Alger, années 90. Nedjma, 18 ans, étudiante habitant la cité universitaire, rêve de devenir styliste. A la nuit tombée, elle se faufile à travers les mailles du grillage de la Cité avec ses meilleures amies pour rejoindre la boîte de nuit où elle vend ses créations aux » papichas « , jolies jeunes filles algéroises. La situation politique et sociale du pays ne cesse de se dégrader. Refusant cette fatalité, Nedjma décide de se battre pour sa liberté en organisant un défilé de mode, bravant ainsi tous les interdits.
Le premier long métrage de Mounia Meddour, Papicha, en sélection Un Certain Regard à Cannes, repose sur des actrices remarquables, notamment son interprète principale, Lyna Khoudri. Nous l’avions découverte dans Les bienheureux qui lui avait valu de recevoir le prix de la meilleure actrice en sélection Orrizonti à la Mostra de Venise 2017.
Le projet est parti d’une expérience autobiographique, comme le précise la réalisatrice algérienne lors de différents entretiens. Il s’agit d’un récit féminin, dynamique et chaleureux, qui amène le spectateur au-delà d’une simple histoire politique.
Le film nous transpose dans l’Algérie des années 1990, alors que le pays subit une transformation sous l’influence de l’islamisme radical ; un contexte suffisamment complexe et riche en détails historiques, qui aurait pu permettre à la réalisatrice de se plonger entièrement dans une forme narrative mettant “l’Histoire” en valeur. Mais elle choisit, clairement, une autre voie.
Papicha se concentre sur le caractère rebelle d’une jeune femme, ambitieuse, à l’esprit libre, qui cherche à s’exprimer et à s’émanciper plutôt qu’à changer la société ou à mener une action politique. Tout au long du film, elle explose chaque plan avec son énergie et sa vivacité, son désir de vivre pleinement en tant que femme. Ce thème vaut dans toute circonstance sociale, mais ici, il se trouve renforcé, grâce au rythme alerte et émouvant, à une bande son particulièrement travaillée, aux couleurs chaudes et vives des tissus et des vêtements féminins.
Mounia Meddour crée et développe un “personnage clé” qui suit un objectif précis : organiser, dans le régime de la terreur ambiante, un défilé de mode, pour prouver que la féminité, le plaisir, et la beauté féminine peuvent toujours exister, au moins dans l’idéal. Son envie, son enthousiasme, débordent sur ses proches qui très vite rallient son projet, puis le cercle s’élargit à d’autres femmes qui partagent ses idées rebelles. Le collectif prend forme, pour autant, chacune conserve son individualité, ses caractéristiques propres.
Au travers du personnage de Papicha, idéaliste, déterminée et rêveuse, puis des différents portraits distincts, le film dresse un tableau collectif, à plusieurs niveaux de résonances.
De ces portraits de femmes, honnêtes et touchants, se dégage l’histoire d’un pays tout entier.
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