Pierre Richard le glisse en milieu du film, dans un plan, subrepticement. Le Petit Prince fait partie de la bibliothèque bordélique de son héros, qu’il incarne lui même. Sur le fond, comme sur la forme. Il s’agit en effet de se concentrer sur quelques instants poétiques, sur quelques maximes, et à l’instar de Saint-Exupéry, de proposer une philosophie positive, simplifiée, où l’imaginaire tient une part importante, où le tout s’évoque par des images, des symboles que tous peuvent comprendre.
Avec L’homme qui a vu l’ours qui a vu l’homme, Pierre Richard livre un geste qui peut dérouter, en parlant à des adultes à hauteur d’enfant. Son message peut sembler naïf, ou insuffisamment approfondi, et nous imaginions déjà à Cannes les critiques reprocher à Pierre Richard cette forme d’expression qui s’intéresse à une histoire simple, et la traite simplement.
Mais simplicité ne rime pas forcément avec absence de qualité, absence de profondeur, ni même naïveté (nous pouvons même parler de fausse naïveté). La démarche et le propos de Pierre Richard, très loin de ses premiers films amusés (et amusants) se trouvent bien plus nourris qu’il n’y paraît. Nourris d’une réflexion sage, d’une critique également, sur la société, virulente même.
En se concentrant sur un vieux repenti, ancien riche qui cherche à couper vis à vis d’un monde auquel il a participé, et sur lequel il jette un regard amer, sur un homme qui se rend compte avoir poursuivi une vaine quête, et sur un jeune autiste, sur la relation d’amitié qui les unit (les deux se comprennent, s’apprécient), Pierre Richard livre un message universel, tendre mais bien plus acide qu’il n’y paraît, sans être caustique, sans être ironique ou désabusé. Il se joue de l’imaginaire, des déformations de la réalité, des rêves, des souvenirs, et nous indique qu’un autre monde, utopique en apparence, pourrait exister. Un monde où la nature serait prise en compte, un monde où la tolérance serait reine, un monde où l’homme ne cherche pas à tuer l’homme, un monde où l’homme ne voit pas en l’ours un adversaire à abattre, mais un congénère avec lequel il doit cohabiter, un co-habitant d’une seule et même planète.
Geste simple, qui rappelle quelques rôles importants de Pierre Richard, que ce soit les mille et une recette du cuisinier amoureux, ou Les naufragers de l’ile de la tortue. Techniquement imparfait, ne vous y trompez cependant pas, L’homme qui a vu l’ours qui a vu l’homme (titre repris à André S. Labarthe, qui rendait hommage à Orson Welles, locution qui critique la déformation grandissante d’un témoignage direct par un ou plusieurs « témoins » indirects.) peut ne pas contenter ceux qui espéraient voir une comédie hilarante comme à la grande époque de Richard, qui se contentait alors de jouer le grand maladroit, hors sol, mais cette histoire qui rappelle l’itinéraire d’un enfant gâté de Claude Lelouch devrait avec le temps se bonifier, et faire écho bien plus que les premières réceptions ne le laissent entendre. Sa vision, si humaine, en tout cas, nous fait passer un très bon moment et diffuse un message plus que jamais important à diffuser.
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