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The Bad Batch – Errance artistique

Mis à jour le 14 octobre, 2017

Lors du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg 2014, A Girl Walks Home Alone at Night, premier long métrage de la réalisatrice Ana Lily Amirpour, avait particulièrement attiré notre attention. La maitrise formelle de sa mise en scène, son recyclage inventif des codes du genre, ainsi que son utilisation intelligente des motifs visuels propres à la figure vampirique, semblaient annoncer l’émergence d’un nouveau talent. Encore fallait-il confirmer la réussite de ce premier coup d’essai. Dont acte avec The Bad Batch, diffusé depuis le 22 septembre sur le réseau Netflix.

À première vue, le second film d’Amirpour répond assez bien au cahier des charges imposé par la célèbre plateforme de streaming : un casting de stars (Jim Carrey, Keanu Reeves, Jason Momoa, principalement connu pour son rôle de Khal Drogo dans la série Game of Thrones, et futur Aquaman de La Ligue des Justiciers), et un schéma narratif relativement simpliste. Ancrant son récit dans un futur proche, The Bad Batch narre les péripéties d’une jeune femme (Suki Waterhouse) perdu dans le désert américain, aux prises avec une tribu de cannibales bodybuildés et une communauté de marginaux endoctrinés.

Le film prend d’abord les atours d’un Mad Max méditatif et erratique. Plans longs et larges sur le désert, Amirpour lorgne du côté du Wim Wenders de Paris, Texas ou du Michelangelo Antonioni de Zabriskie Point. Et c’est ici, justement, que le bât blesse. Car si la réalisatrice affirme la présence d’un point de vue singulier, le marquage générique de son scénario ne cesse de décaler sa perspective formelle. On comprend rapidement qu’Amirpour a voulu se démarquer des conventions habituelles du genre post-apocalyptique, mais cette détermination même entache la réussite de son entreprise.

L’attitude adoptée par la réalisatrice n’a finalement rien d’une distanciation critique, et rejoint plutôt le cynisme propre à l’esprit de notre temps. Bande-musicale branchée et effets clips rassurent trop souvent, tandis que le cinéphile cherchera désespérément à s’accrocher à l’atmosphère primitive qui se dégage de certains plans.

Quant à la quête de la jeune héroïne, celle-ci se voit réduite à néant, se confondant avec celle, supposée, de la réalisatrice. Si Keanu Reeves se limite, comme à son habitude, à un jeu amorphe et léthargique, le talent de Jim Carrey se voit restreint à une série d’apparitions mutiques et transparentes. Quant à Jason Momoa, sa présence se limite à son apparence de beau (et viril) ténébreux. Paris, Texas et Zabriskie Point donc, le caractère existentiel en moins.

Reste que The Bad Batch mérite d’être vu pour ce qu’il est : une expérience dont Amirpour se devra de repousser les limites. Car là où A Girl Walks Home Alone at Night parvenait avec brio à imposer son rythme propre, le présent film ne parvient à récupérer à son compte les présupposés du cinéma de genre. On attend donc beaucoup du troisième film de la réalisatrice qui, espérons-le, saura se dégager, sinon s’absoudre, de toute recherche d’originalité, pour parvenir, enfin, à produire l’effet escompté.

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