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Rencontre avec Jeanne Herry et Olivia Côte pour la sortie du film Elle l’adore

Mis à jour le 25 mai, 2015

 

Interview de Jeanne Herry et Olivia Côte
Jeanne Herry et Olivia Côte

A l’occasion de l’avant première aux Gaumonts de Rennes de « Elle l’adore », nous avons rencontré la réalisatrice Jeanne Herry, fille de Miou Miou et de Julien Clerc, et l’actrice Olivia Côte.

Quelle était votre intention, faire un polar, une histoire de fans, une histoire de menteurs ?

J.H. Un peu tout  … C’est un premier long métrage, qui s’inscrit dans la tradition des premiers longs métrages où on a tellement envie de tout mettre, de bourrer l’armoire … J’avais envie de faire un polar, de faire se rencontrer une femme et un chanteur, de travailler sur le suspense. C’est l’une des raisons pour lesquels l’écriture du scénario m’a pris du temps, j’avais envie d’écrire une histoire charpentée, exigeante, où la balle ne rebondirait pas forcément là où on s’attend …

Quelle était l’idée de départ, fondatrice de ce film ?

J.H. Un petit peu toutes ces envies là … Avec un ami, j’avais mis des idées sur un cahier, il y avait un polar, former un duo de cinéma, des situations où les personnages s’embourbe, un personnage mythomane, et puis, je ne sais pas pourquoi, cela m’est tombé dessus … Je me suis dit à un moment donné, tiens une femme, un chanteur, un cadavre encombrant cela peut être un point de départ intéressant, ludique et en même temps qui ouvrait à ce que je voulais faire c’est à dire une enquête policière sur laquelle j’ai commencé à structurer mon récit.

ELLE L'ADORE
ELLE L’ADORE

Olivia, vous connaissez Jeanne depuis longtemps, comment êtes-vous intervenu sur ce scénario ?

J.H. Olivia a été une lectrice depuis le début, qui remonte à un certain temps 1973 de mémoire … Non plus sérieusement depuis 8, 9 ans. J’ai eu l’idée, après cela m’a mis un an et demi environ pour écrire et Olivia faisait parti du club de lectrice abonnée ! Et elle a été très encourageant dés le début, un soutien.

O.C. Je l’ai lu 153 fois ! Dés la première lecture, j’étais épatée. Après ce que j’apportais c’était de petites choses. Il y avait un échange. Quand j’ai découvert le projet, je ne me suis pas dit qu’est-ce que c’est que ce truc. Au contraire, j’ai trouvé ça bien, ludique. C’était facile d’être l’amie d’une « meuf » qui écrit un truc super tout de suite. Sinon tu fais « Ah mince comment je vais m’en sortir ? », la tâche était aisée.

J.H. J’avais un personnage écrit pour Olivia spécialement. Le personnage de Coline a toujours été dans ma tête et c’est le seul personnage du film qui était dans ma tête depuis le début.

Vous avez mis 10 ans pour réaliser ce film, ce projet. Quels ont été les obstacles rencontrés ?

J.H. Il y avait mille choses … D’abord j’étais un peu lente. C’était mon premier scénario, il me fallait trouver la façon pour l’écrire, j’ai mis environ un an et demi. Ensuite, le temps de le faire lire, le temps de trouver une productrice qui m’encourage, et me dit que c’est bien mais qui me dit aussi : « Bon d’abord il faut que tu écrives un court métrage, que tu le réalises on va produire ce court métrage ». Ecrire le court métrage m’a pris un an. Puis il y a eu le temps pour faire le court métrage, le temps pour le monter, le temps pour faire des enfants, celui pour retravailler le scénario, pour mettre en scène des pièces de théâtre, puis d’écrire un autre scénario avec quelqu’un d’autre, cela s’est fait en parallèle d’autres activités, je n’ai pas été monomaniaque ! Cela a été un travail de longue haleine d’écriture, et quand j’ai eu une version aboutie, on ne peut pas dire terminée, ce n’est jamais terminée, on a commencé à le faire lire et on a galéré sur le chemin purement de la production,  de le financer, de convaincre, cela a été long. Le casting a été très très long, notamment trouver le chanteur a été difficile. Heureusement, Sandrine Kiberlain qui est attachée au projet depuis trois ans est arrivée, elle a accepté tout de suite, elle a été extrêmement déterminante, elle a porté le projet, des coproducteurs sont arrivés en soutien de notre productrice, au bout de dix ans il y avait 3 producteurs, au bout de 20 il y en aurait eu 10 cela aurait été encore plus chicJ. Le projet a failli ne pas se faire, on s’est pris pas mal d’avertissement. Le film était un pari compliqué. Je savais pertinemment que les amateurs de polar n’y trouveraient pas leur compte, pas plus que les amateurs de comédie, il fallait faire le pari que le mélange des deux genres donne quelque chose, donnerait au film, sa force, sa vérité.

Avez-vous vérifié que l’effet comique fonctionnait sur un panel test, ou étiez-sûr de votre coup ?

J.H. Bah je ne sais si vous l’avez remarqué j’ai un potentiel comique assez développé … Non, plus sérieusement, c’était un pari. Je ne me disais pas que cela allait être hilarant. Ma démarché était d’être sérieuse tout le temps, et je savais qu’il y avait du ludique à chaque recoin de ce film, dans les choix, les situations. La femme du chanteur ne meurt pas d’une façon ordinaire, elle meurt écrasée par une victoire de la musique, partout le cochon dingue, le violon dingue, la garde à vue, etc… C’était propice au sourire, ou au rire. Non je n’ai pas fait de test, d’ailleurs je ne saurais pas écrire une histoire d’une façon différente de celle là.

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Pourquoi avoir conservé la relation entre les deux policiers dans l’histoire ?

J.H. On pourrait tout à fait s’en passer. Il y avait plusieurs raisons à cela. Je savais que mon histoire se  basait sur un trio, un chanteur, une fan et un couple de policiers. Dans ce projet, il y a une volonté de montrer la face A et la face B de chacun, le côté public et le côté privé. La face au travail et la face intime. La banalité, le quotidien de Vincent Lacroix, qui est le même homme qui remplit le zénith et donne le bain, qui rencontre Drucker et va faire les courses. La normalité des gens connus. Muriel, elle est esthéticienne, elle est commune sans être terne, elle est dans la banalité de la vie… Mais en même temps, elle est fan, elle est singulière, elle est mythomane, elle est insolite. Et les flics, ils forment un binôme de travail qui fonctionne bien mais ils sont aussi en couple et leur couple rencontre des difficultés. Je trouvais cela ludique, intéressant. Moi qui suis féru de littérature policière, j’ai noté que souvent on saccage la vie des policiers pour muscler les enquêtes. On leur invente une vie privée ratée, pour qu’il la consacre à leur enquête, et on cherche à créer un contentieux avec le méchant, c’est encore mieux, donc ils sont soit veufs, soit alcooliques, en plein divorce ou ils ont perdu un enfant, etc… Et je me disais que les flics ils ont leur travail oui, mais ils ont mal aux dents, au dos, ils ont des problèmes avec leurs enfants, avec leurs femmes, et leur enquête ne peut pas prendre toute la place. J’avais vraiment dans l’idée que le cœur de ce flic à un moment donné allait donc être plus important que sa tête.

Peut-on vous demander vos sources d’inspiration, vos références ?

J.H. J’ai beaucoup pensé à Harry un ami qui vous veut du bien. C’était un film travaillé sur la synthèse des tons, à la fois sur la tension et le rire. Harry un ami qui vous veut du bien, c’est un peu comme quand vous fermez un livre. Moi j’ai marché à fond dans ce film, j’ai tout aimé, j’ai vibré, j’ai adoré la partie hyper quotidienne de cette famille qui galère à réparer la maison, qui a trop chaud sur les routes de France et ce personnage complètement dingue qui tombe du ciel, dans les toilettes. Mais quand on sort du film, on se dit mais ce personnage Harry il n’existe pas ! On comprend que le film a une vérité, très forte, mais qu’il n’est pas réaliste du tout. C’est ce que j’ai essayé de tenter. Je me suis dit on ne va pas faire un film naturaliste.  La dimension documentaire sur la vie des flics ne m’intéresse pas, ce n’est pas Polisse de Maiwenn que j’ai adoré, ce n’est pas Police de Pialat que j’ai adoré,   ce n’est pas L627 de Tavernier que j’ai adoré, non plus. Cela ne m’intéresse pas que cela soit hyper réaliste. Cela doit être crédible dans le ton du film.

J’avais trois films précis en tête à l’écriture, Harry un ami qui vous veut du bien, Garde à vue de C. Miller, et Crime et délit de Woody Allen, qui sont tous des films avec beaucoup de gravité, des évènements dramatiques, et tout d’un coup des éclats de rire très fort. Ce sont des films qui travaillent sur les tensions, sur le suspense. Je n’ai pas de comédies en têtes, même si je suis très féru de comédies également.

Comment avez-vous travaillé les dialogues, et notamment les dialogues déjà cultes de Sandrine Kiberlain quand elle cherche à se rendre intéressante ? C’était naturel pour vous ?

J.H. C’était du bonbon pour moi à écrire ! J’adore les personnages mythomanes. Ca me fait extrêmement plaisir et rigolé d’écrire les dialogues. C’est pour cela que je voulais un personnage mythomane dans l’histoire.  En tant que spectateur, je trouve que c’est un motif, une situation très agréable : Quand on sait qu’un personnage ment, se demander comment les autres réagissent, comment il va s’en sortir, par où il passe pour inventer tout ça. C’est un truc très amusant, je savais que c’était un facteur de comédie. Tout comme la scène de garde à vue qui se devait d’être très réussie, parce qu’elle avait un potentiel à l’écriture, dont on avait tous conscience,  je savais que c’était le moment, le climax du film où on récolte toutes les graines semées tout au long du film, les fleurs elles devaient arriver là. La mythomanie, plus les « keufs », plus la situation, c’était extrêmement jouissif à écrire !

 

Laurent Laffite joue Vincent Lacroix
Laurent Laffite joue Vincent Lacroix

Quel regard portez-vous sur les fans, votre père n’a pas du en manquer ?

J.H. Cela m’intéressait de montrer une vision des fans que je n’avais pas vu jusqu’alors, une face positive. J’ai adoré des films tels que Misery, la valse des pantins. Mais ces fans là qui deviennent irrémédiablement intrusifs, menaçant violents, psychopathes, pathétiques de solitude, je n’en ai pas croisé dans la vie. Par contre ces femmes, parce que ce sont souvent des femmes, qui collectionnent, qui archivent, dans un rapport de fidélité, de connaissance très aigue de leur carrière, et qui le plus souvent ont des familles, des métiers intéressants, m’intéressaient beaucoup. Ce sont des gens passionnés, ils ont une passion qui leur prend beaucoup de place, c’est extrême. Mais je n’ai jamais compris que l’on puisse considérer cela excessif, je ne comprends pas la condescendance que l’on peut avoir pour les fans, que l’on trouve effrayant. J’entends souvent cette question « alors les fans c’est un peu le revers de la médaille pour les artiste» ? Alors que, faut se calmer, les fans ce sont des gens qui vous écrivent « Votre album, il m’aide à vivre » « Votre album, il m’a sauvé du divorce », « Grâce à cette chanson, j’ai compris des choses de la vie », « Grâce à ce film, j’ai passé un bon moment ».  Alors évidemment, il y en qui sont « relou », qui sont intrusifs, qui dorment sur les paillassons, mais il n’y en a pas beaucoup ! Je trouvais intéressant de montrer que cette femme, qui est dans un extrême, qui s’est décentrée de sa vie, va s’affranchir un peu de tout ça dans le film. Je trouve la question intéressante et touchante, mais je ne trouve pas cela pathétique.

 

Le titre initial était « Elle l’aime, elle l’adore » en référence à la chanson de Michel Berger la groupie du pianiste, pourquoi ne pas être restée sur cette idée et ne pas avoir utilisé cette musique dans la BO ?

J.H. Nous n’avons pas eu les droits de prendre le titre. Et au final, c’est le titre que je voulais, solaire positif qui à force d’être si simple, si solaire, et positif vient à être mystérieux, est-ce si simple ? Mais c’est la situation de départ du film, elle l’adore. Il n’y a pas de chansons du tout dans le film, c’était une volonté. Je n’en avais pas envie. Cela ne m’intéressait pas d’écrire deux ou trois chansons bancales et de les faire interpréter par Laurent Lafitte, d’avoir des chansons dans ce film alors que j’en suis folle, que c’est ma culture.

Vous avez reçu beaucoup de récompenses. Vous revenez de Deauville où vous avez reçu le prix Michel d’Ornano du meilleur premier film Français, et où l’accueil du public fut enthousiaste quel effet cela vous fait-il ?

J.H. Nous avons reçu trois prix. Deux prix d’interprétation pour Sandrine, un à Angoulême et le prix coup de cœur de la rédaction de Elle. Et puis le film a eu le prix Michel D’Ornano, et c’était génial, une projection très émouvante. Formidable.

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