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La partition, un titre qui cache son jeu (bergmanien)

Tom, chef d’orchestre à Berlin, est sur le point de devenir le père de l’enfant de son ex-femme. Sa sœur Ellen, entame une liaison avec un homme marié, avec qui elle partage une passion pour l’alcool. Leurs parents déclinent physiquement et se sentent délaissés par leurs enfants. Alors qu’ils tentent de renouer des liens, les non-dits empêchent la famille Lunies de se réconcilier.

Et soudain, passées les deux premières heures, le réalisateur cite, à cinq minutes d’intervalle deux fois sa référence première pour La partition (Sterben /Mourir en titre original allemand), son mélo essorant, Fanny et Alexandre, en particulier, et plus généralement, Bergman. Etiquette placée à l’usage de la critique, pour celles et ceux qui n’auraient pas réussi à catégoriser le produit. Les quelques fausses pistes, la noirceur, le morbide même, la complaisance à inscrire toute la narration sur ce spectre du rapport à la mort de l’autre, et l’interrogation très moderne qu’elle porte, quand il s’agit de voir dans la mort une délivrance, auraient pu nous en faire douter, au point d’y voir un énième mélo dont l’industrie cinématographique allemande n’est pas avare. Oui mais voilà, La Partition, au titre français édulcoré probablement pour ne pas faire fuir le public, présente effectivement quelques jolies qualités bergmaniennes.

A commencer par sa dimension autobiographique, et l’acuité psychologique qui l’accompagne, dans ce récit où la famille dysfonctionnelle vaut malédiction, avec laquelle les personnages doivent composer, après avoir cessé de lutter contre elle. La vie même doit traverser les épreuves. Si les scènes liminaires pataudes et appuyées semblent (faussement, heureusement) nous embarquer du côté d’Amour d’Haneke, en visant l’apitoiement, les larmes, et la prise de conscience autour de la situation d’un couple de personnes âgées en proie aux pires difficultés de l’âge, presque sans répit, si ce n’est un humour morbide qui s’insère ici ou là, là aussi maladroitement, un virage narratif s’amorce, dés lors qu’entre en scène Tom, parfaitement interprété par Lars Eidinger, qui parvient à trouver le juste équilibre entre détachement et expressivité. Son personnage porte manifestement en lui des blessures, la vie semble le déborder, il avance nonobstant, dans une direction professionnelle incertaine, mais qui semble faire office de point d’ancrage naturel, ne laissant pas la part aux doutes qui, par ailleurs, semblent le submerger intérieurement. Cette intériorité se laisse deviner dans des regards à vide, de petits soufflements, ou de petites phrases d’évitement, suggérant une blessure plus profonde, qui, sur le modèle bergmanien, viendra occuper un chapitre tout entier de ce film choral.

De la famille Lunies, après avoir appris un peu à connaître le père, la mère, et le fils, nous découvrirons également la cadette, ses démons, ses angoisses. Et un peu de ses amours, comme de ceux de Tom. L’occasion pour le réalisateur d’équilibrer son récit en lui apportant une touche plus contestataire, plus rock’n’roll, et peut être plus kaurismakienne; là où Tom subit, semble en attente ou s’évertue à faire la part des choses, relativiser et analyser, sa sœur tend, elle, à bien davantage exorciser ce qui la ronge, s’en évader en permanence, se mettre en danger pour que quelque chose de meilleur puisse arriver, une sensation plus puissante (une pulsion de mort qui cache une pulsion de vie). En cela, elle offre un contrepoint aux quelques autres drames qui se jouent présentement autour du personnage de Tom, son meilleur ami et collègue en proie à de terribles souffrances psychologiques, au bout du rouleau, et son ménage polyamour, de bric et de broc, qui réveille en permanence un souvenir douloureux en lui. 

Si La Partition pâtit clairement d’une intention dramatique trop multi-dimensionnelle, fut-ce autobiographique, qui oblige à étirer le récit plus que de raison, pour ne pas trop rester superficiel, à côté de cela, il offre quelques jolies réflexions (psychologiques), respire la sincérité, qui transparaît et permet à certaines émotions, même enfouies, d’être partagées à l’écran. Celles de son auteur assurément, bien servis par ses interprètes.

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