Mis à jour le 19 juillet, 2024
Lucie est une agent de la police technique et scientifique. Son quotidien solitaire est troublé par l’arrivée dans sa zone pavillonnaire d’un jeune couple, parents d’une petite fille. Alors qu’elle se prend d’affection pour ses nouveaux voisins, elle découvre que Yann, le père, est un activiste anti-flic au lourd casier judiciaire. Le conflit moral de Lucie entre sa conscience professionnelle et son amitié naissante pour cette famille fera vaciller ses certitudes…
Dans Les Gens d’à côté, André Téchiné évoque un sujet politique en vogue ces dernières années: la violence policière. Sujet complexe, sujet qui divise, duquel chacun et chacune se croit victime. Il essaie d’en cerner la polémique par différents points de vue, de faire entendre toutes les voix et de comprendre tout le monde, de rassembler les parties opposées dans un même plan, de rester neutre même en étant ému, de réconcilier.
Le cinéaste, qui a toujours revendiqué l’héritage de Truffaut, expose ici ce lien de filiation par la mise-en-scène, par le montage, mais surtout par une narration romantique assumée, qui, pour autant, ne manque pas d’intelligence et de beauté. Cette esthétique Truffaldienne suit la tentative d’esquiver le réalisme, et sur le fond, fait abstraction de la réalité sociale (tendue) contemporaine, pour la remplacer par une vision romancée, au final improbable, des choses.
Le premier tiers du film présente, brièvement et efficacement, le personnage principal, Lucie, ainsi que ses nouveaux amis/adversaires, puis développe l’histoire d’une rencontre intrigante, crée du suspense, sème les graines du doute, perturbe par à la complexité de la situation, aussi grâce à un montage dynamique et anti-naturaliste. Il nous raconte l’histoire d’une policière avec une tension digne d’un film policier. Ceci donne par ailleurs l’occasion à Isabelle Huppert d’expérimenter (et réussir) un rôle différent et complexe, lourd à tenir autant physiquement qu’émotionnellement. La durée relativement courte du film impose une certaine économie de narration, dont le film bénéficie: quelques plans de la petite fille en train de patiner et Lucie qui la regarde, suffisent pour transmettre l’essentiel: les sentiments naissants, les regrets (Lucie n’a pas d’enfant), la peur de perdre, l’angoisse qui se sent dans l’atmosphère mais qui s’avère encore incertain. [Et la scène finale, belle et signifiante, répète la même configuration, quand Lucie, cette fois apaisée et sereine, regarde la petite fille en train de jouer face à la mer.]
Mais quand il arrive le moment de la vraie confrontation, quand l’enjeu se joue, quand la policière et le militant se trouvent face à face, le film rate tout. Pour traiter ce rapport énigmatique d’attraction/répulsion, pour dessiner pleinement le portrait ce personnage de traître, pour pousser quelqu’un jusqu’à la limite de ses contradictions, il fallait plus de courage, de puissance, de sincérité, de « réel ». Comment peut-on croire qu’un activiste sous surveillance judiciaire fasse confiance à une inconnue aussi facilement? Comment une agent de la police peut-elle faire confiance aux inconnus, jusqu’à commettre un faute professionnelle aussi facilement? Par cette vision naïve de cette société adoucie, dans laquelle tout le monde semble aimable, il suffit simplement de jeter les armes à la poubelle pour se débarrasser de la violence. La violence qui est, par ailleurs, montrée plutôt du côté des militants que du côté des forces de l’ordre. L’invitation au dialogue social peut se respecter, mais la promesse de neutralité est-elle tenue?
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