Mis à jour le 24 juin, 2023
Presque trente ans après le film animé éponyme, les studios Disney nous transportent à nouveau en enfance avec La Petite Sirène sur grand écran. L’univers fantastique du monde aquatique s’ouvre à nous avec les personnages d’Ariel et Éric qui prennent vie, en chair et en os (Halle Bailey interprète Ariel et Jonah Hauer-King, Éric).
Le réalisateur Rob Marshall (Chicago et Le Retour de Mary Poppins), chorégraphe et danseur de Broadway s’empare du remake de La Petite Sirène. L’exercice lui permet de mettre à profit son expérience – chants, mise en scène et direction d’acteurs. Dans de nombreuses interviews, Rob Marshall explique que faire renaître une comédie musicale sous-marine constituait un réel défi. Il dévoile que réaliser ce remake a nécessité une grande préparation afin de trouver des solutions techniques pour placer la caméra ou pour permettre aux acteurs de se mouvoir comme s’ils étaient en milieu aquatique.
Un budget de 250 millions d’euros a été débloqué pour la réalisation du long-métrage contre 160 millions pour le remake de La Belle et la Bête en 2017. Ainsi quatre ans et demi durant, Rob Marshall ainsi que l’ensemble des personnes travaillant sur le film ont pu développer les effets visuels pour améliorer le rendu de l’eau, des fonds, des poissons – même des cheveux d’Ariel ! – mais aussi pour concevoir les costumes ou les queues des sirènes.
Du film d’animation à la prise de vue réelle
La Petite Sirène en captation réelle, live action en anglais, reprend la quasi totalité de la trame originelle : La fille du roi Triton, Ariel, rêve de découvrir le monde des humains et collectionne les objets perdus lors de naufrages. Un soir, après une violente dispute avec son père, elle quitte le palais et une tempête éclate en mer. Ariel sauve le Prince Éric avec son chant de sirène, grâce à cette rencontre, Ursula interprétée par Melissa McCarthy attire la jeune fille. La sorcière des mers lui propose un dilemme pour retrouver son bien-aimé : sa voix contre des jambes.
Une première différence entre le remake en prise de vue réelle et le film d’animation concerne le réalisme des compagnons de la jeune sirène. En effet, le poisson Polochon n’est plus jaune, joufflu et cartoonesque. Il devient un chirurgien-bagnard plus réel et…moins jaune. Pour le crabe Sébastien, les techniciens proposent un graphisme beaucoup plus réaliste à l’écran, finis la bouche humaine et les grands yeux expressifs.
Autre différence de taille, un des personnages disparaît dans la captation réelle de La Petite Sirène : le chef cuisiner du palais, Louis. Cette modification du scénario est motivée par la violence de la scène dans laquelle le chef Louis tente d’attraper le crabe Sébastien pour le cuisiner. Coups de couteau, coups de fourchette et une marmite d’eau bouillante n’auraient été que trop réaliste et auraient très certainement effrayé les enfants. Disney a également souhaité supprimer cette séquence afin de ne pas faire face à la colère des associations pour la protection des animaux ou toutes autres polémiques. Le rôle du cuisiner était néanmoins prévu dans l’une des versions du scénario pour Lin-Manuel Miranda.
Un personnage disparaît et un autre est introduit, la reine, mère adoptive du prince Éric, interprétée par Noma Dumezweni. Cet ajout dans le récit du film de Rob Marshall permet de creuser le personnage d’Éric et de développer son histoire familiale. On apprend qu’Éric a perdu ses parents lors d’un naufrage alors qu’il était bébé. Par chance, le prince Éric a survécu à cet accident puis a été adopté par la reine Célina. Ce nouveau personnage donne donc plus d’épaisseur et de complexité à Éric et apporte une relation mère-fils, absent dans le film d’animation. Cette dernière crée un rapprochement entre le prince et la sirène dans le live action. En effet, ces relations, mère-fils et père- fille permettent de mieux définir l’âge d’Éric et Ariel.
Les scénaristes apportent des précisions généalogiques, nous apprenons que la sorcière de l’océan n’est autre que la sœur de Triton et donc la tante d’Ariel. Cela explique pourquoi Ursula possède autant de rancœur et de rage envers le roi des océans.
Une quatrième différence concerne le pacte entre Ariel et Ursula, dans les deux versions la petite Sirène accepte d’échanger sa merveilleuse voix contre des jambes humaines. La suite ne change pas, si elle n’a pas partagé un baiser d’amour véritable avec le prince Éric, Ariel redeviendra une sirène et sera pour toujours l’esclave d’Ursula. Dans le film d’animation, la sirène reste consciente du temps qui passe, mais dans le live action, la sorcière des océans jette un sort à Ariel pour qu’elle oublie l’échéance des trois jours…
Un univers sonore varié qui modernise la version originale
La Petite Sirène de Rob Marshall, présente un indéniable point fort : sa bande originale. Les différentes chansons apportent beaucoup aux personnages dans l’expression de leurs sentiments. Halle Bailey en version originale et Cerise Calixte en version française chantent magnifiquement. (NB : Cerise Calixte avait déjà enfilé la tenue d’une princesse dans le film d’animation Vaiana)
Dans la version de 2023 de La Petite Sirène , nous retrouvons un morceau original, Partir là-bas avec une scène qui ressemble plans pour plans à la séquence du long-métrage de 1989, une madeleine de Proust pour les adultes qui vont voir le film. Quand l’actrice Halle Bailey s’imagine en train de chanter, ses expressions faciales expressives envoutent les spectateurs. La bande originale reprend également d’autres chansons cultes, Sous l’océan et Embrasse-la.
En version originale, l’acteur britannique Jonah Hauer-King, chante avec beaucoup d’émotion un des nouveaux hymnes, Wild Uncharted Waters (Par-delà l’horizon en français) qui rend Éric sensible et avide de découvrir le monde. Face à la mer, il clame son amour pour cette mystérieuse jeune femme qui l’a sauvé du naufrage. Dans cette séquence, les vagues déchainées représentent bien l’état intérieur du prince et offre une mise en abyme des tourments qu’il ressent.
Le doublage français de la voix du prince Éric n’a pas été confié à Martin Faliu sans raison puisqu’en 1989, Claire Guyot, sa mère, doublait la voix française de la Sirène !
En sus de Wild Uncharted Waters, le parolier du film Lin-Manuel Miranda et le compositeur Alan Menken ont aussi écrit deux autres chansons inédites : La Première Fois rappée Ariel, et La rumeur est là entonnée par Eurêka et Sébastien. Fait rare dans l’univers de princesse de Disney, apporte plus d’énergie au film par sa rythmique hip hop .
L’actrice et chanteuse Hallee Bailey, connue aux Etats-Unis pour son duo musical avec sa sœur Chloe Bailey et sa voix angélique, décroche son premier grand rôle au cinéma. Précédemment, Hallee Bailey avait joué dans Vacances sur ordonnance, les séries House of Payne ainsi que dans la série Grown-ish. Interrogé par plusieurs médias, Rob Marshall relève que la jeune chanteuse possède une connexion émotionnelle profonde avec ce qu’elle chante, ce qui la distinguait de ses concurrentes lors des auditions.
De manière anecdotique, les paroles de Embrasse-la, ont été modifiées afin de prendre en compte les remarques liées au non-consentement que la chanson pouvait susciter tout comme celles de Pauvres âmes en perdition. Pour cette dernière, il s’agissait de ne pas donner l’impression aux jeunes filles qu’elles ne devraient pas parler à tort et à travers, précise Alan Menken, même si dans le morceau Ursula manipule ouvertement Ariel pour qu’elle renonce à sa voix de sirène, ajoute le compositeur.
Un couple aventurier et sensible
Tout comme dans la version originale, le prince Éric et Ariel forment un couple maladroit, touchant et fragile. Ils représentent deux mondes s’unissant peu à peu et surmontant leurs différences. Trente ans après la sortie du film d’animation, Éric tombe amoureux d’Ariel sans qu’elle ne prononce un seul mot. L’alchimie magique entre Halle et Jonah, par leurs jeux de regards honnêtes et purs permettent aux spectateurs de voir prendre vie l’un des plus beaux couples Disney. Les deux interprètes endossent parfaitement leurs rôles et nous transportent dans leur idylle.
Dans la version de 1989, la relation entre Ariel et Éric n’a pas le temps d’être développée et approfondie, dès leur balade en barque, ils tombent amoureux presque instantanément. Dans la nouvelle version, Rob Marshall prend le temps de poser leur histoire d’amour. En effet, le film d’animation dure une heure vingt-trois quand le long-métrage en captation réelle dure deux heures quinze soit cinquante-deux minutes de plus. Ce temps supplémentaire permet de renforcer l’évolution du lien unissant Ariel et Éric et de la sorte le réalisme de l’histoire. Plus posé que la version animée, les spectateurs se voient proposer un rythme qui procure plus de plaisir à suivre l’apprentissage des deux jeunes amoureux à l’aide de moments simples et suspendus dans le temps.
Ainsi, dans la version de Rob Marshall, lorsqu’Ariel se balade dans le palais, elle découvre le bureau du prince rempli d’objets acquis durant ses voyages. Éric la surprend dans cette pièce et commence à lui raconter l’ensemble de ses visites dans le monde et l’origine de ces trouvailles. Le remake de Marshall suggère avec cette scène la solidité de la relation et favorise également le développement du personnage d’Éric, en approfondissant sa personnalité, et surtout en le rendant plus humain. De plus, un parallèle peut être dressé entre ce bureau et la grotte d’Ariel sous l’océan. En effet, chacun des deux aventuriers y stockent les objets qu’ils récupèrent. Ariel ne peut pas parler de ses découvertes, mais le spectateur parvient à faire le lien entre les deux jardins secrets des protagonistes.
Aussi, le personnage d’Ariel possède plus de profondeur que dans le film d’animation où jeune et candide elle souhaitait quitter l’océan au nom de l’amour. Dans cette nouvelle version, sa soif d’aventure, son envie de découvrir le monde et d’en savoir plus sur les humains prennent le dessus. Ariel, plus qu’une sirène amoureuse d’un beau prince, devient plutôt une fille ambitieuse incomprise par son père. Rob Marshall donne plus de caractère et d’indépendance à son héroïne. La modification du dénouement renforce encore plus cette impression. En effet, quand Ursula prend l’apparence d’une pieuvre géante grâce au pouvoir de Triton, le prince ne tient plus le rôle de sauveur en transperçant la sorcière mais Ariel prend sa suite !
Un conte particulièrement fluide
Comme souvent dans les films Disney, les séquences du film se succèdent au fil de l’eau. Le premier chapitre commence au début du long-métrage et nous présente le décor, les vagues déchaînées qui se dressent face à nous comme un tableau. Par la suite, nous découvrons tour à tour les sœurs d’Ariel ainsi que son père, très vite la rencontre avec la protagoniste arrive. Les plans de suivis dans l’épave où nous trouvons la jeune sirène nous plonge dans sa passion : les objets provenant des naufrages et son désir d’aventure.
Puis, la première dispute avec son père survient, premier élément venant fracturer leur relation. La volonté d’Ariel d’en apprendre plus sur les humains prend le dessus et un autre chapitre débute, sa rencontre avec le prince. Après avoir sauvé Éric, un nouvel épisode se prépare… la colère du père d’Ariel. Lorsqu’il apprend que sa fille a sauvé un humain, il détruit le jardin secret d’Ariel ainsi que toutes ses découvertes… La suite, nous la connaissons tous, Ariel attirée par la sorcière des mers Ursula lui propose ce qu’elle souhaite : aller sur terre. La jeune sirène, arrivée dans le monde d’en haut, doit embrasser le prince. A la fin, pas de mystère, nous sommes quand même chez Disney, ils vécurent heureux et…
Plus qu’une simple balade en bateau
Prenons quelques instants pour aborder la séquence de la balade en bateau d’Ariel et Éric, merveilleuse comme dans le film d’animation, mais cette fois-ci en captation réelle. La caméra tourne parfois autour d’eux lentement ou se rapproche et crée comme une bulle, un moment suspendu dans le temps. Nous ressentons l’impression que la narration se met en pause, qu’il s’agit d’un moment privilégié entre Ariel et Éric. Les différents reflets sur l’eau transparente avec les lucioles dont ceux de la lune sont vraiment magnifiques. Allongé avec Ariel dans le bateau, Éric lui présente les constellations et Ariel, par la force de son regard, tente de lui faire deviner son prénom. Elle lui touche les lèvres pour qu’il prononce la bonne syllabe. Cette scène transmet qu’ils sont faits l’un pour l’autre tout en accentuant la fragilité du personnage d’Éric.
Les décors sous l’eau et sur terre
Les décors et les couleurs sous l’océan, pleins de vie, de joie, de précisions et de réalisme transportent le spectateur au sein du monde aquatique. La caméra s’aligne sur le rythme de la nage des sirènes. Les scènes sous-marines tournées sur fond bleu avec la technique cinématographique dry-for-wet consiste à ce que les acteurs harnachés se tiennent sur des diapasons, de grands disques circulaires qui tournent autour d’eux et qui leur permettent de bouger et de se mouvoir de haut en bas. Ce mécanisme nécessite une chorégraphie précise ainsi qu’une grande équipe de cascadeurs.
Afin de simuler l’impression d’être sous la mer des effets d’éclairage complexes ont été élaborés par le directeur de la photographie Dion Beebe. A l’aide de son chef électricien, des bacs à eau suspendus au dessus des décors permettent à la lumière de se projeter à travers. La construction d’un appareil destiné à brasser l’eau pour éclairer les séquences sous-marines provient de l’équipe en charge des effets spéciaux. L’ensemble de ces techniques offrent une découverte de la biodiversité marine avec Ariel, Polochon et Sébastien ( respectivement les acteurs Jacob Tremblay et Daveed Diggs prêtent leurs voix à Polochon et Sébastien). Les scènes sous l’eau magnifiques, précises, fluides, nous font voyager.
Le contraste entre les couleurs du monde sous-marin réaliste et les couleurs brillantes du monde terrestre crée une frontière pour Ariel comme si la lumière lui était inaccessible. Nous retrouvons des couleurs très sombres, en présence de la sorcière Ursula avec des teintes ternes et froides. L’actrice Melissa McCarthy incarne machiavéliquement bien son rôle. Dans le remake, Ursula possède le même collier en forme de coquillage que dans la version animée de 1989.
Une Madeleine de Proust
Le premier souvenir d’enfance qui nous revient lorsque plongé dans la salle obscure le générique commence est bien entendu celui du château Disney. L’émotion nous gagne peu à peu puis quelques instants plus tard, l’océan s’offre à nous. Tout de suite, nous comprenons que la Petite Sirène va être projetée à l’écran. Un sentiment de déjà vu s’empare alors de nous. Lorsque les premières notes de Sous l’océan démarrent, nous pourrions presque entendre les pensées nostalgiques de chacun. Quand Ariel, prend une fourchette pour une brosse à cheveux, un sourire se dessine sur les visages de nombreux spectateurs autour de nous. Même si nous connaissons cette scène ainsi que l’ensemble de l’histoire, quel plaisir inouï de redécouvrir avec quelques modifications, un classique Disney en captation réelle. Après Cendrillon en 2015 ou encore La Belle et la Bête en 2017, Ariel prend à son tour vie.
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