages, et les habitats en ruine, mais aussi avec des chansons populaires et des scènes répétitives de danse en discothèque. Dans ces séquences sensorielles et anti-narratives, l’assemblage particulièrement sensible entre l’image et le son impressionne, rappelant les travaux similaires de Wang Bing.

Mais à partir d’un moment le film semble hésiter à changer de registre, pour entrer dans le mélodrame, tenter d’introduire une part fictive et de se recentrer une histoire d’amour. On y perd en grande partie le plaisir esthétique du début, à notre grand regret. Le travail reste en soi très intéressant, puisqu’il renvoie directement à la filmographie de Jia-Zhang Ke tout entière, par deux procédés antagonistes mais ici complémentaires, qui augurent peut être d’un prochain virage plus profond du cinéaste (la boucle serait bouclée semble-t-il nous dire en substance). En premier lieu, puisqu’il utilise en matière première des rushs de chacun de ses films précédents, il réalise un pas de côté. Il réhabilite, redonne vie à des instants capturés qui ont leur part de témoignage sur la Chine, ce qu’elle est – très loin de l’image d’épinal de la Chine Shanghaihienne, voire Pékinoise- sur les mutations en cours ou attendus suite à des événements importants (Jeux Olympiques, Covid, Barrage des trois gorges, …). La Chine, vu au travers de ses habitants, avec un regard bienveillant et accompagnateur, Jia Zhang-Ke poursuit ici son œuvre Balzacienne, naturaliste. En second lieu, en regroupant ces différentes géographies, ces différentes époques, il nous propose un intéressant espace de réflexion sur le temps. Là où chacun de ses films interrogeait une mutation à venir, attendue, négative ou positive, ici, en confrontant des territoires différents, des époques différentes, un sentiment de permanence s’insuffle inexorablement. Les hommes et les femmes ne changent pas, la pauvreté reste, la Chine demeure la Chine, avec ses maux, et les grands changements soit n’aboutissent pas, soit sont juste précurseurs d’autres changements à venir. Les bribes de fiction qu’il introduit, suivant les pas d’une jeune femme égarée, en amour notamment, semblent pure métaphore du propre rapport de Jia-Zhang Ke avec son pays, qu’il aime, chérit, mais qui l’exclut.

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