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Gaspard va au mariage, très français

Mis à jour le 10 mars, 2018

Après s’être tenu prudemment à l’écart pendant des années, Gaspard, 25 ans, doit renouer avec sa famille à l’annonce du remariage de son père. Accompagné de Laura, une fille fantasque qui accepte de jouer sa petite amie le temps du mariage, il se sent enfin prêt à remettre les pieds dans le zoo de ses parents et y retrouver les singes et les fauves qui l’ont vu grandir… Mais entre un père trop cavaleur, un frère trop raisonnable et une sœur bien trop belle, il n’a pas conscience qu’il s’apprête à vivre les derniers jours de son enfance. 

Le réalisateur  français Antony Cordier réunit Félix Moati, Laetitia Dosch, Christa Theret, Guillaume Bouix, Elodie Bouchez, Johan Heldenbergh ou encore Marina Fois pour composer son casting, pour un film, Gaspard va au mariage,  à l’ambition assurément littéraire.

Il s’agit de narrer une histoire qui évoque tout à la fois la décomposition et la recomposition d’une famille, plutôt atypique, aux liens de sang assurément forts, sur fond d’abandon de ce qui a été le projet de toute une vie, le zoo familial. Le père, interprété par l’acteur belge Johan Heldenbergh que l’on a aperçu dans les films de Felix Van Groeningen (La merditude des choses, Alabama Monroe, Belgica), a du assumer seul l’éducation de ses enfants quand son épouse est tombé sous les griffes d’un tigre.

Il tient un rôle important dans cette histoire, inspiré de la vie du fondateur du zoo de la Palmyre, qui fonda deux zoos, un qui devint le plus grand du monde, et l’autre qui péréclita. Antony Cordier s’est en effet intéressé à l’insuccès et non au succès, persuadé que les temps modernes n’encouragent plus quelque part à embrasser aussi facilement des ambitions  originales, de mener une vie à la marge. Cette thématique de la vie hors modèle établi continue de fasciner le réalisateur français qui s’était auparavant pencher sur le libertinage avec Happy few, mais aussi Douches froides.

Pour autant, d’autres thématiques secondaires viennent nourrir le récit, contre balancer le propos, apportant son lot de nuances, voire de fausses pistes. Difficile de cerner si l’histoire centrale n’est pas plutôt celle de Gaspard – Felix Moati, un jeune homme qui fuit  sa famille, « le plus talentueux, le plus prometteur » des dires de son père, celle de Coline – Christa Theret, une jeune femme qui vit en harmonie avec les animaux comme s’ils l’avaient élevée, celle de Virgil – Guillaume Bouix, le fils le moins doué mais le plus travailleur, le plus en lien avec la réalité notamment économique. Peut être l’histoire centrale est à chercher du côté des sentiments, du rapport au désir, si particulier pour chacun des protagonistes. Le père cherche à se remarier après avoir trompé la femme qu’il dit aimer – Marina Fois, Gaspard se cherche une fiancée de fortune pour figurer devant sa famille, lui qui a fui, entre autres, la relation incestueuse entretenue avec sa sœur.

Les inconnues dans la maison également, le personnage interprété par Laetitia Dosch – très remarquée dans Jeune femme, mais ici légèrement moins à son aise sauf quand il s’agit d’apporter une note plus légère, plus séductrice- , en tête. La toute relative excentricité fascine vue de l’extérieur, attire.


L’écriture est donc riche, pas nécessairement dense en ceci que chacun des thèmes ici évoqués est amené de manière assez soulignée d’une part, et d’autre part puisqu’ils forment un tout  que l’on peut parfois rencontrer lorsque les modèles éducatifs s’éloignent des standards. Certaines tolérances, libertés peuvent parfois générer des ambiguïtés sentimentales. Une famille où l’amour règne, où la nudité (du père comme des enfants) n’est aucunement tabou, où l’unité s’est établie en réponse à la blessure de la mère disparue, face à la fragilité, la sensibilité de la jeune dernière, peut parfois devenir pesante, un frein pour les enfants qui chercheraient leur propre voie.

Gaspard va au mariage n’est pas loin d’avoir tout bon quant à l’ambition littéraire, les symboles sont assez forts, les sujets à explorer intrigants, fins. Le défi qu’Antony Cordier s’est lancé est assurément des plus intéressants, et  si nous parvenons à ainsi l’analyser, c’est qu’il est en partie relevé.

En partie seulement, car malheureusement certaines intentions ne produisent pas l’effet escompté. L’affiche très laide, ou encore le titre très Martine à la plage, par exemple donnent une indication de certains contre-effets.

La partition de Christa Theret par exemple est très décevante, pas nécessairement de sa faute. Son instinctivité animale, sa grande sensibilité nous sont rappelées par ses frères, dans les dialogues, mais nous aurions aimé la deviner dans son comportement, bien au delà d’une identification à une femme ourse, pour l’heure, parfaitement risible.

Felix Moati s’en sort honnêtement, mais son image d’ado trop sûr de lui colle mal à un personnage dont la blessure est annoncée bien plus profonde, bien plus complexe. Le personnage de Guillaume Bouix est relativement peu développé.

Il nous semble que chacune des intentions aurait mérité un développement plus mystérieux,  étrangement, peut être eut-il été préférable que les intentions soient moins lisibles, moins accessibles, pour mieux nous perdre.

Certes, la désorientation opère par instant, donnant un espace à l’imaginaire, certes Antony Cordier cherche à insuffler un rythme – notamment au travers de scènes dansées – pour autant il nous semble que ce sujet aurait pu donner lieu à à un vertige plus important, sur le terrain des émotions ou de la psychologie, mais aussi, sur la forme:  certains détails auraient pu générer un univers esthétique plus prononcé.

A l’instar du portrait frustrant du personnage de Coline, nous pouvons ainsi  regretter qu’une très belle idée d’Antony Cordier quant à la créativité du personnage de Gaspard – à l’origine depuis son plus jeune âge d’inventions sans usage réels – ne parvient pas à insuffler, à l’image de ce que parvient à faire si souvent un Gondry par exemple, ce surplus de poésie qui ferait toute la différence.


Difficile de déterminer la raison précise de notre insatisfaction sur cet aspect. Peut être la direction d’acteurs, peut être la façon dont les choses sont amenées, peut être ce qui peut se dégager des acteurs en eux même, plus probablement quelques traits psychologiques dissonants dans les personnages (le côté rêveur de Gaspard par exemple ne ressort absolument pas, il semble au contraire très en prise avec la réalité, avoir rejeté ou renoncer à cet aspect de sa personnalité), mais difficile également de vous laisser sur cette impression là;  Gaspard va au mariage est objectivement « valable » …

 

 

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