Mis à jour le 26 février, 2016
The beast de Hans Herbots est sorti en salle le 30 décembre. Il était également programmé au Festival de Beaune. Il s’agit du 4ème long-métrage du réalisateur flamand s’inscrivant dans la lignée de ce que certains nomment la nouvelle vague du cinéma belge (Eric Van Looy, Michaël R. Roskam, Pieter Van Hees…). Le projet embrasse de nombreuses ambitions, puisant dans les codes du roman noir, du polar, comme de la littérature nordique (Millenium par exemple)
Flic brillant, Nick Cafmeyer est hanté par un lourd secret :
la disparition jamais élucidée de son jeune frère. Un jour sa
supérieure décide de lui confier une affaire similaire. Nick se plonge
alors corps et âme dans l’enquête. S’ensuit une véritable chasse
à l’homme. Pour que justice soit faite, Nick est prêt à tout…
Un polar « noir »
Adapté du best-seller l’homme du soir de Mo Hayder, The beast donne à voir un pur polar noir, un thriller qui se détricote minute après minute, maintenant un épais mystère dans une ambiance des plus morbides. En cela, il n’est que très peu surprenant que le film ait été produit par l’un des producteurs de Bullhead. Si les éléments de virilité sont ici moindres et peu centraux, nous retrouvons l’atmosphère glauque que confèrent certains ingrédients au cœur de l’intrigue: sang, urine, lait, et hormone féminine (prolactine) cette fois-ci. Mettez-y une bonne dose de pédophilie en bande organisée, des scènes de torture ou de maltraitance, et vous comprendrez très aisément le qualificatif « noir » à ce polar. Cette dimension est par trop présente, sans subtilité aucune, comme quelques années plus tôt en abusait Seven de Fincher, au contraire d’autres films dont le dosage est plus consistant – même Le dahlia noir, ou From hell sont à ce niveau plus subtil. Le qualificatif s’applique également pour les choix de mises en scène, soucieux de maintenir cette ambiance sombre, quoi qu’ici les références s’écartent des standards du genre pour puiser principalement dans un terreau très local, flamand, dans un quartier verdoyant. La bête s’y cache, comme pouvaient se cacher dans la nature proche des habitations les zombies de Borgman d’Alex van Warmerdam. L’aspect urbain et nocturne ne ressort que très peu, en lieu et place vous trouverez des habitations de différents standing (maisons individuelles de classe moyenne vs tours verticales banlieusardes) de chaque côté d’un parc central, paysages désaffectés autour d’une ligne de chemin de fer, et bien sûr, un tunnel. Cette teinte sert à dire vrai une autre ambition de The beast sur laquelle nous reviendrons.
Polar avant toute chose
De toutes ses ambitions, The beast, réussit plus particulièrement là où tout à la fois on l’attend et on ne l’attend pas, le maintien du suspense, la trame de l’enquête. On l’y attend, car le fil conducteur ne peut être que celui-là, surtout que le film prend son temps. On ne l’y attend pas, car le peu de tact mis dans la peinture glauque laisse à deviner rapidement à une histoire cousue de fil blanc dont les indices parcimonieusement distillées régissent le déroulement. L’analogie avec Seven vaut ici également, et on craint de devoir être pris en otage d’un développement des plus convenus. D’ailleurs, l’enquête en elle même ne nous semble pas menée de façon moderne, efficace voire même plausible. Mais si brio il y a, il réside justement dans le développement de celle-ci. Quoi que quelques indices permettent à se forger quelques soupçons, la multiplication des pistes et des intrigues, les flous et ratés de l’enquête, le traitement d’égal à égal de chacun des suspects, mais aussi les dimensions psychologiques et mythologiques du récit viennent apporter une confusion particulièrement adaptée au maintien du suspense. Nous restons tenus en haleine.
Thriller psychologique
The beast reprend également un code récurrent présent dans de nombreux films noir, la personnalité troublée de son enquêteur principal, et l’individualisation pour ne pas dire la personnalisation de l’enquête. Cet élément n’était ici pas absolument nécessaire, reconnaissons-le, par souci d’équilibre, mais il apporte assurément sa contribution au récit, en ce qu’il déstabilise l’enquête comme le spectateur. L’effet miroir ne fonctionne pas parfaitement, sans qu’il n’y ait rien à reprocher au jeu de l’acteur principal Geert Van Pampelberg, déjà présent dans Alabama Monroe. On est très loin des tourments que peuvent rencontrer les inspecteurs de Irréversible, Angel Heart, Les rivières pourpres ou Element of Crime, on se limite à une quête personnelle et un sentiment de vengeance aux effets violents et impulsifs, aux traits plutôt grossiers. Nous regrettons également que le personnage féminin principal de l’histoire, la responsable officielle de l’enquête, ne fasse pas l’objet d’une écriture qui s’intéresse à sa personnalité ou à ses relations avec l’inspecteur, qui eut apporté une richesse supplémentaire.
La crédibilité de l’intention psychologique est enfin également mis à mal par la volonté que la bête soit bête et non humaine. L’effet dérangeant que peu procurer par exemple Hannibal dans Le silence des agneaux ne peut ici s’insérer, en ceci, on est plus proche d’un cinéma de genre, tourné vers l’effroi, que l’on regarde averti avec distance.
Une inspiration mythologique
Hans Herbots était également face à un challenge important du fait que l’action prenne place en Belgique, car bien avant Molenbeek, la Belgique a connu l’horreur incarnée par Marc Dutroux, certains critiques pourraient très aisément trouver dans la trame principale une métaphore. Le choix de transposer le mal, de lui conférer un caractère mythologique comme cela se fait dans la littérature nordique, permet d’éviter assurément cet écueil, mais aussi d’apporter une note métaphysique, présente dans l’enquête, dans l’esprit des personnages, comme dans celui des spectateurs, qui ne pourront totalement s’en délester: « Et si les trolls existaient réellement dans la nature ? » La forêt, la nature, et d’une manière générale la teinte verdoyante que nous évoquions un peu plus haut trouve ici tout sons sens.
De cet ambitieux mélange ressort donc un film qui devrait assurément trouver son public, quoi que tout ne soit pas parfaitement égal.
https://www.youtube.com/watch?v=QLJfmu9_rw8
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