1973, dans la région de Los Angeles. Alana Kane et Gary Valentine font connaissance le jour de la photo de classe au lycée du garçon. Alana n’est plus lycéenne, mais tente de trouver sa voie tout en travaillant comme assistante du photographe. Gary, lui, a déjà une expérience d’acteur, ce qu’il s’empresse de dire à la jeune fille pour l’impressionner. Amusée et intriguée par son assurance hors normes, elle accepte de l’accompagner à New York pour une émission de télévision. Mais rien ne se passe comme prévu…
Pizza au réglisse
Paul Thomas Anderson a pris l’habitude des titres dont le sens peut, en première lecture, nous échapper. Boogie Nights, Magnolia, Punch Drunk Love, There will be blood, Inherent Vice, ou même le remake Phantom Thread n’en disent pas forcément long sur l’histoire principale, tout au plus, ils donnent une tonalité, une couleur. Ce n’est que pire que Licorice Pizza nous semble pour le moins énigmatique; littéralement pizza au réglisse, on imagine un mélange improbable, un essai risqué, le mariage entre le plat classique, universel et intemporel, que tout le monde connaît (et apprécie) et la saveur plus originale que l’on raccroche plus volontiers à l’enfance ou aux desserts. Le cinéma est souvent affaire de cuisine, de réglages, d’assortiments, d’équilibre, et l’interprétation que nous pouvons ici tenter de faire n’est pas totalement dénué de sens, mais ici, Paul Thomas Anderson emprunte son titre au nom d’un magasin de disques situé dans la San Fernando Valley, à Los Angeles. En cela, il nous indique vouloir évoquer une époque, une ville, mais aussi une orientation très personnelle, au contraire de quelques uns de ses derniers films qui partaient d’une trame bien établie.
L’ American Dream: En tout américain peut se cacher un héros
Paul Thomas Anderson semble en effet très tôt vouloir développer sa propre vision de l’American Dream, celui là même qui a pu faire de lui un réalisateur mondialement reconnu, et souvent adulé. Nous suivons les pas d’une jeune garçon, lycéen plutôt atypique, à défaut d’être parfaitement charmant, qui tombe littéralement sous le charme d’une jeune femme plus âgée que lui. Lui, nourrit des rêves, et fait preuve tout à la fois d’ambition, d’optimisme voire de positivisme, et d’une belle énergie, qui l’amène à toujours nourrir de nouveaux projets plus ou moins farfelus, plus ou moins voués aux succès. Elle, semble au départ peu attiré par le jeune garçon, dont elle note le béguin, l’empressement, l’approche directe, et la respiration quelque peu pesante … Mais la situation semble l’amuser, la divertir, et l’énergie du jeune homme, lui ouvre sa sympathie et sa curiosité, en contraste avec sa nature plus défaitiste. Lui croît en l’American Dream, elle, pense que son avenir ne sera que le prolongement de son présent. Il voit grand, rêve, elle a les pieds sur terre, et un contexte familial (famille juive) qui restreint les possibilités de vie à 2. En somme, ils se complètent et leur aventure va pouvoir démarrer. Très vite, nous comprenons – nous nous en doutions à ne pas voir Joachim Phoenix au casting – que le projet de Paul Thomas Anderson consiste à nous montrer que l’extraordinaire, la péripétie, peut s’immiscer dans la vie de tout à chacun, pour peu qu’on y croit, et qu’on ouvre les yeux.
2 jeunes interprètes remarquables
A l’écran, les deux jeunes interprètes, Alana Haïm et Cooper Hoffman – le fils de Philip Seymour Hoffman, feu acteur fétiche de Paul Thomas Anderson, très loin des canons d’Hollywood, forment un duo plutôt magnétique et nimbé d’un naturel pas si fréquent dans le cinéma américain. Leurs échanges, leurs allées et venues, le jeu de séduction avorté, la relation amicale et déséquilibrée qui s’installe entre eux forme le projet narratif de Licorice Pizza.
Le grain des 70s
Paul Thomas Anderson nourrit parallèlement une intention esthétique, celle de retrouver le grain du Hollywood des années 70, et à l’étalonnage, il opte pour un format rappelant les pellicules de l’époque. Il ancre littéralement son histoire dans le Los Angeles des années 70, et le parcours quelque peu improbable nos deux jeunes héros, leurs courses, permet au spectateur de plonger avec eux dans un décor pas si éloigné de celui qui avait captivé également Tarantino, qu’il a cherché à raconter à travers Once Upon a Time in Hollywood, même si les projets ne partagent nullement la même ambition (le second se veut somme, quand le premier serait peut être davantage un retour aux sources).
Une comédie romantique revisitée
Si le rythme d’ensemble, plutôt lent, peut dérouter, le développement narratif comprend pourtant son lot de vivacité. La comparaison peut sembler étrange, mais Paul Thomas Anderson semble retrouver ici un élan qui le portait dans Punch Drunk Love, et qui le rapprocherait, par instant, des intentions poétiques du Carax alors débutant qui aimait à filmer la course folle de son héros Alex sur des airs de Bowie, dans Mauvais Sang. On retrouve d’ailleurs Bowie au générique, qui donne lieu à des effets clipesques également marque de fabrique de Paul Thomas Anderson – certains parlent de virtuosité de mise-en-scène, nous sommes, pour notre part, bien moins dithyrambique, certes Anderson parvient avec une certaine aisance à aérer son récit en y intégrant des techniques clipesques, mais il n’est pas le seul réalisateur à avoir ce talent, et son style n’a guère évolué en près de 25 ans de carrière depuis Boogie Nights. Cependant, la ballade aux accents romantiques qui commence par se dessiner, laisse ensuite la place à un développement plus proche d’Inherent Vice ou de The Master, aux accents plutôt épiques qui vient dans une certaine mesure taire l’intrigue romantique initiale avant d’y revenir, vaut pour son originalité et la prise de risque associée d’un réalisateur qui ne craint pas de tenter un mélange improbable.
Une affaire de famille et de connaissance, Paul Thomas Anderson en mode intime
Car Paul Thomas Anderson tient de façon manifeste à travers ce film à revenir aux sources, celles de ses premiers films d’une part, mais aussi en s’inspirant de sa propre enfance. Nous le disions, au générique, les deux stars sont de jeunes artistes qui ont tout à prouver et pour lesquels les foules ne se déplacent pas encore. Certes, Bradley Cooper y fait une apparition dans une composition outrée à valeur principalement comique (retour aux sources pour lui aussi, même si le style d’humour n’est pas celui de The Hangover), certes Sean Penn y trouve aussi un rôle plutôt comique de vieil acteur pourrissant et dragueur, mais nous sommes aux antipodes de ces films précédents où le réalisateur américain misait sur la notoriété d’un Joachim Phoenix super star. Pour Pizza Licorice, Paul Thomas Anderson a préféré s’entourer d’un casting proche de lui. A commencer par le fils de Philip Seymour Hoffman, qu’il a vu grandir dés sa plus tendre enfance, et qui lui permet tout à la fois de rendre hommage à son père, et de retrouver un peu de sa magie (le jeu du jeune Cooper, naturellement, rappelle celui de son père). Mais dans ce même ordre d’idée, le casting s’attache à recomposer une famille. Celle de la jeune femme interprétée par Alana Haim tout d’abord dans le film n’est autre que … sa propre famille, et notamment sa maman, que le réalisateur avait eu pour institutrice quand il était lui-même enfant. Dans la famille de Licorice Pizza, outre Sean Penn et Bradley Cooper que nous citions précédemment, il est intéressant également de noter que Paul Thomas Anderson adresse un clin d’oeil en conviant George Di Caprio, le père de Leonardo, ancienne figure artistique de Los Angeles, à participer à la fête.
Avis aux amateurs
Licorice Pizza nous a divisé dans son ensemble, bien plus que le reste de la presse, dans l’ensemble unanime. Il opère un certain charme, mais pour qui n’est pas familier du cinéaste, que ce soient ses premiers films bariolés, et énergétiques ou ses derniers plus mystiques, mystérieux, la tentative baroque de brouiller les règles scénaristiques hollywoodienne sans pour autant verser dans un auteurisme parfaitement assumé comme le rythme d’ensemble lent (la durée) peuvent laisser coi.
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