Depuis le 20 septembre et jusqu’au 31 décembre 2017, le Forum des images s’est mis au rythme du cinéma d’action. Des dizaines de projections et de nombreuses rencontres étalées sur trois mois, voilà qui devrait intéresser plus d’un cinéphile français. Profitant de cet événement, Le Mag cinéma vous propose un petit retour sur ce genre pas comme les autres.
Car, plutôt qu’ à un genre, le film d’action s’apparente à une sorte de modus operandi. Ses origines remontent à loin et ses figures n’ont jamais cessé de travailler l’histoire du cinéma. Des course-poursuites de The Great Train Robbery (Edwin S. Porter, 1903) aux traversées spatio-temporelles de Matrix (Lana et Andy Wachowski, 1999), le film d’action semble toujours raconter la même histoire. Un corps pris par le mouvement incessant des images, entre le jeu et la lutte, le ludique et le tragique. Par sa simplicité naturelle, l’expression de l’action accueille les modulations les plus diverses, s’adaptant aux tonalités et aux registres des genres (du burlesque au thriller en passant par le western et la comédie musicale) tout en approfondissant leurs codes narratifs et formels.
L’action au cinéma se définit sans doute d’abord par la spectacularité de son exécution. Profitant de l’apparente passivité du spectateur pour amplifier ses effets, le film d’action procède par l’apparition et le développement continu d’une série de chocs auditifs et visuels. Il n’est ainsi pas étonnant de remarquer que pour le philosophe Gilles Deleuze, l’image-action se situe au cœur de la grande forme hollywoodienne. Mue par un ensemble de schèmes sensori-moteurs, l’action relie et défait à la fois les événements du film, assurant la cohérence du rapport essentiel entre fond et forme.
L’un des plus beaux exemples de ceci reste évidemment La Mort aux trousses d’Alfred Hitchcock (dont nous vous avions déjà parlé ici et là), matrice des matrices, qui modernise l’approche du film d’action et lui offre sa forme définitive. La maitrise formelle de Hitchcock ainsi que son approche architecturale du plan (qui réapparaîtra mais comme intériorisée dans Vertigo) influenceront durablement les futures mises en scène de l’action à l’écran.
Ainsi de la dimension éminemment picturale qui se dégage des compositions de Kill Bill (Quentin Tarantino, 2003), de la désorientation chromatique accompagnant l’errance du héros du Point de non-retour (John Boorman, 1967) ou encore du traitement de la ville de San Francisco dans Dirty Harry (Don Siegel, 1971) résumée à une série de figures abstraites dominée par les formes du rectangle et du cercle.
Cette plasticité de l’action rend plus sensible encore l’évolution technologique du médium cinématographique. De l’explosion des maquettes aux déflagrations de synthèse, il s’agit de violenter la structure du cadre pour réorganiser la topographie des apparences. La chose était déjà vraie chez Chaplin et Keaton. Déconstruction scénographique pour le premier, débordement par le montage pour le second, ces deux pôles convoquent l’idée d’un gigantesque jump-cut marqué par la transgression des limites.
Le jeu de cache-cache dans le building de Piège de cristal (John McTiernan, 1988) ou les chorégraphies pyrotechniques de Sucker Punch (Zack Snyder, 2011) apparaissent en ce sens comme de fructueux prolongements. Dans les deux cas, l’objectif est le même : échapper à un cadre devenu prison ; mais les méthodes sont différentes : John McClane (Bruce Willis) cherche à creuser le plan de l’intérieur, passant d’un étage à l’autre par le biais de chemins de traverse, tandis que les danses de Babydoll (Emily Browning) invitent à une transformation totale de l’espace d’origine à travers un basculement dans un autre monde.
Origine et finalité de la majorité des productions, le film d’action profite d’une popularité internationale jamais égalée. Que l’on se rappelle seulement la célèbre maxime précédant tout tournage pour s’en assurer : Silence, moteur…Action !
Pour retrouver la programmation du cycle « cinéma d’action », direction le site du Forum des images, et pour prolonger encore un peu le plaisir pris à la vision de ces films, nous recommandons à nos lecteurs l’excellent ouvrage d’Olivier Delcroix, Le cinéma d’action américain, publié en 2017 aux éditions Hoëbeke.
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