Mis à jour le 1 mai, 2024
Au XIXe siècle, dans un village polonais, la jeune Jagna, promise à un riche fermier, se révolte. Elle prend son destin en main, rejette les traditions et bouleverse l’ordre établi. Commencent alors les saisons de la colère.
Sept ans après La passion Van Gogh, qui, à l’époque, avait connu un succès retentissant, Hugh Welchman et Dorota Kobiela reviennent avec un nouveau film. Cette fois-ci, le couple a choisi de s’attaquer à l’œuvre de Wladyslaw Reymont, Les Paysans, qui a valu à l’écrivain le prix Nobel de littérature en 1924. Un pari risqué, puisque le roman de 1000 pages se concentre sur la vie d’un hameau rural polonais du XIXe siècle. Un projet d’ampleur également dans sa conception car comme pour leur long-métrage précédent, les réalisateurs utilisent la rotoscopie, une technique cinématographique qui consiste à superposer subtilement images d’acteurs et d’animations, créant ainsi une œuvre visuelle époustouflante.
Durant 1h54, le film transporte le spectateur à travers les saisons, de l’automne à l’été, capturant le temps qui passe et l’évolution des émotions humaines. Les mouvements de caméra, habilement exploités, accentuent cette temporalité changeante, alors que la nature elle-même semble respirer, s’animer au rythme des personnages et de leurs luttes.
D’ailleurs, dans ce récit, la nature ne symbolise pas seulement le travail ; elle suscite les conflits, dissimule les secrets et embrase, littéralement, les passions. Présente en permanence, elle dépasse largement le quotidien des paysans et le simple décor pour devenir protagoniste à part entière. Elle s’immisce même jusque dans les actions humaines, comme celles des femmes qui propagent une rumeur telle une araignée tissant sa toile, ou des graines germent au printemps. De la terre labourée aux ruisseaux babillants, chaque élément prend vie, jouant un rôle crucial dans le destin des personnages.
Dans ce film, les cinéastes dépeignent la nature comme indomptable, trait qu’elle partage avec Jagna, l’héroïne. Et pour cause ; personne ne peut empêcher le tonnerre de gronder, la pluie de tomber du ciel et la paysanne d’aimer son amant, de refuser son mariage et d’aspirer à davantage de liberté. À l’image du roseau de La Fontaine dans la fable Le chêne et le roseau, Jagna se révèle fragile mais incassable. Cette invulnérabilité rassemble donc la nature et la jeune femme, qui, dans une scène éblouissante, finissent par ne faire qu’un.
En ce sens, Hugh Welchman et Dorota Kobiela produisent un long-métrage renversant. La beauté et la technicité des images offrent aux acteurs une liberté dans leur jeu parfois à la limite de la caricature. Mais le spectateur retiendra plutôt la bande originale traditionnelle hypnotique qui accompagne le récit et plonge encore davantage dans le folklore de ce village, qui repousse autant qu’il fascine.
La jeune fille et les paysans est donc une œuvre puissante flirtant avec le féminisme et le réalisme, où chaque plan se transforme en une toile vivante et chaque scène devient une poésie en mouvement.
Je suis bien d’accord, j’ai été assez transportée par ce film. Autant, l’histoire de base ne me passionnait pas, mais l’animation et la musique m’ont vraiment convaincu. Bravo pour ce joli texte et pour l’analyse de la place de la nature dans le long-métrage !