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Monos – Cheminement sous influences

Après Porfirio, drame social et politique, déjà remarqué en 2011 notamment lors de la Quinzaine des réalisateurs, Alejandro Landes livre son deuxième long métrage de fiction. Bien que fort différent de son aîné, Monos est aussi précédé d’une belle carrière en festival : Berlin, Sundance, San Sebastián, etc. Ce film de genre peu narratif s’inscrit d’emblée comme l’une des grandes propositions cinématographiques de l’année.

Dans ce qui ressemble à un camp de vacances isolé au sommet des montagnes colombiennes, des adolescents, tous armés, sont en réalité chargés de veiller à ce que Doctora, une otage américaine, reste en vie. Mais quand ils tuent accidentellement la vache prêtée par les paysans du coin, et que l’armée régulière se rapproche, l’heure n’est plus au jeu mais à la fuite dans la jungle…

Huit adolescents armés et embrigadés détiennent Doctora, une otage de nationalité américaine interprétée par l’actrice Julianne Nicholson. Ils doivent la maintenir en détention et en vie. Monos est un film sauvage tant dans son contenu et l’atmosphère instaurée que dans sa forme. Cet OFNI étonnant et souvent surprenant s’adresse moins à une large audience qu’à un public averti et cinéphile. En effet, ce long métrage réalisé par Alejandro Landes cumule les fulgurances sous influences. C’est un choc et un véritable plaisir de cinéphiles. Ainsi, la thématique de Monos le rapproche de Sa majesté des mouches (1963, Peter Brook) alors que les lieux naturels filmés renvoient à Apocalypse now (1979) de Francis-Ford Coppola ou encore à Aguirre, la colère de Dieu (1972) et Fitzcarraldo (1982) de Werner Herzog. Par son caractère viscéral, on retrouve aussi dans Monos, dans une moindre mesure cependant, quelques influences du cinéma de l’est en écho aux réalisations d’Andreï Tarkovski et Elem Klimov entre autres.

De ce cinéma issu de l’ancien bloc de l’Est, le cinéaste colombiano-équatorien retient notamment la mise en scène de personnages autochtones aux lieux filmés. Ses protagonistes sont ceux, adolescents, d’un commando de guérilleros. Une faction hétéroclite (chacun emprunte les apparats de groupes paramilitaires distinctifs non obligatoirement colombiens) et anonyme (chacun répond à un pseudonyme : Rambo, Boom-Boom, Bigfoot, etc.) et dont le passé et les ambitions resteront mystérieuses. Le même mystère entoure Doctora et un conflit sans nom (guerre civile colombienne ?). Autant d’inconnues rend illusoire une lecture unique du film. D’autant que Monos est moins un film narratif (chronique en filigrane d’une prisonnière appréhendée par le regard de ses kidnappeurs) qu’un film à vocation immersive, sensoriel et sauvage.

Sauvage à l’image des lieux naturels et fascinants dans lesquels l’action campe. La géographie des lieux scinde Monos en deux parties. La première moitié a pour cadre les hauts plateaux andins alors que la seconde perdra en altitude pour s’enfoncer dans la jungle amazonienne. On imagine aisément la lourdeur logistique et la complexité technique d’un tel projet cinématographique.

Il y a une réelle volonté de désorienter les spectateurs dans la façon de Landes de mener et orchestrer son récit post-­apocalyptique et métaphorique. Hors du temps, usant de genres différents et de codes fantasmagoriques voire fantastiques, Monos est quasi vierge de tout repère spatio-temporels. Au diapason, la mise en scène alourdie de quelques afféteries prend appui sur une imagerie parfois hallucinante. L’objet filmique véritable expérience viscérale, puisque c’est bien de cela dont il est question ici, impressionne à chaque instant, fascine même au regard du travail de mise en scène sensorielle et chorégraphique réalisé. Enfin, signalons que la composition de la bande originale a été confiée à la géniale Mica Levi, auteure déjà en 2013 de la très remarquable et remarquée bande originale d’Under the skin de Jonathan Glazer.

Malgré de nombreuses références cinématographiques, Monos jouit étonnamment au final d’une forte singularité qui le rend surprenant, troublant, unique et donc incomparable. En cela, Landes livre une belle proposition cinématographique et justifie le titre de son film puisque le terme Monos vient du mot grec signifiant seul et unique.

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