Avec L’agent secret, Kleber Mendoza Filho s’applique à proposer un thriller qui cherche constamment à trouver un bon équilibre entre ses différentes composantes: un récit sur fond de Grande Histoire (la dictature, les disparitions, le maccarthisme, la chasse aux sorcières), une intrigue qui se divise en plusieurs énigmes à résoudre (jeu de piste permanent pour le spectateur), une inscription dans un territoire et son passé (le nordeste), une reprise de codes empruntés à la fois à Paul Thomas Anderson (narration ample et volontairement alentie, pensée par strates), au cinéma américain des années 70 (conversations secrètes notamment en référence immédiate et évidente) et une corde sensible autour de la famille et du Brésil, sur fond de carnaval (et des morts à chaque édition, dont certains sans enquêtes).
Ce chassé croisé mystérieux a le bon goût de ne pas vriller trop vite. Quand il vient à le faire, il convoque de manière surprenante des contre références, populaires, Les dents de la mer – qui alimente des cauchemars s’entrechoquant avec la réalité -, ou Le magnifique de De Broca, diffusés l’un et l’autre dans un cinéma local point névralgique du récit dans lequel grandit un petit garçon, aux côtés de son grand père, le père devant se cacher et chercher à fuir le pays s’il veut pouvoir mener une vie libre, pour une raison qui restera longtemps mystérieuse … Le patchwork ainsi proposé, paradoxalement relativement peu expérimental dans sa texture (clairement du côté du cinéma politique et d espionnage américain) tarde à convaincre dans sa première partie, sa longue exposition ne délivrant que relativement peu d’indices sur l’intention première du film. Mais il trouve dans sa seconde partie un rythme à mesure qu’il lève le voile, un à un, sur chaque embryon d’intrigues posées ici ou là, façon petit poucet.



Dans son final que certains qualifieront (trivialement) d’haletant, L’agent Secret, livre ses secrets, révèle – enfin – ses ellipses, et permet au spectateur de reconstituer le puzzle, de resituer les évènements dans un ordre devenu limpide. En cela, il peut donner l’impression d’une belle fresque politique, ample (qui n’en reste pas moins tarabiscoté).
Bel exercice de style, coloré et résolument inscrit dans un Brésil pas si lointain, – même s’il est difficile de parler de nostalgie d’une époque contrastée, quelque chose d’assez similaire en émane pourtant – accordant une – trop – large place à un Wagner Moura – également producteur du film – que l’on a connu plus inspirant par le passé, L’agent secret lorgne sur la pop culture (Spielberg n’étant pas convoqué par hasard) mais selon nous ne se révèle pas aussi impactant que ce qu’il aurait pu, s’il était parvenu à inscrire ce récit dans une logique historique plus implacable s’il avait contenu des révélations historiques et non uniquement des résolutions de scénario, et surtout, si la narration s’était davantage concentré sur son objet sans faire de détours douteux et fabriqués, comme par exemple cette scène qui rappelle que post 45 des nazis se sont cachés et ont vécu librement en Amérique du Sud, même si feu Udo Kier y trouve matière à une interprétation comique détonante à défaut d’être convaincante. Dans le même registre, quelques scènes récurrentes, pensées pour apporter leur dose de fantaisie, voire d’onirisme, cauchemars ou rêves éveillés des protagonistes, nuisent davantage au thriller qu’ils ne l’aèrent, les 2h30 du film ne se justifiant pas nécessairement. Reproche qui nous vient également à l’esprit quand il s’agit d’évoquer Une Bataille après l’Autre, même si ce dernier compose lui, avec désinvolture et assurance, avec le ridicule très appuyé.








Soyez le premier a laisser un commentaire