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Les Quatre Cents Coups – Liberté, Liberté

Mis à jour le 29 mai, 2016

C’est un mouvement heurté et discontinu qui accompagne le générique d’ouverture des Quatre Cents Coups (1959). La caméra de François Truffaut et de son chef-opérateur Henri Decaë parcourt les rues du Paris de la fin des années cinquante. Dynamique du promeneur qui observe les immeubles et les maisons obstruant un paysage duquel se détache la Tour Eiffel. Le monument sera finalement atteint, filmé en contre-plongée, traduisant la présence d’un être osant lever la tête pour s’éprendre du monde. Car il fallait oser le mouvement, oser le sujet (coécrit et adapté par Truffaut et Marcel Moussy), oser fixer son regard sur une réalité trop quotidienne pour prétendre ainsi s’afficher dans toute sa merveilleuse beauté. Le premier long métrage réalisé par François Truffaut est intrépide et audacieux, innocent dans sa révolte comme l’enfance, premier âge de la liberté.

Trouver sa place

L’enfant cherche et trouve. Diffracté par un jeu de miroirs, le visage de Antoine Doinel (Jean-Pierre Léaud) exprime le curieux paradoxe d’une maturité juvénile. Truffaut enfonce un coin dans la représentation cinématographique de l’enfance. Si ses gamins ont des manières d’adulte, leur émerveillement dénonce la platitude d’un certain rapport au monde. On se sert la main – convention – mais on court dans la rue, on se bagarre, on s’insulte. Libertés. Les espaces qu’habite Antoine sont trop exigües : l’appartement familial, la salle de classe, la prison. Le garçon cherche à s’adapter mais doit se résigner au surplace. La séquence du manège illustre bien sa condition. Plaqué contre le mur de la pièce tournante, Antoine gesticule, s’agite, se contorsionne. La vue subjective nous entraine dans la danse. La perspective s’efface au profit d’une abstraction spatiale et temporelle. Cette sensation sera sans cesse recherchée jusqu’à être trouvée sur une plage. L’image se fige et parachève le cloisonnement initial. Mais le son de la nature s’invite dans le cadre, le bruit des vagues et du vent prolonge la course du garçonnet hors du film. Quête absolue de liberté.

Éloge de l’infantilisme

Comme son jeune héros, le film de Truffaut est marqué de l’empreinte d’un infantilisme salvateur. L’audace du réalisateur défie les a priori de la critique. Le souci tout classique de la maîtrise (longs mouvements de caméras, compositions appliquées) dialogue avec la légèreté de l’ébauche (structure fragmentaire, improvisation). Liberté de ton qui accueille l’humour fantasque comme l’inéluctable du tragique. Amour pour les contraires redoublé, comme en écho, dans la partition musicale composée par Jean Constantin.

Antoine accroche dans sa chambre une image de Balzac, Truffaut décline avec subtilité ses références de cinéphile. Si le parcours des enfants est parsemé de salles et d’affiches de cinéma, c’est à travers le style du cinéaste que se perçoit le mieux l’influence des maîtres. Géométrie de l’espace qui rappelle l’obsession architecturale de Hitchcock, mouvement incessant de la caméra et intérêt pour le quidam dans la veine du néoréalisme italien. À la différence de Jean-Luc Godard qui dans À bout de souffle (1960) rompra avec le langage et pratiquera le collage de citations, Truffaut le franc-tireur préserve une révérence pour la manière des anciens.

Les Quatre Cents Coups immortalise un moment de l’existence. Celui de la folie et de la sagesse, de la lutte et de l’espoir, des si jolies maladresses. Truffaut, auquel la Cinémathèque rend hommage jusqu’au 1er février à travers une exposition organisée par Serge Toubiana, n’aura jamais cessé d’approfondir ces paradoxes. Immortalité d’une enfance à jamais recouvrée.

 

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