Sarah est une astronaute française qui s’apprête à quitter la terre pour une mission d’un an, Proxima. Alors qu’elle suit l’entraînement rigoureux imposé aux astronautes, seule femme au milieu d’hommes, elle se prépare surtout à la séparation avec sa fille de 8 ans.
L’air du temps aura probablement voulu que sortent à très peu d’intervalle deux films qui s’intéressent à des thématiques sœurs jumelles, deux films à la fois proches et totalement opposés, à l’image de leur titre aux consonances latines Ad Astra (Vers les étoiles en latin) et Proxima (approche! en latin)… Ainsi, il nous a semblé intéressant de se donner au petit jeu des comparaisons …
D’un côté le très côté, sur le plan international (grand enfant de Cannes, tous ses films ou presque y trouvent place en sélection officielle) comme national (Chabrol en était le plus grand fan, la presse française dans son ensemble l’encense), James Gray , de l’autre, la prometteuse mais beaucoup moins connue Alice Winocour, enfant de Cannes elle-aussi mais aux échelons inférieurs(Augustine, Maryland et scénariste de Mustang).
D’un côté, la star mondiale masculine par excellence Brad Pitt, sex symbol qui draine derrière lui un public féminin comme masculin, qui alterne blockbuster et film légèrement plus indépendant, de l’autre, une star mondiale parmi d’autres, Eva Green, sex symbol elle-aussi, parfois utilisée en second rôle dans des blockbusters pour sa plastique (Sin City, Casino Royale, 300, … ), mais qui fut lancée par Bertolucci (Innocents, the dreamers), joua les premiers rôles pour Polanski (D’après une histoire vraie), mais aussi des auteurs indépendants tels que Todd Solondz (White Bird) ou David McKenzie (Perfect Sense).
D’un côté, un scénario qui s’intéresse à un rapport père fils façon star wars, nimbé d’orgueil, au manque affectif d’un héros taiseux, qui occulte parfaitement le quotidien, la vie sentimentale – la femme de Brad Pitt dans Ad Astra, interprétée par Liv Tyler erre tout le long du film comme un spectre, tant ses répliques semblent avoir été coupées au montage pour mieux se concentrer sur l’action, la magnificence de l’espace, sa beauté, la métaphysique qui s’en dégage, pour mieux servir une histoire très peu crédible, et qui n’apporte rien en terme de science fiction. De l’autre, un parti pris totalement opposé, celui de ne pas faire du voyage spatial la fin en soi, de ne pas proposer un space odyssey ou un énième 2001, mais, au contraire, de s’intéresser à un personnage féminin fort, de mettre en avant sa psychologie, ses doutes, ses combats, ses difficultés à lutter pour se faire une place, pour être acceptée d’égal à égal avec ses confrères astronautes masculins, (parmi lesquels on retrouve un Matt Dylon utilisé pour sa virilité, en représentant de l’homme qui regarde demain – le film se situe dans un espace temps difficile à situer – la femme comme l’homme la regardait en France ou aux Etats-Unis à l’heure où le patriarcat absolu sévissait) pour réaliser ses rêves, au prix de sacrifices qu’elle assume de prime abord, mais qui parfois se révèlent à elle comme des montagnes infranchissables, engendrent des souffrances et des blessures, que seule une femme a enduré. Surtout, le scénario de Proxima dépeint de tout son long, avec patience et détails, une relation mère-fille pleine d’amour mais entravée par l’ambition professionnelle de la mère.
D’un côté un film fait par un homme, qui réfléchit comme un homme, pour un homme, qui vise un public large, sur la base d’un divertissement qui s’appuie sur des ressorts dramatiques éprouvés et une recherche formelle, une esthétique où les techniques modernes sont conviées. De l’autre, un film fait par une femme, qui réfléchit comme une femme, pour une femme, et qui vise un public sensible à la cause féministe, qui se refuse à une esthétique démonstrative, aux effets spéciaux, pour mieux mettre en avant son sujet, qui n’est pas la quête spatiale en tant que telle, mais bel et bien la place de la femme dans la société.
D’un côté un Brad Pitt de tous les plans et de toutes les intentions, dont le réalisateur cherche à faire ressortir – avec réussite pour certains, de façon ridicule pour d’autres – le magnétisme, dans une partition qui n’est pas totalement nouvelle pour lui, et qui rappelle étrangement celle confiée à Matt Damon dans Seul sur Mars, de l’autre, une Eva Green qui trouve probablement son plus beau rôle, dans une partition qui semble avoir été écrite pour elle.
Proxima s’avère ainsi en de nombreux aspects l’exact opposé d’Ad Astra. Pour autant, avoir détesté ou adoré le second, ne promet en rien que vous éprouverez le sentiment inverse pour le premier. Car l’un comme l’autre ont pour principal défaut de s’inscrire dans un genre, d’affirmer leur propos, sans jamais se soucier de ceux qui n’y seraient pas entièrement réceptifs, c’est à dire, sans apporter des variations, des nuances, de l’eau dans un vin qui ne cache jamais ses intentions. Vous pourrez, comme nous, être sensible au féminisme d‘Alice Winocour, au soin qu’elle prend dans le portrait qu’elle esquisse d’une femme courageuse, déterminée, comme vous pourrez, également comme nous, trouver cette intention trop manifeste, trop soulignée.
Soyez le premier a laisser un commentaire