Mis à jour le 27 février, 2019
Au début des années 70, au plus fort de la lutte pour les droits civiques, plusieurs émeutes raciales éclatent dans les grandes villes des États-Unis. Ron Stallworth devient le premier officier Noir américain du Colorado Springs Police Department, mais son arrivée est accueillie avec scepticisme, voire avec une franche hostilité, par les agents les moins gradés du commissariat. Prenant son courage à deux mains, Stallworth va tenter de faire bouger les lignes et, peut-être, de laisser une trace dans l’histoire. Il se fixe alors une mission des plus périlleuses : infiltrer le Ku Klux Klan pour en dénoncer les exactions.
En se faisant passer pour un extrémiste, Stallworth contacte le groupuscule : il ne tarde pas à se voir convier d’en intégrer la garde rapprochée. Il entretient même un rapport privilégié avec le « Grand Wizard » du Klan, David Duke, enchanté par l’engagement de Ron en faveur d’une Amérique blanche. Tandis que l’enquête progresse et devient de plus en plus complexe, Flip Zimmerman, collègue de Stallworth, se fait passer pour Ron lors des rendez-vous avec les membres du groupe suprémaciste et apprend ainsi qu’une opération meurtrière se prépare. Ensemble, Stallworth et Zimmerman font équipe pour neutraliser le Klan dont le véritable objectif est d’aseptiser son discours ultra-violent pour séduire ainsi le plus grand nombre.
Nous nous souvenons encore de ce triste jour où nous tentions de voir She hate me de Spike Lee, dans l’espoir que ce dernier redevienne le grand réalisateur inspiré qu’il avait été, dans l’espoir ne serait-ce que de voir un bon film. Oh combien déçu, pour ne pas dire davantage, nous en venions à considérer que Spike Lee était devenu has been. Le vide intersidéral après avoir révolutionné le cinéma, comment est-ce ainsi possible de passer d’un extrême à l’autre, du génie au manque d’inspiration total ? Certes, il n’était ni le premier, ni le dernier, mais assurément, il devenait une caricature de l’artiste initialement inspiré qui perd tout d’un coup tout son talent, incapable de se renouveler, ou pire, de s’imiter. Nous le considérions presque perdu, et plus jamais nous ne recommettrions cette erreur de vouloir avec impatience voir le dernier Spike Lee. Il fallait se faire une raison, Jungle Fever, Do the right thing et autres Mo’better blues appartenaient désormais à l’histoire passé – et non vivante – du cinéma, et Spike Lee devrait se résumer à un coffret DVD d’un cinéaste ultra prometteur aux abonnés disparus.
Jamais plus, jamais plus … Mais il aura suffit d’une annonce d’une sélection en compétition officielle pour que notre curiosité et notre appétit reviennent. Il nous tardait alors que le festival démarre, et sans même avoir vu BLAKKKLANSMAN, le simple fait que le film soit sélectionné nous garantissait une qualité minimale, et nous le placions alors dans nos favoris pour la palme d’or, parce que OUI Spike Lee fut un cinéaste virtuose, capable comme personne de traduire à l’écran la furie, la rage, de brosser des portraits individuels et collectifs, d’insérer l’histoire personnelle dans la grande, de raconter tout simplement une ville, un quartier, une société, le tout avec une forme oh combien inspirée, oh combien dans l’ère du temps. Le cinéaste hip hop par excellence, c’est Spike Lee.
Et nous n’avons pas été déçu ! Spike Lee nous revient effectivement dans une forme étonnante avec cette histoire -vraie- d’un policier noir infiltrant le Ku Klux Klan. Le ton est punchy, l’humour omni-présent, les dialogues ciselées et rageurs. Chose nouvelle pour lui, on relève des inspirations proches de ce que Tarantino a pu faire de meilleur.
Mais le fort de BLAKKKLANSMAN est qu’il nous envoie un message bien plus sérieux, profond et grave, mélant des images réelles et récentes d’actes et de propos racistes, y compris ceux de Trump, nous montrant que les choses n’ont pas tellement changé en 30 ans.
Il ne suffit pas de moins pour que Spike Lee reparte au combat, et retrouve une bonne partie de son talent ! Ah que cela fait plaisir de le redécouvrir ainsi, engagé, inspiré, de le redécouvrir cinéaste indépendant, à message ! Il est bien aidé par ses deux interprètes principaux, l’impressionnant John David Washington ( fils de Denzel Washington) et le toujours intéressant Adam Driver qui semblent s’en donner à coeur joie.
De toute évidence BLAKKKLANSMAN trouvera une place au palmarès. Contrairement au livre d’image signé en partie de Jean-Luc Godard, s’il est en compétition, ce n’est pas pour immortaliser un génie passé, mais bien au contraire parce qu’il en contient (du génie).
Addendum: BlaKkKlansman a remporté un Grand prix -mérité- à Cannes.
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