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Blonde d’Andrew Dominik: ce qu’on savait plus ou moins sur Marilyn Monroe …

Mis à jour le 3 octobre, 2022

BLONDE d’Andrew Dominik avec Ana de Armas, Adrien Brody, Bobby Cannavale, Xavier Samuel, Julianne Nicholson, Lily Fisher / USA / 166′

Basé sur le roman à succès de Joyce Carol Oates, Blonde réimagine avec audace la vie de l’une des icônes les plus durables d’Hollywood, Marilyn Monroe. Depuis son enfance instable sous le nom de Norma Jeane jusqu’à son ascension vers la célébrité et ses relations amoureuses, Blonde brouille les pistes entre réalité et fiction pour explorer le fossé grandissant entre sa vie publique et sa vie privée.

Blonde d’ Andrew Dominik s’est fait très attendre. Annoncé un peu partout en sélection ces dernières années, le film a finalement vu le jour, et est en compétition à la Mostra de Venise 2022. Il embrasse l’ambition, un peu folle, d’adapter à l’écran le livre éponyme, roman de référence sur Marilyn Monroe. Ce projet lui aura pris de nombreuses années, notamment pour réunir les fonds nécessaires. Un peu comme Luhrman avec Elvis, Dominik cherche, à travers ce sujet en or massif, non pas à s’effacer, mais au contraire à s’affirmer en tant qu’artiste. Comme Luhrman, il se fait plaisir, et cherche à procurer au spectateur un effet tourbillon. D’emblée, dans une ouverture un rien manichéenne, Dominik dévoile toute l’essence de son projet. Devant nos yeux, son personnage principal, la petite fille Norma Jean Baker, pleine d’innocence et de bon sens, gentille et attachante.

Lily Fischer incarne Marilyn enfant

Dominik s’attarde alors sur ce qui suivra la jeune fille dans toute son existence, son rapport à sa mère, son absence de père. Plutôt que de privilégier le biopic (tout comme le roman dont le film est issu), Dominik cherche son propre langage narratif et formel. D’un côté, il prend le soin de ne pas mettre à l’écran les faits divers les plus connus, ou même la success story, son sujet n’est pas tant Marilyn que Norma Jean, la femme enfant, traumatisée, et ses tourments. En lieu et place, il développe certaines bribes de la biographie, en y proposant sa propre lecture mais aussi parfois une forme de réécriture qui peut surprendre. De l’autre, sur le plan visuel, il s’essaye à plusieurs assemblages, à plusieurs genres, en tentant le savant dosage entre clips, images subliminales, travaux sur la couleur, la déformation du champs visuel. A de rares occasions, Dominik s’essaye à quelques expérimentations sonores, l’habillage global du film étant, à l’américaine, très ampoulé; – une fois de plus les violons sont de sortie, même si ce ne sont pas nécessairement les stridents violons hitchcockiens ou les joyeux violons symphoniques surutilisés dans les happy end movie.

Ces toutes relatives expérimentations (on reconnait la façon de filmer de Dominik) ne produisent pas nécessairement l’effet recherché, de sublimer un récit en or massif. Sur la forme, l’abondance des clips ont tendance à nuire à la narration plus qu’à ne la raviver, l’alternance entre le noir et blanc et les passages en couleur ne semblent pas obéir à une ligne directrice formelle ou narrative forte, bien plus, il semblerait qu’il s’agisse plus là d’une forme de cache misère…


Si le réalisateur australien parvient à éviter l’écueil de la surdramatisation, ou de l’effacement total vis à vis du sujet, il tombe cependant dans certains travers liés à ses choix artistiques, son processus de création, mais aussi ses propres limites. Ainsi, à trop vouloir y mettre sa patte, certains passages semblent terriblement manquer de vérité. La fantasmagorie du réalisateur est de tous les plans,
elle n’offre aucune objectivité. Derrière le mythe Marilyn, se cachait également une industrie Hollywood où tout était permis, et la sexualisation de l’icone, sa fin tragique, son mode de vie, auront maintes fois défrayé la chronique. Dominik certes évite de colporter (ou de s’intéresser) aux ragots/ »gossip », d’éplucher les poubelles, mais il ne peut s’empêcher de rajouter du souffre, même à très petite dose, de façon totalement stérile. Ainsi, la seule apparition à l’écran de Kennedy le verra demander à Marilyn de la main, une « blowjob », sans même avoir la moindre communication. Plus que des respirations, ou des passages merveilleux, les rêves ou cauchemars, les flashback, les accélérations clipesques, ne présentent aucune subtilité ou mystère, pire, ils génèrent de l’insistance.

Certes les tourments de Norma Jean, ses traumatismes, ses sensations constituent la substantifique moelle qu’il nous invité à ausculter, sa caméra se faisant scalpel; mais hélas, cela se fait au dépend d’une finesse d’analyse, d’un regard psychologique qui permettrait d’éclairer ses troubles ou en tout cas de les interroger bien davantage que ne peut le faire Blonde ou tout semble causalité simpliste… Nous passons résolument à côté de la complexité du personnage, tout juste nous est-il rappeler le jeu ambivalent avec laquelle Norma Jean devait composer, entre la petite fille blessée, et Marilyn la star adulée, désirée, hypermédiatisée, objet d’exploitation et de vices.

Ana de Armas à Venise

Quelle était donc l’intention véritable de Dominik se demande-t-on alors ? Certes, il prend soin de ne pas esquinter l’icône, de ne pas expliquer le phénomène d’iconisation, certes il se fait plaisir artistiquement parlant en cherchant à traduire à l’image des sensations qu’il imagine vécues, certes il excuse Norma Jean, mais quid du portrait en tant que tel. Portrait d’une femme, d’une artiste, d’un pays, tout comme nous le formulions pour Elvis, la mine était pourtant bien là … Reste que le showcase Blonde n’est pas foncièrement insupportable, qu’il maintient en éveil, et garde un certain équilibre; certains vont même à dire qu’Ana de Armas y tire son épingle du jeu (malgré son peu de ressemblance avec Marilyn) nul naufrage donc, Andrew Dominik et Netflix vous offre 2h44 de divertissement fort acceptable, malgré toutes ses imperfections.

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