Mis à jour le 14 août, 2019
Hier tout le monde connaissait les Beatles, mais aujourd’hui seul Jack se souvient de leurs chansons. Il est sur le point de devenir extrêmement célèbre.
Jack Malik est un auteur-compositeur interprète en galère, dont les rêves sont en train de sombrer dans la mer qui borde le petit village où il habite en Angleterre, en dépit des encouragements d’Ellie, sa meilleure amie d’enfance qui n’a jamais cessé de croire en lui. Après un accident avec un bus pendant une étrange panne d’électricité, Jack se réveille dans un monde où il découvre que les Beatles n’ont jamais existé… ce qui va le mettre face à un sérieux cas de conscience.
La dernière œuvre de Danny Boyle n’est pas un biopic sur les Beatles: avec une idée de départ originale, le film revisite l’influence actuelle des inoubliables chansons du groupe pop britannique sur le quotidien des gens.
Jack, le personnage principal, est un musicien modeste et ambitieux mais sans succès. Sa vie change le jour où, soudain, le monde entier, à l’exception de lui-même, semble avoir oublié l’existence des Beatles. Il s’agit, bien sûr, d’une métaphore de la situation actuelle de l’industrie musicale: les majors dictent le goût du public en commercialisant massivement des produits musicaux insipides basés sur un même moule. Cette critique sincère de notre monde, également perceptible dans le titre Yesterday (hier) se camoufle parfois derrière la comédie romantique – cher au scénariste, réalisateur et producteur de film Richard Curtis -, qui, à mesure que l’on avance dans l’histoire, devient de plus en plus prégnante (mais toujours avec humour).
Certaines scènes renvoient à une dystopie, Jack prend alors le rôle du prophète en mission, étant en contact avec la parole « divine » à laquelle ceux qui l’entourent ne croient plus. Quand, par exemple, Jack rencontre, après son plus grand concert, deux personnes qui reconnaissent les chansons et sont les seuls survivants d’un autre temps, à la manière des fidèles d’une religion ou d’une idéologie interdite, le film semble porter un regard ironique vis à vis de films dystopiques comme Fahrenheit 451.
Le sentiment nostalgique d’une époque passée (les années 1960) s’avère ainsi présent dans le film, non seulement sur le plan musical, mais aussi dans un contexte culturel plus large. Boyle et Curtis proposent un film qui s’éloigne de l’esprit contemporain, aux airs « démodés » tant sur le plan idéologique que visuel. L’apparence vestimentaire et les décors de la petite ville anglaise dont Jack est originaire, le dilemme moral auquel il est confronté, la perception innocente de l’amour romantique (la quasi absence de la question sexuelle dans le film paraît rare dans le cinéma d’aujourd’hui), vont de pair avec les paroles un peu naïves des premiers tubes des Beatles tels qu’ I want to hold your hand… Le mélange des idées romantiques et musicales crée parfois de belles scènes, comme ce moment où Jack essaye de se souvenir des paroles d’Eleanor Rigby…
Pour rééquilibrer cet aspect vieillot, dont le cinéaste est pleinement conscient, le personnage contemporain d’Ed Sheeran est ajouté. Il joue son propre rôle d’une manière sympathique et le duo/contraste avec Himesh Patel est convaincant et amusant. Curtis, en convoquant Ed Sheeran, en organisant une battle entre les deux personnages, tend à dresser un parallèle entre les deux époques.
Choisir un acteur d’origine indienne pour le personnage principal était un pari risqué, mais se révèle un bon choix car il dégage une énergie qui transmet la passion de Jack pour la musique. Sa voix est agréable et son visage oriental ajoute une touche d’originalité au film. On peut aussi y voir le lien de Danny Boyle avec la culture Indenne après Slumdog millionaire.
L’idée de départ, aussi étrange qu’elle puisse paraître, permet au scénariste de traiter plusieurs sujets tout en restant concentré sur l’image d’un artiste dans le chemin vers la réussite mais faisant face à des choix moraux. La question éthique du plagiat est ainsi abordée : à quel point peut-on se permettre de créer une œuvre inspirée d’autres artistes ? Peut-on les reprendre/revisiter si la loi ne l’empêche pas ? Mieux vaut-il choisir un quotidien difficile en ayant la conscience tranquille, ou la célébrité et l’argent injustement gagné ? Jusqu’où peut-on suivre ses rêves quand gagner sa vie relève déjà de la gageure ?
La fin du film y répond clairement et de façon moralisatrice, ce qui simplifie d’une certaine manière la complexité des questions. On le conseillera néanmoins même si les scènes musicales ne sont pas aussi nombreuses qu’on l’aurait souhaité et que l’inévitable kitch des comédies romantiques ne manque pas. Yesterday est d’abord fait pour les fans de la musique et de l’ambiance des années 1960. D’ailleurs, lors d’un blind-test avant une projection, plus de la moitié de la salle était capable de reconnaître les chansons des Beatles après en avoir entendu quelques secondes : l’univers dystopique du film est encore heureusement bien loin !
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