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Madeleine Collins, mystérieux et maîtrisé

Judith mène une double vie entre la Suisse et la France. D’un côté Abdel, avec qui elle élève une petite fille, de l’autre Melvil, avec qui elle a deux garçons plus âgés. Peu à peu, cet équilibre fragile fait de mensonges, de secrets et d’allers-retours se fissure dangereusement. Prise au piège, Judith choisit la fuite en avant, l’escalade vertigineuse.

Nous avons dés le début du festival de Venise eu un coup de cœur pour #MadeleineCollins qui venait nous remonter le moral après la découverte des conditions dans lesquelles le festival se déroulait cette année (contrôle renforcé, numérisation mal pensée, mercantilisation évidente du festival, déshumanisation, …).

Virginie Efira trouve ici un énième très joli rôle, qui vient confirmer que la désormais actrice possède cette qualité (ou cette chance) de faire venir à elle et de retenir des projets de qualité. Peut-être avait-elle perçue dés la lecture du scénario que nous serions cette fois-ci du côté de Cassavetes (Une femme sous influence), que le rôle présente tout à la fois son lot de modernité, de tragique, mais aussi et surtout de mystère ? L’approche choisie par Antoine Barraud, dés son ouverture surprend. D’emblée, la scène liminaire nous intrigue, plante le décor, et présente quelques qualités qui se verront tout le long du film: rythme bien senti, approche mystérieuse, jeu sur l’identité, élégance. Le développement de la trame narrative viendra, en effet, par la suite, confirmer ces (excellentes) premières impressions. Virginie Efira apparaît alors à l’écran, et la caméra ne quittera plus son personnage.

La première heure s’attache à proposer au spectateur un portrait d’une femme moderne, qui semble vivre plusieurs vies parallèles, et dont l’identité ne semble pas si évidente… Le spectateur est invité à se frayer son propre chemin de réflexion pour deviner la femme – ou les femmes – dont il suit les pas. Tantôt Margot, tantôt Judith, tantôt mère de deux adolescents, mariée à un chef d’orchestre dont la carrière pourrait décoller, tantôt mère d’une petite fille et très amoureuse de son père, plus jeune qu’elle et moins argenté. Mère, femme amoureuse, mais aussi femme active, en permanents déplacements, entre ses deux vies, mais aussi fille d’une mère qui entretient avec elle une relation cassante, signe d’un amour/désamour parfaitement montré, et détail psychologique particulièrement important, s’il n’est pas même un ressort.

Madeleine Collins brille particulièrement par la tension psychologique qu’il parvient à insuffler au delà du mystère, parce qu’il vise juste, avec un regard, nous le disions, qui peut rappeler celui de Cassavettes (nous n’irons pas jusqu’à Bergman).

Le récit n’enferme pas le spectateur dans une direction aisément devinable, au contraire, il nous est donné libre court de nous faire notre propre opinion sur l’identité, la stabilité, le courage de ce personnage central, mais aussi et surtout de le rattacher à la scène inaugurale. Le mystère sera levé d’ailleurs de manière inattendue – quand on venait à penser qu’il tiendrait jusqu’à la scène finale -, pour laisser place à un développement qui oscille entre différents genres. Ce ressort narratif permet au film de rebondir et d’atteindre une belle intensité, en contraste important avec la délicatesse du portrait initial, à la forme plus reconnaissable.

Les débordements l’emportent alors sur la raison, l’apparente stabilité de la double vie s’effondre tel un château de cartes, poussant le personnage à se regarder dans un miroir, à exploser intérieurement et extérieurement à mesure que le masque tombe et que les explications mensongères ne tiennent plus debout.

Mais ce qui disparaît, la petite vie ordinaire et trompeuse, peut aussi, marquer l’avènement d’une nouvelle personne, réconciliée avec elle même, déssillée. Car Madeleine Collins finit par donner une direction, par lever les voiles. La vérité refait surface, le passé avec lui. L’émotion s’invite. Une troisième et nouvelle identité apparaît alors, celle de Madeleine Collins. Car Madeleine Collins – le film – nous aura plongé sans crier gare, dans un processus de deuil avec brio.

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