Paul, un homme ordinaire, partage sa vie entre son entreprise de construction navale, sa femme Elise, et leur fille Mia. Lors d’une sortie en mer, Paul se retrouve confronté à un étrange phénomène météorologique inexpliqué. Dès lors, Paul rétrécit inexorablement, sans que la science ne puisse lui expliquer pourquoi ni lui être d’aucun secours. Quand, par accident, il se retrouve prisonnier dans sa propre cave, et alors qu’il ne mesure plus que quelques centimètres, il va devoir se battre pour survivre dans cet environnement banal devenu périlleux.
Jan Kounen reprend le roman culte de Richard Matherson – déjà porté à l’écran en 1957 par Jack Arnold – et le réinterprète dans une tonalité contemporaine mêlant fantastique, film d’aventure et fable existentielle. Kounen, connu pour son goût du spectaculaire sensoriel et des plongées psychédéliques (Dobermann, 99 francs), choisit ici un registre où l’étrangeté se manifeste par l’altération d’échelle, une contrainte formelle qui devient motif thématique.
Une forme irréprochable
Le jeu sur les proportions avec des angles très bas, des inserts de textures à l’instar du bois du parquet, les fibres d’un tapis, des gros plans sur des objets du quotidien transfigurés en obstacles constitue le cœur visuel du film. Le réalisateur et son chef opérateur Christophe Nuyens utilisent des focales qui exagèrent la profondeur, provoquent une sensation de vertige et soulignent la petitesse du protagoniste brillamment interprété par Jean Dujardin. Le travail des décors beaucoup plus imposant et des maquettes – complétés par des effets spéciaux numériques – mise sur les rapports d’échelle inversés dans le but d’accentuer la différence de taille. Le montage serré qui compresse le temps, maintient la tension dramatique.
Le design sonore amplifie l’incongruité; un simple courant d’air devient tempête, le frottement d’un tissu se transforme en rugissement. Ce parti pris donne au spectateur l’immersion corporelle que Jan Kounen recherche. Les silences sont aussi employés pour instaurer une solitude oppressante.
Une voix off contrariante
La voix off semble être utilisée comme une voix intérieure, celle du personnage à la manière d’un journal intime ou d’un récit subjectif. Un problème réside ici dans le fait qu’elle restitue au spectateur non seulement les actions, mais également ce que ressent Paul, ses pensées, ses peurs, ses doutes. Ce procédé parasite le récit et suppose que le film ne pouvait rien raconter sans cette voix du début à la fin. Alors que le jeu d’acteur de Jean Dujardin représente entièrement les sentiments du personnage accompagné par une musique d’une sensibilité rare d’Alexandre Desplat.
L’Homme qui rétrécit de Jan Kounen demeure une réussite formelle et émotionnelle qui renouvelle une fable science-fictionnelle familière en la transformant en une expérience sensitive et morale. Le réalisateur fait de la réduction d’échelle un prisme pour interroger la dignité humaine, la vulnérabilité et les enjeux contemporain de la masculinité. Pour qui accepte de se laisser réduire et donc de regarder de plus près, le film offre une mise en scène exigeante et souvent touchante.
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