Film au long cours (2h30), drame psychologique profond, Pororoca, pas un jour ne passe est émaillé de deux longs plans-séquences radicalement différents. Ils sont autant de marqueurs d’une mise en scène réfléchie, intelligente et brillante. Ce film, réceptacle d’une excellente gestion des durées et des espaces dans un format Scope, positionne son auteur, Constantin Popescu, en bonne place dans la sphère du cinéma roumain actuel.
Cristina et Tudor Ionescu forment une famille heureuse avec leurs deux enfants, Maria et Ilie. Ils ont la trentaine, vivent dans un bel appartement en ville. Il travaille dans une entreprise de téléphonie, elle est comptable. Un dimanche matin, alors que Tudor se trouve avec les enfants au parc, Maria disparaît.
La vague amazonienne pororoca prisée par les surfeurs et invoquée par Constantin Popescu se caractérise principalement par sa longue durée et sa forte puissance. Deux qualificatifs que nous pouvons aisément accoler à Pororoca, pas un jour ne passe. S’il n’est nullement affaire de surf dans ce film roumain, il est bien question d’une vague, une véritable onde de choc dramatique. Son impact sur la famille composée autour du jeune couple formé par les comédiens Bogdan Dumitrache et Iulia Lumanare va être long, profond et destructeur.
Ces deux acteurs incarnent deux personnages aux réactions radicalement différentes face à la disparition inexpliquée de leur fillette. Cet évènement tragique intervient soudainement au mitan d’un premier long plan-séquence pris sur le vif et au suspense parfaitement dosé. Cette séquence en extérieur (parc public) de près d’une vingtaine de minutes est remarquable. Sa mise en scène calculée contraint le spectateur à prêter une attention soutenue au moindre détail qui pourrait constituer un indice utile dans le cadre de l’enquête policière à venir.
En parallèle de celle-ci, Popescu déroule une longue quête durant laquelle la puissance d’interprétation de Dumitrache ne cessera de s’imposer à nous. On ne peut que féliciter le jury de l’édition 2017 du festival de San Sebastian de lui avoir attribué le prix du meilleur acteur. Le comédien roumain gère avec une précision rare l’évolution tant psychologique que physique de son personnage.
Pororoca, pas un jour ne passe débouche sur un final percutant et extrêmement radical. Au regard de son contenu, cet épilogue traité, là encore, au détour d’un incroyable long plan-séquence qui, tourné également en caméra portée mais en intérieur, ne pouvait faire l’objet que d’une seule prise. Parfaitement orchestrée, à l’image du film dans son entièreté, cette remarquable séquence destructrice vaut pour symbole d’un personnage métamorphosé et détruit. Cette scène ultime n’est pas sans nous remémorer Le septième continent (1989) de Michael Haneke dont on aurait supprimé tout découpage.
Fort de deux plans-séquences d’anthologie et d’une mise en scène recherchée et précise, Pororoca, pas un jour ne passe marque l’avènement d’un cinéaste dont il faudra suivre avec attention les prochaines réalisations. Dans le sillage de Cristian Mungiu son mentor, Popescu, par son talent de metteur en scène, pourrait être un des acteurs majeurs de l’amorce d’une nouvelle Nouvelle Vague du cinéma roumain.
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