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#Cannes2019 – Les misérables de Ladj Ly – Excellent

Mis à jour le 30 juin, 2019

Les misérables de Ladj Ly avec Damien Bonnard, Alexis Manenti, Djebril Didier Zonga

Stéphane, tout juste arrivé de Cherbourg, intègre la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil, dans le 93. Il va faire la rencontre de ses nouveaux coéquipiers, Chris et Gwada, deux  » Bacqueux  » d’expérience. Il découvre rapidement les tensions entre les différents groupes du quartier. Alors qu’ils se trouvent débordés lors d’une interpellation, un drone filme leurs moindres faits et gestes…

La Haine Redux

Nous connaissions Ladj LY pour une photo très marquante de Kourtajme. Celle-ci apparaît dans Les misérables, à la façon d’un clin d’œil hitchcockien. Le réalisateur français a pris son temps avant de réaliser son long métrage, pour le meilleur. Avant d’assister à la projection, on se doutait d’une qualité Kourtrajme : une qualité formelle de l’image et de la réalisation, celle de Romain Gavras, de Kim Chapiron. -forcément inspiré par leur « ainés » Kassovitz, Noe, KounenLadj Ly se démarque cependant de Romain Gavras en ceci qu’il livre une matière brûlante, en plus de la forme irréprochable. Si le dernier long de Gavras fils nous avait enchanté sur le coup, qu’en restait-t-il quelques jours après ? Un bon moment. Rien de plus.

Les misérables nous propose bien plus un La Haine Redux, qui, s’il n’avait pas été précédé de nombre de films de banlieues de qualité, nous aurait percuté encore plus fort.

Un style mouvementé, virevoltant

L’image et le style sont sublimes. Lors de la mise en place nous sommes happés par l’humour bad et bondissant (comme dirait un certain Didier Morville), les couleurs vives, la réalité sans parti pris des flics et banlieusards (pas de les méchants flics, les gentils lascars, ou l’inverse), les mouvements et plans sublimes et uniques, les personnages/acteurs charismatiques qui brûlent la pellicule. Mention spéciale à Damien Bonnard, qui offre un contraste à la fois par sa gestuelle, sa posture, et surtout sa voix. Passée cette mise en place, le récit nous offre une trame dramatique que nous ne soupçonnions pas. Le film présente alors une réalité que connaît bien le réalisateur sans pour autant tomber dans le naturalisme, travers qui, dans le cinéma d’auteur, a été usé jusqu’à la corde, et s’essouffle.

Un film politique, masculin et drôle

En conférence de presse Ladj Ly, interrogé par notre confrère de Ouest-France Gilles Kerdreux sur le caractère urgent et politique du film indiquait que son film précédait le mouvement Gilets Jaunes, mais qu’il en partageait le constat, les fondements. Il espère que le président Macron verra le film.

Il a également été interrogé sur l’absence de personnages féminins fort, le producteur est alors venu à la rescousse et a demandé à la journaliste si elle était allé en banlieue récemment – le film se veut sur ce point là aussi réaliste.

Un très bon scénario, un film maîtrisé

Pour autant, Ladj Ly était étonné que lors des projections les spectateurs ne soient pas amenés plus souvent à rire, car que ce soit dans les dialogues, ou les situations, il s’est évertué à exagérer certains propos, dans le but précisément de détendre une atmosphère par ailleurs tendue. Ne vous y trompez pas, que ce soit sur le plan de l’écriture, ou des chorégraphies des scènes d’émeute, la précision est de mise, le moindre détail compte, et les jeunes acteurs ont trouvé l’énergie de leur personnage essentiellement sous les conseils avisés de Ladj Ly. La galerie de personnages présentés est finement étudié, chacun porte en lui une fonction du film, et les scénaristes ont veillé à ce qu’ils ne soient pas stéréotypés. Ainsi, celui qui peut le sembler le plus, le bad cop, interprété par Alexis Manenti, co-scénariste lui même, présente des ambiguïtés qui peuvent sauver son personnage, le placer du côté de l’innocence. Cela est d’autant plus étonnant, que le point de départ de la success story Ladj Ly (et in fine Les Misérables) est son activité adolescente ici reprise: le cop watching. Ladj Ly il y a plus de 10 ans de cela, alors qu’il occupait son temps à filmer les flics à Montfermeil, avait filmé une bavure policière … La suite: Kourtrajme avait fait en sorte que la vidéo soit diffusée et les flics avaient été suspendus. La volonté d’Alexis Manenti de rendre son personnage ambigu, avec des bons côtés, par instant, de ne pas le présenter comme un « raciste » pur jus – n’en déplaise à la journaliste qui lui a posé la question en conférence de presse- témoigne plus que tout autre exemple de la richesse du scénario. Outre les identités des personnages, leurs interactions sont également particulièrement soignées.

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La résistance, la jeunesse

Face aux comportements honteux des flics, Ladj ly a tenu a ce que la résistance ne soit pas incarnée par des héros adultes, mais par des figures de la jeunesse. Deux jeunes personnages, aux personnalités différentes, seront les fers de lance de cette résistance. Toutes proportions gardées, on peut imaginer que nous avons affaire au Malcolm X et Martin Luther King.


Les misérables présente bien quelques imperfections, maladresses qui font que ce n’est pas le chef-d’oeuvre parfait, mais le film s’avère incroyablement bon et ne devrait pas laisser Inarritu indifférent…

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