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Voyage à travers le cinéma français – Suivez le guide

Mis à jour le 7 novembre, 2016

Ce travail de citoyen et d’espion, d’explorateur et de peintre, de chroniqueur et d’aventurier qu’ont si bien décrit tant d’auteurs, de Casanova à Gilles Perrault, n’est-ce pas une belle définition du métier de cinéaste que l’on a envie d’appliquer à Renoir, à Becker, au Vigo de l’Atalante, à Duvivier, aussi bien qu’à Truffaut ou Demy. A Max Ophuls et aussi à Bresson. Et à des metteurs en scène moins connus, Grangier, Gréville ou encore Sacha, qui, au détour d’une scène ou d’un film, illuminent une émotion, débusquent des vérités surprenantes. Je voudrais que ce film soit un acte de gratitude envers tous ceux, cinéastes, scénaristes, acteurs et musiciens qui ont surgi dans ma vie. La mémoire réchauffe : ce film, c’est un peu de charbon pour les nuits d’hiver. 

Bertrand Tavernier définit Voyage à travers le cinéma français comme « un film de gratitude et de remerciement aux personnes qui [l]’ont soutenu ». Il démarre son récit au début des années 30 considérant que le cinéma muet « mérite un documentaire en soi ». Et, afin d’éviter d’être juge et partie, il le stoppe au commencement des années 70 qui coïncide avec son passage derrière la caméra (1974, L’horloger de Saint-Paul).

Réalisateurs, acteurs et… compositeurs

Tantôt historien, tantôt cinéphile, toujours pédagogue, Bertrand Tavernier scrute et analyse en voix-off le cinéma français à travers les films et les auteurs qui l’ont marqué. Le documentaire s’ouvre ainsi sur Dernier atout (1942, Jacques Becker), son premier souvenir de cinéma, et se clôt sur Claude Sautet. Ses deux réalisateurs favoris, notamment parce qu’ils ont su parfaitement capter l’essence de leur époque respective, encadrent ainsi son documentaire. Les réalisateurs les plus cités sont Jean Renoir, Julien Duvivier, Marcel Carné, Jean-Pierre Melville et Jean-Luc Godard. A ces noms connus de tous, il faut ajouter celui d’Edmond T. Gréville. De ce cinéaste tombé dans l’oubli, Bertrand Tavernier souligne l’audace visuelle et thématique.

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Le propos de Voyage à travers le cinéma français est étendu aux acteurs. Jean Gabin est ainsi reconnu indissociable de Jean Renoir, Julien Duvivier et Jacques Prévert. Parmi les autres acteurs crédités nous pouvons citer Simone Signoret et Michel Piccoli pour ne retenir que les plus connus. Une place de choix est également accordée à Eddie Constantine en « témoin idéal » des filmographies de Jean Sacha, John Berry, Michel Deville et Jean-Luc Godard.

L’hommage rendu aux compositeurs était moins prévisible. Bertrand Tavernier perçoit dans la musique composée par Maurice Jaubert pour L’atalante (1933, Jean Vigo) « l’une des plus belles partitions du cinéma français ». Il témoigne aussi de la grande influence de Joseph Kosma sur l’univers de Jacques Prévert et Jean Renoir avant d’adresser un bel hommage à Antoine Duhamel.

Analyse filmique

Ces multiples thèmes – réalisateurs, acteurs, compositeurs – sont abordés via une grande diversité de matériaux. Bertrand Tavernier accompagne ses commentaires et anecdotes de très nombreux extraits de films, images et autres interviews. Parmi les extraits audio utilisés il y a celui de la dispute entre Jean-Paul Belmondo et Jean-Pierre Melville pendant le tournage de L’aîné des Ferchaux (1963).

Ce long métrage demeurera à jamais la dernière collaboration entre les deux hommes…

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Enfin, comment ne pas évoquer les brillantes analyses qui émaillent le documentaire ? Il y a celle du génial plan séquence du Crime de monsieur Lange (1935, Jean Renoir) obtenu par la juxtaposition quasi invisible de deux plans distincts. Il y a aussi la démonstration que, contrairement aux idées reçues, René Clément n’était pas un réalisateur académique. Pour s’en convaincre, Bertrand Tavernier invite les spectateurs à revoir La bataille du rail (1945) ou Les maudits (1947) qui n’ont rien de films formatés. Il évoque également Monsieur Ripois (1953), un long métrage révolutionnaire car il était le seul en son temps à avoir été entièrement tourné en son direct.

Une suite programmée

La durée de plus de trois heures de ce Voyage à travers le cinéma français peut paraître déraisonnable. Elle ne l’est aucunement. En proposant un parcours ni chronologique, ni thématique, son auteur se montre nullement passéiste et évite les poncifs et l’écueil du cours magistral.

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Une suite est promise par le générique de fin. Elle est prévue pour 2017 sous la forme d’une série TV de huit épisodes. Bertrand Tavernier dit vouloir consacrer le premier opus à ses « cinéastes de chevet » que sont Jean Grémillon, Max Ophuls et Henri Decoin et à un hommage à Danielle Darrieux. Claude Autant-Lara, Robert Bresson, Sacha Guitry, Marcel Pagnol, Jacques Tati. Bien d’autres auteurs seront également évoqués. Cette série télévisée sera diffusée sur Cine+, qui s’est engagée à diffuser tous les films évoqués dans Voyage à travers le cinéma français, puis sur France 5.

Frears, Scorsese et Tavernier

Stephen Frears avait su rendre hommage au cinéma britannique  (A personal history of british cinema, 1995). Martin Scorsese avait conté le cinéma américain (Un voyage de Martin Scorsese à travers le cinéma américain, 1995) puis italien (Mon voyage en Italie, 2001). Grâce à Bertrand Tavernier, le cinéma français reçoit enfin un hommage comparable, après une longue attente !

La narration précise et étayée par un impressionnant corpus d’extraits est définitivement moderne et accessible à tous les publics. Brillant et passionnant, Voyage à travers le cinéma français a vocation à devenir un classique indispensable.

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