Du 30 octobre au 25 novembre 2017, la Cinémathèque française propose une rétrospective consacrée à Roman Polanski. Si l’ouverture des festivités fut quelque peu agitée, au Mag Cinéma nous avons préféré privilégier la personnalité de l’artiste sur l’identité de l’homme et profiter de cet évènement pour revenir en quelques lignes sur l’œuvre de ce grand réalisateur.
Appréhender la singularité du cinéma de Polanski apparaît comme une tâche facile et extrêmement complexe à la fois. Facile, car sa filmographie présente une série de continuités étonnantes. De ses premiers films réalisés en Pologne à ses dernières productions françaises en passant par son séjour en Amérique, le réalisateur maintient un goût prononcé pour les espaces fermés et les drames de chambre.
Le huis-clos peut prendre l’apparence d’un petit bateau (Le Couteau dans l’eau), d’une île (Cul-de-sac), d’un appartement (Répulsion ; Rosemary’s Baby ; Le Locataire), d’un camp (Le Pianiste) ou d’une scène de théâtre (La Vénus à la fourrure) ; qu’importe, ce qui intéresse Polanski au fond ce sont les conséquences de cet enfermement sur les individus qu’il abrite.
Avec les autres ou avec lui-même, le personnage polanskien cherche à tisser un rapport de forces. Briser les apparences pour découvrir la profondeur des êtres, un jeu dangereux qui peut se transformer en véritable massacre (La jeune fille et la mort ; Carnage) ou revêtir la forme d’un curieux processus de substitution (D’après une histoire vraie). La présence d’une altérité contenue en soi provoque une mise en cause existentielle, se jouant des rapports habituels entre le dehors et le dedans, le champ et le hors-champ.
Se révèlent ici les origines surréalistes du cinéma de Polanski. En s’appuyant sur les limites d’un espace souvent familier, le cinéaste désire en renouveler l’exploration pour trouver le caractère insolite dissimulé derrière les habitudes. Là encore la recherche peut parfois se révéler menaçante, voire franchement dangereuse. Il s’agit de défausser le caractère rassurant de la connaissance pour toucher aux frontières de la raison et du bon sens. Au-delà : l’horreur et la folie.
Mais par ces récurrences même, la filmographie de Polanski est complexe. La maîtrise formelle de sa mise en scène lui permet de toucher à tous les genres, de mélanger les tons et les registres. Cette pluralité générique n’empêche nullement la production d’une écriture personnelle, au contraire : elle en approfondit le(s) sens. En respectant l’héritage du cinéma de genre, Polanski se distingue des super-auteurs de la modernité européenne pour se rattacher à une tradition plus américaine. À l’instar des grands réalisateurs du Nouvel Hollywood, Polanski privilégie la variation sur la rupture. Cette apparente continuité se fait chez lui sujette à d’importantes modulations qui permettent d’élargir les frontières de son art. Il n’est ainsi pas étonnant de le retrouver aux commandes d’un film d’aventures (Pirates), d’une adaptation de Dickens (Oliver Twist), d’un hommage au film noir (Chinatown), ou même d’une comédie horrifique (Le Bal des vampires), de même que son style se reconnaît aisément à travers les courses-poursuites de Frantic et de La Neuvième Porte.
On retrouve ici encore un attrait pour le jeu dans le jeu, comme si le cinéaste recherchait délibérément l’encadrement imposé par les genres pour mieux souligner leurs limites et faciliter ainsi leur transgression. Polanski ou l’éternel insoumis.
Pour retrouver le programme de la rétrospective, direction le site de la Cinémathèque. Du côté des livres, nous signalons à nos lecteurs la récente publication de La passion Polanski de Dominique Legrand chez Marest Éditeur, une étude originale et passionnée, à l’image de l’œuvre du réalisateur.
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