Mis à jour le 7 février, 2018
Alors que noël se rapproche de jour en jour et que la France accueille tout au long du mois de décembre ses premiers paysages enneigés de l’année, Le Mag cinéma a décidé de consacrer un petit papier aux flocons accumulés sur les bandes de pellicule. La neige au cinéma, entre espace(s) et temps.
La neige cristallise d’abord. Sous la glace l’espace se sclérose, se fige, emprisonnant ses habitants. Hôtels (Shining, Stanley Kubrick, 1980), auberges (Les Huit salopards, Quentin Tarantino, 2015), maisons (Winter Sleeps, Nuri Bilge Ceylan, 2014 ; La Ruée vers l’or, Charlie Chaplin, 1925) et autres bases scientifiques (The Thing, John Carpenter, 1982) prennent alors la forme de tombeaux ouverts. De fait, ce régime atmosphérique convoque une inversion des valeurs.
Rendu incertain, l’horizon ne dégage plus aucune promesse, déjouant les aspérités topographiques et idéologiques du western (Les Affameurs, Anthony Mann, 1952 ). La communauté se brise, les brebis se voyant forcées de cohabiter avec les loups (La Chevauchée des bannis, André De Toth, 1959) lorsque ce ne sont pas elles qui se transforment en désespérés prédateurs (Les Survivants, Frank Marshall, 1993 ; Essential Killing, Jerzy Skolimowski, 2010).
Cette résurgence animale va de paire avec la réaffirmation d’une domination naturelle. Camouflés sous l’immensité neigeuse, les constructions humaines ne sont plus que d’impuissants vestiges, vanités monochromes appelées à disparaître (Le Jour d’après, Roland Emmerich, 2004). L’homme doit donc s’adapter, substituer aux conventions sociales les règles de survie (La montagne entre nous, Hany Abu-Assad, 2017). Salvatrice, cette rééducation s’apparente, en définitive, à un retour aux origines (Jeremiah Johnson, Sydney Pollack, 1972 ; The Revenant, Alejandro Gonzalez Inarritu, 2016).
Entre matière et évanescence, la neige suppose, en son ontologie même, un paradoxe essentiel. Si son apparence se confond souvent avec l’idée de pureté, sa vérité se situe ailleurs (Le Bon fils, Joseph Ruben, 1993). Dans cet entre-deux problématique se développe une qualité temporelle tout à fait sensible. À l’instar de l’image cinématographique, le flocon se projette, s’affaisse et s’efface pour mieux réapparaître (Un Jour sans fin, Harold Ramis, 1993). Cette revenance n’est pas sans rappeler la nature du spectre (Le Drôle de Noël de Scrooge, Robert Zemeckis, 2009). Au-delà de sa seule valeur nostalgique, la neige atteste donc de la persistance du passé et de la fatalité du destin (La Chair et le diable, Clarence Brown, 1926). La glace cristallise, superposant des blocs d’existences qui sont autant de possibilités d’avenir (La Vie est belle, Frank Capra, 1946).
Entre magie supposée et synesthésie véritable, la neige persiste sur nos écrans. Pour celles et ceux qui souhaiteraient prolonger cette esquisse de recherche nous leur conseillons la lecture du très bel essai de Matthias Lavin, Attrait de la neige, publié en 2015 chez Yellow Now. Et en attendant, toute l’équipe du Mag Cinéma vous souhaite de joyeuses fêtes de fin d’année.
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