D’après l’ouvrage Le Dernier Duel : Paris, 29 décembre 1386 d’Eric Jager.
Basé sur des événements réels, le film dévoile d’anciennes hypothèses sur le dernier duel judiciaire connu en France – également nommé « Jugement de Dieu » – entre Jean de Carrouges et Jacques Le Gris, deux amis devenus au fil du temps des rivaux acharnés. Carrouges est un chevalier respecté, connu pour sa bravoure et son habileté sur le champ de bataille. Le Gris est un écuyer normand dont l’intelligence et l’éloquence font de lui l’un des nobles les plus admirés de la cour. Lorsque Marguerite, la femme de Carrouges, est violemment agressée par Le Gris – une accusation que ce dernier récuse – elle refuse de garder le silence, n’hésitant pas à dénoncer son agresseur et à s’imposer dans un acte de bravoure et de défi qui met sa vie en danger. L’épreuve de combat qui s’ensuit – un éprouvant duel à mort – place la destinée de chacun d’eux entre les mains de Dieu.
#Venezia78 Ridley Scott ces derniers temps retrouvent de l’inspiration. Nous hésitions à aller voir Le Dernier Duel, et nous avons fait le bon choix de nous y risquer. Le film joue sur les perceptions. Il donne à voir plusieurs films en un à plus d’un titre, et comprend différents niveaux de lecture. Le premier est celui de la super production, qui se donne à voir dés l’ouverture, se rappelle à nous vers la fin du film, et est symbolisé par le casting (Matt Damon et Ben Affleck les potes, super stars d’hier, et Adam Driver, leur pendant actuel). Ce premier niveau s’il n’est pas celui qui nous motivait le plus, n’est cependant pas insupportable comme pouvait l’être par exemple Freaks Out, en compétition. Le second niveau de lecture, est celle d’une histoire universelle, et hautement contemporaine, transposée au moyen âge. On retrouve donc ici le procédé d’interroger le passé pour parler d’aujourd’hui, fil conducteur de nombreux films cette année (à Venise comme à Cannes).
Le dernier duel s’avère un film politique. Surtout, Scott innove en adaptant un texte qui tend non pas à rendre compte d’un moyen âge à l’antipode de notre siècle, mais au contraire, d’une époque proche, où tout était déjà en place, où les mécanismes que l’on observe aujourd’hui fonctionnaient déjà. L’homme naît homme, est homme. Ce deuxième niveau de lecture est probablement le plus intéressant, d’autant qu’il se subdivise lui même en trois tableaux complémentaires: le portrait d’une époque, le portrait collectif d’individus agissant en masse, et enfin, plus surprenant, le portrait psychologiquement juste des trois personnages héros de l’histoire racontée. De la sorte, Scott parvient à jouer une première fois sur les perceptions, et à montrer qu’elles peuvent être trompeuses, que le cinéma s’est jusqu’à présent surtout évertué à dépeindre un moyen-âge sous un angle unique, et qu’une place existe pour en présenter une autre vision. (Comme cela se fait de plus en plus pour la conquête de l’ouest et le western).
Le troisième niveau de lecture, fin lui aussi, concerne la trame narrative. Scott et ses scénaristes optent pour l’histoire dans l’histoire, la même histoire perçue et racontée par chacun des trois protagonistes, relevant tout à la fois des détails différents, mais aussi des visions et perceptions pouvant être complémentaires ou au contraire très opposées. Là aussi, le procédé se subdivise en plusieurs niveaux. Le premier concerne le point de vu féminin à l’encontre du point de vu masculin. Le second, la question de l’amitié, de ses codes, la thématique de la trahison, mais aussi celle de l’amour. Le troisième renvoie à la question du point de vu individuel, le quatrième à celle de la littérature et de l’éducation, qui déjà, pouvait faire la différence, plus que la force. Le procédé scénaristique ample (vu dans L’été meurtier de Becker (et Japrisot avant lui) ou Rashomon de Kurosawa) produit des effets assez vertigineux.
On ne pourra donc pas reprocher à the last duel de faire dans le scénario rocambolesque et sans intérêt comme tant de superproductions, ni même lui reprocher l’absence d’un regard, ou de réflexions. Le film est intelligent, et appelle à l’intelligence du spectateur, malgré son écrin de superproduction hollywoodienne. A l’inverse, la profusion d’excellentes intentions, le scénario riche et nourri peut être vu comme un défaut (éparpillement possible), tout comme l’est la langue anglaise utilisée dans une histoire « française » (d’ailleurs, il s’agit d’une histoire vraie, le film a ceci-dit été tourné en Dordogne). En tout cas, Le dernier duel aurait mérité une place en sélection officielle.
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