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Coup de chaud – Le monde rural… façon Chabrol [sortie DVD]

Après Barrage en 2005 et Avant l’aube en 2010, c’est avec une régularité de métronome, un film tous les cinq ans, que Raphaël Jacoulot nous livre Coup de chaud, disponible en DVD et VOD depuis le 27 janvier 2015. Inspiré d’un fait réel et bien servi par une interprétation remarquable de Karim Leklou, ce film fait penser au cinéma de Claude Chabrol.

Au cœur d’un été caniculaire, dans un petit village à la tranquillité apparente, le quotidien des habitants est perturbé par Josef Bousou. Fils de ferrailleurs, semeur de troubles, il est désigné par les villageois comme étant la source principale de tous leurs maux jusqu’au jour où il est retrouvé sans vie dans la cour de la maison familiale…

Turpitudes villageoises

Comme pour ses précédents films, Raphaël Jacoulot est crédité à la réalisation et au scénario. Mais pour Coup de chaud le registre d’écriture change puisque le script prend appui sur un fait divers réel.

La canicule et la sécheresse qui l’accompagne vont exacerber les luttes et les mesquineries entre villageois. Dans cette atmosphère de plus en plus délétère, l’isolement et la rudesse du monde rural vont se révéler d’excellents vecteurs de développement de l’individualisme et du rejet d’autrui.

COUP DE CHAUD_Photo 8 ©TS Productions

La recherche d’un bouc émissaire (thème aussi abordé dans Avant l’aube) aboutira rapidement à stigmatiser Josef Bousou, personnage principal autour duquel gravite le film. Simple d’esprit, désœuvré, fils de gitans, Josef cristallise les ressentiments. Considéré atteint de « débilité débonnaire affective », il sera laissé libre après une première agression au grand désarroi les villageois livrés à eux-mêmes par les pouvoirs publics…

Film policier et chronique de mœurs

Au synopsis explicite succède la première séquence du film qui, en flash forward, nous donne à voir le drame et sa victime. En introduisant ainsi son film, le réalisateur-scénariste fait le choix de privilégier l’observation de la psychologie des personnages plutôt que la résolution de l’enquête.

Certes l’identité du meurtrier et le mobile du meurtre devront être découverts, mais ce ne sont pas les sujets essentiels du développement souhaité par Raphaël Jacoulot. Coup de chaud se relève être un film hybride : une enquête policière classique mais aussi et surtout une intéressante et efficace chronique de mœurs.

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Une approche chabrolienne…

Ce choix scénaristique est à la fois audacieux et pertinent. En son temps, Claude Chabrol n’aurait certainement pas renié cette prise de risque. Nous traçons là volontiers et sciemment un lien entre Coup de chaud et des adaptations chabroliennes de faits divers tels que Violette Nozière (1978) ou Landru (1963). Si les sujets abordés sont différents, les modes de traitement adoptés sont voisins.

Ainsi, la mise en scène choisie par le réalisateur, simple et épurée, s’apparente au naturalisme de Claude Chabrol. Invariablement, ce type de scénographie enveloppe les films d’une certaine froideur qui peut constituer un obstacle à la manifestation d’empathie envers les personnages. Ici intervient la qualité du casting.

… servie par un casting efficace

Nous notons que les principaux personnages sont très bien interprétés. Ainsi, comme à l’accoutumé, Jean-Pierre Darroussin demeure convaincant dans son double rôle de vétérinaire et maire du village. De nature conciliante et diplomatique, son personnage dépassé par les évènements sera celui dont l’évolution psychologique sera la plus marquée.

COUP DE CHAUD_Photo 3 ©TS Productions

En artisan récemment installé dans le village, Grégory Gadebois joue à la perfection la partition de cet homme en difficulté d’intégration par manque de force de caractère. Son jeu tout en effacement et intériorité sied parfaitement au rôle tenu.

COUP DE CHAUD_Photo 1 ©TS Productions

Enfin, comment ne pas retenir la prestation habitée de Karim Leklou. En incarnant Josef Bousou, il a hérité du rôle le plus complexe. Là où de nombreux autres comédiens seraient tombés dans l’excès, voire la caricature, il a su trouver la bonne distance avec son personnage. L’ambiguïté et la justesse de son interprétation doivent être soulignées. Révélé par Jacques Audiard dans Un prophète, vu notamment dans Les anarchistes d’Elie Wajeman et Sous X de Jean-Michel Correia, cet acteur est à suivre de près.

Mêlant enquête policière et film psychologique, Coup de chaud s’avère viscéralement contemporain et social. Sous ses airs chabroliens, le troisième long métrage de Raphaël Jacoulot nous a convaincu et surpris. Coup (de chaud) imparable.

 

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