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L’inconnu de la grande arche de Stéphane Demoustier

Mis à jour le 31 mai, 2025

Un film de Stéphane Demoustier

Avec: Claes Bang, Sidse Babett Knudsen, Swann Arlaud, Michel Fau, Xavier Dolan, Alessandro Bressanello, Viilbjørk Malling Agger, Pierre-François Grunewald

1983, François Mitterrand décide de lancer un concours d’architecture international pour le projet phare de sa présidence : la Grande Arche de la Défense, dans l’axe du Louvre et de l’Arc de Triomphe ! A la surprise générale, Otto von Spreckelsen, architecte danois, remporte le concours. Du jour au lendemain, cet homme de 53 ans, inconnu en France, débarque à Paris où il est propulsé à la tête de ce chantier pharaonique. Et si l’architecte entend bâtir la Grande Arche telle qu’il l’a imaginée, ses idées vont très vite se heurter à la complexité du réel et aux aléas de la politique.

Stéphane Demoustier s’aventure sur un pari risqué, après Borgo, pour un projet résolument différent, aux effets miroirs évidents, à plusieurs niveaux de lecture. Le premier niveau de lecture, le plus évident consiste à s’intéresser aux différentes composantes thématiques du film, à savoir l’architecture, la politique Française en matière d’architecture, le schisme droite-gauche sur la priorité à donner à la beauté des monuments, mais aussi et surtout le caractère très improbable de voir un illustre inconnu, un potentiel imposteur, gagner un concours de plus haut rang, et la situation incongrue voire facétieuse que cela engendre. Demoustier nous livre un récit qui se doit de composer avec deux tons antagonistes, exercice toujours délicat, un ton étonné, amusé, qui vaudra quelques sourires au spectateurs, dans des scènes où le comique de situation s’invite tout naturellement, notamment quant à la relation toute particulière entretenue entre Otto von Spreckelsen et son sponsor principal, François Mitterrand, quand par ailleurs l’armada en charge de l’accompagnement (nous dirons la Maitrise d’Ouvrage, à commencer par ce personnage interprété avec un certain talent par Xavier Dolan) s’inquiète du peu d’entregent de l’architecte artiste, mais aussi un ton bien plus réaliste, bien plus sérieux, pour dire des choses au spectateur, pour livrer un point de vue sur des sujets qui passionnent Demoustier depuis ses premiers essais cinématographiques. Certains critiques, par commodité peut être, se plaisent à établir un parallèle entre L’inconnu de la Grande Arche et The Brutalist, probablement les même qui parlaient du seconde comme d’un film monumental. Si tant est que cette comparaison présente un quelconque intérêt, ce que nous réfutons, disons que le premier obéit à une intention artistique bien différente, et, notamment qu’il ne cherche aucunement à subjuguer le spectateur, par le trop plein, mais au contraire qu’il s’attache avant tout à séduire par le bon équilibre, le sens du détail, de la formule et du rythme, tout en s’appuyant sur une histoire insolite méconnue, et quelque peu oublié, quand bien même la Grande Arche de la Défense capte l’attention de nombreux passants, qui s’interrogent encore aujourd’hui sur sa fonction et sa valeur architecturale. Au premier degré donc, Stéphane Demoustier divertit et tente d’intéresser par son sujet, tout en diffusant un léger message politique, très loin du pamphlet ou du militantisme. Il s’entoure pour cela d’un casting cohérent, où chacun, par sa partition parvient à faire ressortir les différences de points de vue, de sensibilité et d’intérêts.

Une seconde lecture, moins évidente, et à nos yeux autrement plus intéressante, serait que Demoustier, cacherait ici finement son jeu, à l’instar de la proposition de Trần Anh Hùng (La passion de Dodin Bouffant) qui nous parlait peut être de cuisine, mais nous parlait tout autant de France, et surtout de cinéma. Ainsi, l’architecture, sans pour autant être un prétexte, pourrait jouer le rôle de véhicule pour évoquer les joyeusetés et spécificité de l’industrie du cinéma, du rapport entre artiste et technique, de la création collective, de la politique des Auteurs confrontée à l’impériosité de rentabilité économique et aux desideratas, parfois parfaitement contraires, entre le réalisateur, ses techniciens et ses producteurs. Hypothèse qui motivera la première question de notre échange avec le réalisateur de Borgo, sur les hauteurs du palais du Festival (voir ci-dessous). En sous-texte donc, certains indices allant dans ce sens, comme le fait de confier le rôle principal à Claes Bang, révélé par The Square, le geste cinématographique proposé avec L’inconnu de la Grande Arche pourrait être plus malin, plus provocateur (précisément comme peut l’être The Square) et surtout plus intellectuel et intime qu’il n’y paraît, et s’apparenter à une profession de foi, qui dépeint l’envers d’un décor, à l’image de La nuit américaine de Truffaut. Il pourrait aussi être à Demoustier ce qu’Irma Vep est à Assayas, une confrontation entre deux passions qui l’animent. Dans cette perspective, une question nous taraude: le résultat est-il proche de ce que le réalisateur français imaginait, ou bien, comme ce fut le cas pour la Grande Arche, le projet a-t-il souffert de compromis, de réductions budgétaires, s’est-il heurté à un principe de réalité, qui auraient abouti à un entre deux ?

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