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Athena, forme en manque de fond

Après la mort de son plus jeune frère à la suite d’une prétendue altercation avec la police, Abdel est rappelé du front pour retrouver sa famille déchirée. Pris entre le désir de vengeance de son jeune frère Karim et les agissements criminels de son frère aîné Moktar, il s’efforce de calmer les tensions croissantes. Alors que la situation s’aggrave, leur communauté Athena se transforme en forteresse assiégée, devenant le théâtre de tragédies pour la famille et au-delà…

Athena de Romain Gavras fait partie de ces quelques films qui donnent des envies aux critiques de se transformer en juré de patinage artistique, et de se contenter d’une évaluation plutôt que d’une analyse. Sur le plan technique, Gavras cherche à nous en mettre plein la vue: que ce soit la caméra en mouvement permanent, l’enchaînement des plans séquence, les transitions explosives, les feux d’artifices permanents, ou les chorégraphies, il n’a pas grand chose à envier aux amateurs du style, de Noé à Mendes en passant par Nemès. Nous le savions déjà, aucune surprise à cela. Il nous restait donc à juger du fond, le récit, la réflexion, la profondeur psychologique, mais aussi de la forme, sur le plan artistique cette fois-ci.

Notre jour viendra, sous ses accents révolutionnaires, et un rien potache, portait une réflexion, un regard; certes moins affiné que celui de son père Konstantínos (Costa), mais pas inintéressant. Le monde est à toi était bien plus à ranger du côté de la gaudriole, ou dans celui de l’hommage à un genre précis, la comédie de braquage. Avec Athena, hélas, sa tentative de mettre à l’écran une tragédie grecque moderne, à notre sens, échoue parfaitement. Sur le plan artistique, difficile de noter un geste, une intention particulière. Gavras semble avoir mis la technique au service … de la technique à vendre. Les expressions « se regarder filmer » ou « faiseurs » n’ont peut être jamais autant trouver de si bon exemple. L’exploit technique, la multiplication des plans séquences qui demandent une grande coordination, la volonté de colorer l’image de milles feux, de mille tensions et fracas, semblent les motivations principales in fine. Tout semble mu par cette unique intention d’en mettre plein la vue, même s’il n’y a rien à voir, plutôt que de donner à voir, transmettre des émotions, éclairer, ou au contraire d’ouvrir des espaces de réflexion et d’émotions, par l’entremise de la technique.

Peu aidée par une dramaturgie hyper appuyée, à la Netflix, sans aucune finesse – la tragédie grecque semble ici peu résonnante et à valeur de prétexte, le regard politique sous-jacent sème le doute: Gavras idéalise-t-il la révolution, l’appelle-t-il, la craint-il, ou la constate-t-il ? Peut être à son insu, il se fait en tout cas le parfait relai de médias étrangers qui dépeignent la France comme un territoire hostile où la guerre civile aurait déjà commencé. Il pousse même le curseur un peu plus loin, en imaginant une révolte généralisée des banlieues, un embrasement général. A quelle fin ? Quel regard porte-t-il ? Lance-t-il un appel à ce qu’une telle révolte puisse s’en suivre ou s’en alerte-t-il ? Difficile en tout cas d’y voir le très respectable geste de Notre jour viendra, qui, en imaginant une montée de la colère dans une population injustement opprimée, moquée, sans que la Société ne s’en offusque ni même ni porte d’intérêt, portait un évident message de fraternité, doublé d’un regard psychologique intéressant (l’histoire de la violence dira-t-on). Sur le sujet de la montée de la violence dans les banlieues françaises, comme celui des violences et exactions policières, la Société s’en inquiète déjà ouverte, et de nombreux projecteurs sont déjà braqués.

Gavras ne peut donc endosser le costume de lanceur d’alertes, ni même de connaisseur éclairé de la question, tant son emballage tragédie grecque lui fait emprunter des raccourcis, tant son regard rappelle celui d’un touriste américain effrayé par la violence des images des émeutes en France telles que relayées laconiquement par CNN, qu’il soit de passage à Montmartre pour le plus riche ou dans son canapé aux US pour le plus pauvre.

Ce trouble passé, et malheureusement trop vite résolu, ne subsiste pour le spectateur qu’un continuum que les premières images, certes éblouissantes, ou l’habillage sonore (plutôt navrant, surtout venant de Gavras) avaient par trop annoncé: L’action, uniquement l’action, la répétition de l’action, et la lassitude qui, très vite, s’invite.

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