Lors du festival Lumière 2016, Bertrand Tavernier présentait le premier volet de son Voyage à travers le cinéma français. Un film de plus de trois heures dont nous avions dit le plus grand bien dans ces colonnes et désormais disponible sur support DVD ou Blu-Ray. Le deuxième volet de ce conséquent travail de synthèse est présenté en avant-première au festival Lumière 2017. Le format du long-métrage est ici troqué pour celui de la série télévisée. Huit épisodes de 55 minutes qui seront diffusés sur Ciné+ puis sur France 5 dans les prochains mois. Dans notre planning Lumière 2017 surchargé, nous avons réservé une place aux épisodes 7 et 8.
Dans l’épisode 7, Bertrand Tavernier se penche sur Les méconnus tout en avouant en avant-séance avoir eu quelques difficultés à distinguer les réalisateurs à classer parmi Les oubliés (épisode 6) et ceux à placer chez Les méconnus. En avant-séance, il avoua ainsi avoir dû faire des choix par essence arbitraires.
L’épisode s’ouvre sur le premier film français en couleur, La terre qui meurt réalisé en 1936 par Jean Vallée et récemment restauré avec l’aide du CNC. Des images étonnantes, un rôle peu commun attribué à l’acteur Pierre Larquey pour un film encore très actuel sur le monde paysan. Bertrand Tavernier souligne aussi les dialogues de grande qualité écrits par Charles Spaak. Un dialoguiste que l’auteur de Laissez passer à grandement réévalué au fur et à mesure de la réalisation du Voyage à travers le cinéma français.
Outre Jean Vallée, ce septième épisode fait aussi la part belle à trois autres réalisateurs méconnus. D’abord Pierre Chenal, notamment à travers L’alibi (1937) qui confronte Louis Jouvet à Erich von Stroheim ou encore le remarquable Rafles sur la ville (1958) dans lequel apparaissent Charles Vanel et Michel Piccoli dans des rôles singuliers pour ces deux comédiens. Ensuite Henri Calef, autre réalisateur peu connu et dont Bertrand Tavernier met en avant des longs-métrages tels que Jericho (1946) dont les dialogues sont aussi signés par Charles Spaak et Bagarres (1948).
Alors que Bertrand Tavernier ne dénombre que cinq réalisatrices dans le cinéma parlant français avant l’avènement d’Agnès Varda. Il peut apparaître étonnant que seule Jacqueline Audry soit la seule à faire l’objet d’un traitement dans cet épisode dédié aux réalisateurs méconnus. Côté féminin, une courte attention est cependant accordée à la réalisatrice Nelly Kaplan.
Dans l’ultime épisode intitulé Mes années 60, Bertrand Tavernier prend pour fil rouge ses collaborations avec Pierre Rissient. A la Nouvelle Vague dont il a adoré le travail de Claude Chabrol mais n’a pas eu accès à ses images ainsi que celui d’Éric Rohmer traité plus largement, Bertrand Tavernier préfère le cinéma engagé, politique, voire anarchiste. Ainsi sont vus des extraits d’interviews et/ou de films de René Allio, José Giovanni, Michel Deville, Jacques Deray (scène d’ouverture de Rififi à Tokyo, gestion des espaces dans La piscine) ou encore Jacques Rouffio.
L’évocation de Pierre Granier-Deferre à travers deux de ses films, Le chat et La veuve Couderc, offre au réalisateur l’occasion de rendre à nouveau hommage à Jean Gabin et d’en faire de même à destination de Simone Signoret. Jean-Pierre Marielle fait aussi l’objet d’une attention particulière à travers des extraits de ses truculents dialogues de L’amour c’est gai, l’amour c’est triste (1971) réalisé par Jean-Daniel Pollet. Une verve qui, sans transition, mène le débat sur Nuit et brouillard (1956) avant que Bertrand Tavernier n’évoque encore Alain Resnais avec Hiroshima mon amour (1959) puis Je t’aime, je t’aime. Ce dernier film réalisé en 1968 relève d’un choix opportun pour rendre hommage au grand réalisateur qu’était Alain Resnais mais aussi à son acteur principal, Claude Rich récemment disparu. Et puis le titre Je t’aime, je t’aime sonne comme un vibrant appel de Bertrand Tavernier au cinéma parlant français.
Finalement, le dernier réalisateur invoqué sera Christian-Jaque qui dans Un revenant (1946) s’empare d’un fait réel lyonnais. Le film dialogué par Henri Jeanson s’attaque avec un certain mordant au conformisme et à la pingrerie de la bourgeoisie lyonnaise. Lyon, ici même, sur l’emplacement de cette salle 1 de l’Institut Lumière où tout débuta en 1895.
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