Appuyez sur “Entrée” pour passer au contenu

La Petite Dernière de Hafsia Herzi

Mis à jour le 30 mai, 2025

Un film d’Hafsia Herzi

Avec: Nadia Melliti, Park Ji-Min, Amina Ben Mohamed, Rita Benmannana, Melissa Guers, Razzak Ridha, Louis Memmi, Anouar Kardellas, Waniss Chaouki, Madi Dembele

Fatima est la cadette d’une famille d’immigrés algériens. De son lycée de banlieue, elle intègre une classe préparatoire huppée. Entre le passage de la frontière sociale, son désir pour les femmes qu’elle a du mal à assumer et sa foi musulmane qui s’y oppose, Fatima va devoir affronter ses identités multiples. A mesure qu’elle prend ses distances avec la tradition familiale et débute sa vie de jeune femme, elle découvre de nouveaux codes.

Hafsia Herzi poursuit son petit bonhomme de chemin de cinéaste et confirme toutes les qualités déjà entraperçues. Elle nous livre littéralement une romance Kechichienne, parvenant elle aussi à faire parler les scènes de repas, à filmer les corps avec grâce, à faire s’échapper une vérité profonde au beau milieu d’un échange polyphonique d’apparence ordinaire quoi que passionné, quand le collectif pousse l’individu à devoir s’affirmer pour résister, elle sait également se jouer des émotions, des pulsions et proposer un cinéma à la fois imitant le réel, et le concentrant, sans que l’artificiel ne prenne le pas (le naturalisme à la Pialat avant Kechiche, le choix de ne retenir que des instants symboliques pour faire avancer la narration de manière fluide et sans couture). La dramaturgie se trouve ici remarquablement , harmonieuse, bien aidée par des partis pris de mise en scène, de montage, de musique tous conçus comme un clair obscur permanent, ou plus exactement comme une oscillation entre les deux Fatima, celle religieuse convaincue, qui aime sa famille, mais nourrit une colère naturelle, par ce dont elle se sent privée, par ce que son milieu lui interdit ou la pousse à répéter, presque par injonction, par les contradictions qu’elle développe, et celle qui se découvre, s’ouvre, fait preuve de curiosité au monde, et expérimente, pour mieux se comprendre elle même, en s’intéressant à d’autres modèles pouvant la fasciner. Hafsia Herzi nous la fait découvrir au peigne fin, elle nous partage ses pensées, ses émois, ses peurs, ses envies et désirs, mais aussi et surtout ses freins, ses doutes, ses hésitations, ses attachements et résistances. Comme si souvent dans de nombreux films, le thème principal du film nous sera énoncé par un professeur de philosophie lors d’un cours magistral, Hafsia Herzi nous parle d’émancipation, vis à vis d’une religion, d’un pays, des hommes, d’une figure d’autorité, de préjugés ou d’un regard. Ainsi, Herzi réussira elle aussi comme Kechiche à nous faire ressentir l’intensité amoureuse, la passion dévorante de la jeunesse, et à nous proposer une romance intensive, à rebondissement, et qui doit se lire au présent comme au long cours, la vérité d’un instant n’étant pas nécessairement la vérité éternelle. Fatima traverse des épreuves, apprend au contact des autres, se découvre. Elle s’ouvre à ceux qui l’attirent, se confie à eux, elle se ferme ou se cache aux autres. Surtout, la puissance de La petite dernière tient dans la subtilité de l’approche, dans ce regard si précis, que l’on ressent également lorsqu’Herzi interprète des personnages, d’un côté les moments de relâches, d’expressivité directe, de l’autre des introspections, des regards plein de sens, et plus que tout, des silences éloquents.

Soyez le premier a laisser un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.